La virginité ne doit certainement pas t’être un concept complètement inconnu. On considère généralement que quelqu’un.e est « vierge » lorsqu’iel n’a pas encore expérimenté son premier rapport sexuel avec un·e partenaire. Dans la culture occidentale, le message dominant concernant la virginité, c’est qu’un beau jour, au paroxysme de l’adolescence, on la perd, signant du même coup notre passage de jeune personne à personne mature. Dans un monde idéal, on l’offrirait à la bonne personne. Cette abstraction populaire n’est pas sans conséquence et est d’autant plus dommageable dans la vie des jeunes filles, contribuant, entre autres, au slutshaming et à la culture du viol.

Not a freshness seal

Personnellement, j’associe inévitablement « première fois » à un weird amalgame de peer pressure, de soulagement et d’anxiété. Avec du recul, je constate que ma « première fois » n’a rien changé. Ce jour-là, je n’ai pas l’impression d’avoir perdu quelque chose ou d’être devenue quelqu’un d’autre. Le lendemain, j’étais toujours la même adolescente au toupette plein de spraynet, transpirant d’insécurités et de parfum AQUA. Malgré tout, à l’époque, « perdre » ma virginité était quelque chose de sacré à mes yeux. C’était l’ultime passage de fille à femme, ou de quoi de même. J’étais loin de me rendre compte que la virginité, c’est pas un concept fait en béton. Ça a pas mal de failles, plus problématiques les unes que les autres. Sans compter que, breaking news, les pénis ne changent pas des vies. L’idée qu’un pénis puisse avoir un impact sur qui nous sommes et comment nous nous définissons en tant que femmes, c’est vraiment ridicule.

Comprends-moi bien, je ne dis pas ici que la découverte de la sexualité n’est pas un point tournant ou un moment significatif. Je cherche plutôt à déconstruire le mythe de la virginité et à mettre en lumière tout le sexisme y étant rattaché. Let’s lose virginity — for good.

Le culte de la pureté

Après avoir vécu mes premiers rapports hétérosexuels,pénétratifs et avec partenaire*, je me souviens m’être sentie dégueu.

J’avais vraiment l’impression d’avoir fait une gaffe, une erreur fatale que je ne pourrais plus jamais réparer ou nettoyer. Je ne me souviens pas du sexe en tant que tel, je me souviens uniquement du feeling désagréable qui l’a succédé.

Cela dit, nos sociétés en général sont kind of obsédées par l’idée de pureté des jeunes femmes, une pureté fragile à laquelle nous serions souvent contraintes. Comme l’explique gracieusement Lili Boisvert dans Le principe du cumshot : « le devoir de pureté a assurément des racines religieuses, mais le machisme** sexuel est un autre facteur, indépendant, à l’origine de ce principe profondément sexiste qui imprègne la socialisation des femmes ».

D’un point de vue historique, la contraception jadis inexistante, il était prescrit aux femmes de demeurer vierges afin de garantir la « pureté du sang » de leur lignée. Or, en 2022, on enseigne toujours aux jeunes filles à respecter des normes de bienséance et à protéger le plus longtemps possible ce précieux trésor qu’est leur virginité. La protéger de qui ? Des jeunes hommes hétéros, ces créatures acharnées et assoiffées, pouvant exercer leur sexualité où et quand bon leur semble, avec qui ils veulent et sans trop de retenue. Culture du viol : 1, découverte d’une sexualité saine et sécuritaire : 0. (Et rien de trop nouveau au pays des doubles standards qui encouragent la sexualité des hommes et interdisent celle des femmes.)



*On va revenir là-dessus, inquiète-toi pas.

**machisme : idéologie de la suprématie du mâle.



Comme le disait le valeureux Maréchal de Bassompierre (un average white dude du XVIe siècle qui se pensait ben bright pis qui trippait sur la poudre à canon) :

« La virginité est le plus riche trésor des filles, mais il est bien malaisé de garder longtemps un trésor dont tous les hommes possèdent la clé. »

!!! (S.O.S.) !!!

Or, dis-toi que notre société occidentale au background judéo-chrétien se situe clairement dans les moins rushantes au niveau de la dévotion de la pureté et tout le tralala. Dans certaines cultures, perdre son statut de vierge avant le mariage en revient à renoncer à sa valeur de femme à marier. En plus de perdre toute dignité et de faire honte à sa famille, une femme non-vierge et non-mariée devient un produit défectueux, une marchandise dont personne ne veut, incapable d’offrir corps et âmes (purs et intacts) à son futur mari. Les jeunes femmes peuvent faire face à l’exil ou à la prison si elles ne conservent pas leur virginité pour ce dernier (et oui, même s’il y a eu viol ou agression, ce qui, en aucune circonstance, ne devrait être considéré comme un rapport sexuel). Évidemment, aucun homme ne fait face à ces conséquences.

