Apparue dans le langage populaire il y a plus ou moins 25 ans, l’expression « cougar » réfère, selon le Robert, à une femme d’âge mûr qui recherche et séduit des hommes beaucoup plus jeunes. Dans la culture populaire, la cougar est souvent une véritable chasseresse, une prédatrice insatiable et assoiffée.

Même si, aujourd’hui, de nombreuses femmes se sont réapproprié cette expression, souvenons-nous qu’à l’origine, c’était une insulte visant à dénigrer celles qui bénéficiaient d’une sexualité assumée et émancipée après la fleur de l’âge. Des qualificatifs pour le moins péjoratifs sont toujours rattachés à l’étiquette de cougar, tels que : cochonne, malsaine, pas de classe, vulgaire, fake, trop maquillée, trop d’initiative, trop… juste trop.

Je te propose de déconstruire ce cliché sexuel en analysant ses origines et les biais sexistes et âgistes y étant associés. Prêt.e ? It’s gonna be a bumpy ride!

NB : Au cours de cet article, je situerai davantage la cougar dans des rapports hétérosexuels, afin de mettre en évidence le rôle du patriarcat et du sexisme dans la création de cette figure. Cela dit, la cougar n’est pas exclusive aux liaisons (fictives ou pas) hétéros, une femme d’âge mûr fréquentant une femme plus jeune récoltera, elle aussi et sans trop de doutes, l’étiquette de cougar.

Cougar ou MILF ? 

Pour bien saisir comment l’âgisme et le sexisme interagissent entre eux aux dépens de la sexualité et du désir des femmes, il est important de comprendre les nuances entre les archétypes de cougar et de MILF. 

La MILF, acronyme de Mother I’d Like to Fuck, est une mère qui n’en a pas « l’air » (gros guillemets ici : être maman ne vient évidemment pas en package deal avec un look ou un body universel), qui est « objectivement » sexy. On la retrouve surtout dans la pornographie « classique » empreinte de male gaze. Le sigle officiel français est MBAB, pour Mère Bonne à Baiser. On va s’en tenir à MILF pour cet article, parce que l’acronyme MBAB me donne de l’urticaire.

Sujet passif VS sujet actif

Dans l’univers fantasmatique dont il est question, contrairement à la cougar, la MILF adopte une attitude indubitablement plus passive. Elle se trouve dans un rapport de domination, ou, du moins, d’objectification. C’est rarement elle qui initie la relation ou le rapport sexuel et ses envies ou affections ne font pas partie de l’équation : la MILF représente l’objet de désir de celui qui la consomme. Question de se mettre en contexte bien comme il faut, je suis allée sur un site de porn bien mainstream, et voici trois titres de vidéos qui se trouvaient sur la première page de la section dédiée aux #MILF.

  1. I find my neighbour’s whore MILF asleep and I can’t resist giving her a good fuck
  2. Big titted mature MILF lets her stepson fills her juicy twat with jizz
  3. Horny MILF gets fucked by the man she used to babysit a few years back

Afin de bien mettre en évidence les divergences entre MILF et cougar, j’ai également fait une recherche de vidéos disposant du mot-clef #cougar dans leurs titres. Rappelons ici que la cougar provient davantage du cinéma et de la culture pop at large et moins du milieu pornographique. Cela dit, pour les bienfaits de l’exercice, voici ce que j’ai trouvé : 

  1. German cougar seduces college stud and uses her tease to get what she wants
  2. Horny cougar devours her prey while masturbating
  3. Blonde cougar begging for her stepsons to fuck her then jumps on his hard dick

Comme le mentionne Lili Boisvert dans son judicieux essai Le principe du cumshot : « Le désir de l’homme est central dans cette expression [Mother I’d Like to Fuck] : c’est l’homme, le « je » qui désire, le sujet actif. » En contrepartie, le cliché sexuel que représente la cougar est plus félin, pervers, animal. Inversement à celui de la MILF, il est généralement détaché du concept de maternité. La cougar, féroce, communique son désir aux hommes plus jeunes ayant eu le malheur de tomber dans sa mire. 

