Vivre avec le VIH en 2021, ça n’a rien à voir avec l’enfer vécu par les personnes séropositives durant la crise VIH/sida des années 1980. Traitements antirétroviraux, traitements préventifs, espérance de vie de parfois 80 ans ou plus… avec toutes ces avancées thérapeutiques, la qualité de vie des personnes séropositives s’est améliorée de façon significative en 40 ans.

Cependant, on ne pourrait pas en dire autant des connaissances de la population en la matière qui, elles, semblent s’être figées dans les années 1980. Plusieurs pensent encore que l’on peut contracter le VIH en embrassant quelqu’un ou que l’on vit tout au plus 2 ans après avoir reçu un diagnostic !

À l’approche de la Journée mondiale du sida du 1er décembre, faisons le point sur les connaissances et les traitements actuels tout en brisant les tabous entourant le VIH. 

1. VIH et sida — non, c’est pas la même chose !

Le VIH, c’est un virus qui s’attaque au système immunitaire de la personne qui en est atteint. C’est une affection chronique, mais maîtrisable. T’as pas l’air malade avec le VIH ! D’ailleurs, 13 % ne savent même pas qu’iels en sont atteint.e.s. On dit d’un individu ayant le virus de l’immunodéficience acquise (de son long) qu’il est séropositif. Tu peux aussi utiliser l’expression « personne vivant avec le VIH ».

Le sida, quant à lui, est le syndrome pouvant potentiellement survenir si le VIH n’est pas contrôlé. C’est à ça que l’image « typique » d’une personne ultra maigre et faible fait référence. Mais aujourd’hui, les traitements accessibles aux personnes séropositives font en sorte qu’il est possible d’empêcher le virus de se multiplier et ainsi, d’éviter de développer le sida. 

On t’explique tout ça parce qu’avec la crise du sida/VIH des années 1980-1990 et le climat de méfiance qui y régnait, le mot « sida » a pris une connotation tellement négative et stigmatisante qu’aujourd’hui on se doit de l’utiliser avec prudence.

2. Le VIH ne touche pas seulement les hommes gais !

Il n’y a pas si longtemps de cela, DaBaby faisait un commentaire homophobe et rétrograde supposant un lien de causalité entre homosexuels et séropositivité. Pourtant, la maladie ne fait pas de distinction entre les organes génitaux d’individus de différentes orientations sexuelles ! D’ailleurs, dès 2001, l’ONUSIDA rapportait déjà qu’à l’échelle mondiale, « les femmes constituent la moitié de la population vivant avec le VIH/sida. »

PRATIQUES sexuelles et non ORIENTATIONS sexuelles à risque

Certains modes de transmission et pratiques sexuelles sont plus à risque que d’autres. C’est la pénétration anale (reçue) qui comporte le plus haut risque d’infection, car le rectum est plus vulnérable aux microdéchirures et à l’inflammation, ce qui laisse plus de chance au virus de pénétrer la muqueuse (Catie). Ainsi, le.la partenaire qui reçoit la pénétration anale a 17 fois plus de risque de contracter le VIH qu’un.e partenaire pénétré.e vaginalement. 

S’il est souvent associé aux hommes gais (malgré qu’ils ne le pratiquent pas tous), le sexe anal est pourtant à la portée de toustes. Beaucoup d’hétéros— femmes ou hommes — le pratiquent. Même que plusieurs hommes s’identifiant comme hétéros ont, à l’occasion, des aventures avec d’autres hommes, que ce soit pour profiter des plaisirs de leur postérieur ou pour d’autres raisons (biphobie intériorisée, maybe ?). Ils font partie du groupe « HARSAH », un acronyme utilisé en santé publique pour faire référence aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, et ce, indépendamment de l’orientation sexuelle à laquelle ils s’identifient.