En revanche, dans d’autres contextes socioculturels, il est courant que les filles, comme les garçons, soient pour le moins pressé.e.s de se débarrasser de leur virginité, celle-ci alors perçue comme l’ultime source de honte.

Dans les écoles secondaires, c’est un peu la course contre la montre pour ne pas être la dernière personne de sa cohorte à « faire le grand saut ». Toute l’agitation que cela génère nous indique une fois de plus à quel point on valorise et accorde de l’importance au concept de virginité et comment on a tendance à tracer une ligne entre les personnes dites vierges et les personnes dites non-vierges.

Fait que c’est quoi le lien avec le slutshaming?

Petit rappel : selon le Conseil du statut de la femme, le slutshaming est un néologisme composé des mots anglais slut (salope) et shame (honte) désigne le fait de critiquer, stigmatiser, culpabiliser ou encore déconsidérer toute femme dont l’attitude, le comportement ou l’aspect physique sont jugés provocants, trop sexuels ou immoraux. Les attaques peuvent être physiques ou morales et elles entretiennent l’idée que le sexe est dégradant pour les femmes.

Les jeunes femmes désirant découvrir leur sexualité tout en conservant une bonne « réputation » (probablement l’affaire qui m’importait le plus quand j’avais 15 ans, excepté peut-être Bryan de Star Académie 2012) doivent impérativement s’assurer de ne pas coucher avec trop de partenaires différents. Dieu sait qu’une fois qu’on te considère slut, à 15 comme à 45 ans, ça peut te suivre longtemps. Encore une fois, cette règle non écrite ne s’applique pas aux hommes. Fait que dans le fond, le slutshaming, main dans la main avec le mythe de la virginité, contribue à contrôler ce que l’on fait, ce que l’on porte et comment l’on agit en tant que femmes. Plus précisément, l’équation s’opère comme suit :
mythe de la virginité & culte de la pureté 
X
machisme ordinaire
=
slutshaming
X
culture du viol
=
contrôle du corps des femmes et de leur sexualité

( ͡° ͜ʖ ͡°)

La virginité ne se perd, la virginité ne se crée, la virginité se transforme

À en croire le discours populaire, la virginité est quelque chose qui peut être perdu, donné et même gaspillé. Supposer que la virginité est un bien que l’on peut offrir à son partenaire en revient à considérer le corps des femmes comme un objet inanimé, une marchandise. La croyance populaire donne également à entendre que si l’on n’offre pas sa virginité à la bonne personne (quelqu’un.e avec qui l’on partage des sentiments amoureux, un.e partenaire de longue durée préférablement), celle-ci aura été gaspillée. Faire de la virginité une carte qu’il faut jouer stratégiquement contribue également au machisme sexuel : les hommes se font conséquemment une fierté de dévierger une jeune fille, d’être celui qui obtient sa virginité. Notons que la virgin représente d’ailleurs une catégorie super populaire dans le milieu pornographique.

Peut-être as-tu déjà entendu parler du Virgin cleansing myth, aussi appelé Virgin cure myth ou Virgin rape myth, qui consiste en une fabulation hyper problématique selon laquelle un homme porteur d’ITSS serait automatiquement guéri de toute infection suite à un rapport sexuel avec une « vierge » ? Je te laisse deviner l’impact qu’une telle abstraction a pu avoir sur la culture du viol, once again.

« On n’a pas couché ensemble, il m’a juste doigté.e. »

Toujours selon le message véhiculé, la virginité ne serait réellement et complètement « perdue » que lors d’un rapport phallo-vaginal. Le sexe oral, les caresses, la masturbation mutuelle, le sexe anal et même le sexe en solo ne comptent pas comme des premières fois ou comme de la vraie sexualité.

Tout ceci a pour effet, entre autres, de renforcer l’hétéronormativité et d’invalider les expériences queers. Pas besoin de chercher vraiment plus loin que la première page de Google search : il y a des centaines et des centaines de personnes qui se questionnent de bord en bord des forums sexos sur, si oui ou non, les lesbiennes sexuellement actives sont toujours « vierges ». Welcome to the shitshow! En limitant la sexualité à ces étiquettes cissexistes et hétéronormatives, on invalide les expériences de toutes les personnes qui ne fittent pas dans ces formalités.

Popping the cherry : la supercherie du millénaire

Si tu es une femme cisgenre, il y a de fortes chances qu’on t’ait prévenue, jadis, de l’immanquable rupture de ton hymen au moment de ton « premier rapport sexuel » ainsi que de la marée de sang qui pourrait s’en suivre. Tout ceci est un mythe : ce qui se passe down there est beaucoup plus complexe que ça. L’hymen n’est pas une paroi immuablement intacte que l’on peut percer ou déchirer. Les hymens, comme les vulves, possèdent multiples formes différentes et n’ont pas une shape universelle. Sans parler du fait que certaines personnes naissent carrément sans hymen. Que ce soit clair : aucune cerise ne se fait popper ici. 