Est-ce que cela pourrait partiellement expliquer pourquoi la cougar est perçue comme une figure de perdition, et la MILF comme un objet d’érotisme ? Notons que les cougars, contrairement aux MILFS, ont le contrôle de leurs désirs et préférences, qui ne leur sont imposé.e.s par personne. 

Voyons donc ! Quessé ça ? Une femme aux commandes de sa propre sexualité ?! Y en a une coupe qui sont passé.e.s au bûcher pour moins que ça. Shame!

Vu de même, on se dira que le stéréotype de cougar n’est vraiment pas si pire, dans le fond. Tut tut tut. Pas si vite. Je te rappelle que la cougar est une prédatrice, une croqueuse d’hommes dont les jeunes messieurs respectables sont les victimes

Moms don’t have sex

Historiquement, explique Lili Boisvert, on « s’attendait des femmes, quand elles vieillissaient, qu’elles renoncent à leur libido, pour la simple raison que l’on considérait que les hommes se désintéressaient d’elles ». Tenant compte de la grande place que prenait la maternité (trop souvent imposée) dans la vie des femmes, ce n’est pas super surprenant que peu d’entre elles se soient offusquées de cette capitulation. 

La maternité serait donc inévitablement devenue présage de la fin de la désirabilité du corps des femmes, celles-ci désormais dévouées à leur rôle de mère. I mean, à quoi bon lutter contre cette désexualisation qui résulterait probablement en de rapports sexuels plus fréquents avec des maris qui ont no clue d’où se situe le clitoris ?

Subséquemment, l’expression du désir des femmes « matures » (dans un contexte de non-fétichisation) relève, aujourd’hui encore, du tabou. Personne ne veut penser au fait que grand-maman aurait peut-être besoin de condoms, sachant que les ITSS se propagent dans les maisons de retraite

Le culte de la jeunesse 

Milaine Alarie, professionnelle scientifique à l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux, atteste dans son article scientifique intitulé Je ne suis pas une cougar !, que, puisque « l’apparence physique d’une femme est culturellement pensée comme le principal élément qui favorise le déclenchement du désir chez l’homme et que la beauté féminine est culturellement associée à la jeunesse, la sexualité féminine est souvent présentée comme un privilège réservé avant tout aux jeunes femmes qui correspondent aux standards de beauté traditionnels » (et occidentaux). Autrement dit, pour séduire un homme, il faut être conventionnellement belle, et pour être conventionnellement belle, il faut être jeune. How fun! 

25 ans, toutes ses dents & 8 sérums anti-âge 

Tu te doutes que la société de consommation a sa grande part de responsabilité dans la construction et le maintien de ce culte de la jeunesse. L’industrie des cosmétiques est, notamment, extrêmement lucrative. Rien de trop surprenant ici.


Fait que c’est ça, à force de se faire target à longueur de journée avec des publicités qui nous rappellent que l’on doit être mince, avoir la peau lisse et se débarrasser de nos cheveux blancs jusqu’à notre dernier souffle, on finit par associer « signes de vieillesse » à « repoussant, à dissimuler, ne séduit personne »… c’est juste normal. 

C’est ce qui nous amène à la fameuse question : pourquoi est-ce que les femmes émancipées sexuellement et ignorant ces standards interdisant les jeux de la séduction après un certain âge se font attribuer presque automatiquement l’étiquette de cougar ? Est-ce parce qu’elles fréquentent des hommes plus jeunes ? Ou simplement parce qu’elles refusent de se soumettre au Festival du shaming de la vieillesse ? Un p’tit peu des deux ?

Deux genres, deux mesures

Selon cette narrative et comme mentionné précédemment, la cougar est forcément une prédatrice. Nul.le ne s’intéresserait à elle si un rapport de force n’était pas mis en place pour contraindre les pauvres jeunes hommes (ou jeunes femmes) à daigner la toucher.