Aussi appelé couronne vaginale (queen!), l’hymen sert à protéger le vagin de toute exposition au monde extérieur. Même s’il fait office de wannabe bouclier (champ lexical de noblesse intensifies), l’hymen détient généralement des petits « trous » permettant la circulation du flux sanguin. L’hymen peut s’étirer de toutes sortes de façons bien banales au quotidien : en faisant de la gymnastique, de l’équitation, en se blessant, lors d’un examen médical ou encore en insérant un tampon. Dans le cas où une personne aurait conservé un hymen diamétralement intact, il arrive qu’une intervention chirurgicale soit nécessaire au moment des premières menstruations pour laisser le sang s’extraire du corps. Je te laisse une petite idée des multiples formes que peut avoir un hymen juste ici. 👇

Image inspirée de Vaginal corona, RFSU

Le problème, c’est que beaucoup de gens pensent toujours que l’hymen est un marqueur biologique cohérent et fiable pour déterminer si quelqu’un a eu ou non son premier rapport sexuel. Dans certains mariages, une serviette est placée sur le lit afin de s’assurer d’y trouver des gouttes de sang à la suite de la première relation sexuelle, et ainsi prouver la virginité de la mariée, et du même coup, sa pureté. Cette excuse est parfois utilisée pour justifier des actes de violence conjugale. Dangerous enough?

Chirurgies de reconstruction de l’hymen & autres fantaisies 

Si tout ceci te semble ridicule et désuet, sache que l’hyménoplastie (chirurgie qui vise à la « reconstruction » de l’hymen) est toujours pratiquée et praticable dans plein de pays. D’ailleurs, pour la modique somme de 3700 $, tu peux t’en procurer une à Laval.

Comme dans le cas de toute intervention chirurgicale qui se respecte, cette procédure comporte plusieurs risques. Notons que cette opération s’avère complètement inutile d’un point de vue médical, et que sa création est intégralement due à la croyance populaire soutenant qu’une femme devrait saigner lors de sa première nuit de noces.

Sinon, tu peux te procurer à moindre coût tout ce dont tu as besoin pour redevenir vierge à nouveau sur hymenshop.com.

Tests de virginité & autres violences banalisées

Prescrits et administrés comme des « examens pelviens », les « tests de virginité » sont également des procédures courantes, malgré l’absence de valeur scientifique de leurs résultats. Tu devineras, ces tests consistent en un examen de l’hymen permettant de poser un diagnostic sur la virginité d’une personne. Par ailleurs, le rappeur américain T.I. a mentionné à plusieurs reprises imposer des visites annuelles chez le gynécologue à sa fille afin de s’assurer de sa virginité. Cette déclaration a (heureusement) provoqué l’indignation générale, notamment parce que la pratique du « test de virginité » est classée par l’ONU comme un type de violence à l’égard des femmes et jeunes filles, et aussi parce que ça fait aucun fucking sens.

The 40-Year-Old Virgin et cie : CANCEL

Être « vierge » à 40 ans ? C’est ben correct. Il est vraiment temps de faire un effort collectif pour arrêter de stigmatiser et shame les personnes qui n’ont pas participé à des relations sexuelles avec partenaire (for whatever valid reason) avant un certain moment de leur vie que l’on a collectivement décidé de juger « trop tard ». Je te conseille également de te renseigner sur l’asexualité, pendant qu’on y est !

Je termine en te rappelant que la virginité, c’est un construit social. Penser qu’il y a quelconque corrélation entre l’intégrité d’une membrane interne fragile et la valeur d’un.e individu.e est complètement absurde. Apprenons aux jeunes que la sexualité (et donc la virginité) signifient différentes choses pour différentes personnes et reconnaissons que toutes les expériences sexuelles sont valides. Finalement, que tes expériences sexuelles soient innombrables, limitées ou inexistantes, elles ne déterminent en rien qui tu es ou comment tu te définis.

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À propos de Margot Chénier

Rédactrice et spécialiste des réseaux sociaux | Pronoms : elle/la | Diplômée en Études Féministes, je poursuis présentement mon parcours universitaire en Film Studies. Je suis une grande fan de tout ce qui vibre, qui brille ou qui pétille. J’ai Bye bye mon cowboy de pognée dans la tête 24/7. Je prends plaisir à mettre feu aux normes sociales pernicieuses et désuètes. On me qualifie parfois de «radicale», mais je ne vois pas ce qu’il y a de radical à vouloir anéantir la réputation de Woody Allen et la culture du viol. J’ai horreur qu’on utilise le terme vagin pour parler de vulve. Je passe le plus clair de mon temps à faire des rants contre la culture des diètes et le film Never been kissed. If you need me, I’ll be eating 5lbs of asparagus in the corner.

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