Qu’en est-il du match contraire ? Pourquoi est-ce si courant et si « normal » de voir des hommes plus vieux que leur partenaire au sein d’un couple hétéro ? Une femme peut avoir seulement 5 ans de plus que son partenaire et on la qualifiera de cougar. Pourtant, la culture populaire regorge d’histoires d’amour entre hommes matures et jeunes filles tout juste majeures. Pourquoi ne parle-t-on pas davantage de pumas1?

Ces flagrants double-standards sont d’autant plus observables en contexte pornographique. En effet, l’une des catégories les plus populaires sur les sites de porn consiste en la classification teen, mettant en scène des jeunes filles qui brûlent de désir (ou parfois pas, on se gêne pas de jouer avec les limites du consentement ici) pour des hommes du double de leur âge, souvent en position d’autorité. Je pense également au précurseur équivalent de la teen, l’universel et surfait kink de la jeune écolière. Ça s’invente pas.   

De plus, selon Christian Rudder, co-fondateur de l’application Okcupid, il est fréquent que, sur les applications et sites de rencontre, les utilisateurs masculins choisissent d’élargir le range d’âge des partenaires qu’ils recherchent à 18+, tandis que les utilisatrices ont tendance à swiper des hommes de leur âge, et/ou plus vieux qu’elles. Ah ben.

Silver fox VS cougar

Par ailleurs, les caractéristiques physiques associées à la vieillesse n’ont pas le même traitement chez les hommes que chez les femmes. Force est de constater que les cheveux de couleur poivre et sel et les dad bods, ça pogne pas mal plus que les courbes d’une femme qui s’affaisseraient avec le temps. Dans certains cas, on va même jusqu’à féliciter les hommes, plus spécifiquement les célébrités, qui fréquentent des femmes de leur âge, et non pas exclusivement des mannequins de 22 ans.

Un tuteur légal ? Sans façon !

Finalement, notre culture occidentale ayant, pour reprendre une dernière fois les mots de Milaine Alarie : « infantilisé légalement les femmes en les plaçant sous la tutelle des hommes pendant des siècles » continue d’encourager « une certaine forme de tutelle informelle par le biais de l’autorité qu’apporte l’âge dans les couples hétérosexuels ». Plutôt révoltant comme conclusion. En refusant d’être prises en charge par « un mâle mature », les cougars échappent à l’un des plus sournois rapports de domination gracieusement cultivés par notre société sexiste et hétéronormative. Ça en agacerait plus d’un.e, ce qui expliquerait le traitement que subissent les cougars. Cool. Hey, Carl ! 1950 called, and they don’t want you back either!

Conclusion ? Avant de qualifier quelqu’un.e de cougar, comprends que ce terme vient avec son lot de stigmas et un certain bagage socioculturel. Ce n’est pas un petit qualificatif inoffensif qu’on lance aux femmes de 5 ans notre aînée qui match avec nous sur Tinder.

Pssst ! Si tu as envie de visionner du matériel érotique qui déconstruit l’archétype de la cougar, je te recommande énergiquement le bijou qu’est le long-métrage de fiction Une dernière fois, réalisé par Olympe de G et mettant en scène Brigitte Lahaie. Vraiment, c’est un must see.


1Le puma est l’équivalent masculin de la cougar: il s’agit donc d’un homme d’âge mûr qui fréquente des femmes plus jeunes que lui.

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À propos de Margot Chénier

Rédactrice et spécialiste des réseaux sociaux | Pronoms : elle/la | Diplômée en Études Féministes, je poursuis présentement mon parcours universitaire en Film Studies. Je suis une grande fan de tout ce qui vibre, qui brille ou qui pétille. J’ai Bye bye mon cowboy de pognée dans la tête 24/7. Je prends plaisir à mettre feu aux normes sociales pernicieuses et désuètes. On me qualifie parfois de «radicale», mais je ne vois pas ce qu’il y a de radical à vouloir anéantir la réputation de Woody Allen et la culture du viol. J’ai horreur qu’on utilise le terme vagin pour parler de vulve. Je passe le plus clair de mon temps à faire des rants contre la culture des diètes et le film Never been kissed. If you need me, I’ll be eating 5lbs of asparagus in the corner.

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