Malheureusement, au Québec, les HARSAH sont le groupe le plus à risque de contracter le VIH. En 2019, ils représentaient 56 % des 305 nouveaux diagnostics de VIH du Québec. Les autres groupes à risque sont les personnes provenant de pays où le VIH est endémique (28 % des nouveaux diagnostics), alors que 15 % des cas nouvellement diagnostiqués sont strictement hétérosexuel.le.s (INSPQ, 2019).

Nouvelle de dernière heure 📰 : pour arrêter la propagation de stéréotypes associant le VIH strictement aux hommes queers ou aux personnes trans, la Société canadienne du sang demandera à Santé Canada de modifier le questionnaire de donneur.euse.s de sang pour que les questions qui concernent l’orientation sexuelle et le genre soient remplacées par des questions sur l’historique des comportements sexuels (La Presse, 2021). À go, on prie pour que Santé Canada se base sur des réalités scientifiques plutôt que des stigmas sociaux pour sélectionner les donneur.euse.s ! GO ! 💉 🏃‍♀️ 🏃 🏃‍♂️

3. Le VIH ne s’attrape pas en touchant une poignée de porte

Le VIH, ce n’est pas la COVID-19 ! Ça ne s’attrape pas via des particules dans l’air. Avec le VIH, il faut un contact direct, voire prolongé avec un liquide contaminé. Par exemple, tu ne peux pas le contracter via l’air, l’eau, ni même par la salive, les larmes, la sueur, l’urine ou les excréments (Catie). Il peut se transmettre par le contact mère-enfant lors de l’accouchement ou de la grossesse ou en échangeant des seringues contaminées par exemple, mais son mode de transmission préféré demeure les contacts sexuels.

Justement, pour que tu puisses vivre ta best (et safest) sex life, on t’a fait un p’tit résumé des risques associés à chaque pratique sexuelle, au cas où tu voudrais te lancer dans une partie de jambes en l’air avec tan nouveau.elle partenaire séropositif.ve. 🤸

Les moyens de transmission sont classés selon 4 niveaux de risques (ministère de la Justice du Canada) :

La transmission ne se fait pas de manière systématique. D’ailleurs, la plupart du temps, même lorsque les risques sont élevés, un seul contact ne suffit pas pour transmettre le virus. Donc plusieurs conditions doivent être présentes pour que le VIH fraye son chemin jusqu’à ton organisme ! 

Le facteur ayant la plus grande incidence sur le niveau de risque, c’est la charge virale de tan partenaire. La charge virale, c’est la concentration de virus dans son organisme. Ainsi, la quantité de VIH dans le sang et les fluides de la personne doit être suffisante pour transmettre le virus. Quand la charge virale est dite « indétectable » (c’est-à-dire, moins de 200 copies du virus par millilitre de sang), les risques de transmission sont pratiquement nuls. (Psssst, on verra comment garder sa charge virale baisse un peu plus bas.)

Naturellement, les cellules immunitaires de ton corps tenteront de combattre le virus une fois qu’il essayera de les attaquer. Certains facteurs peuvent contribuer à fragiliser tes couches de cellules combatives. Par exemple, la présence d’une autre ITSS (herpès, syphilis, etc.), l’inflammation de tes tissus (après un lavement anal ou une douche vaginale par exemple), l’utilisation d’un lubrifiant contenant du spermicide (aka avec nonoxynol-9), la présence de minuscules déchirures ou de lésions lors des rapports sexuels. Aussi, garde en tête que plus la surface de la muqueuse exposée est étendue (par ex. : le rectum ou le vagin), plus les risques de contagion augmentent.

Dernière chose : si tu crois que tu peux te sauver des moyens de protection (condom, digue dentaire, PrEP, etc.) parce que toi et tan partenaire êtes toustes deux séropositif.ve.s, détrompe-toi ! Sache que deux souches différentes du virus existent (type 1 et 2) !

Savais-tu que… tu n’étais pas obligé.e de révéler que tu es porteur.euse du VIH s’il y a port de condom ou si tu maintiens une charge virale indétectable lorsque tu as une relation sexuelle avec quelqu’un ? 

Le Canada est l’un des pays où l’on criminalise le plus les personnes séropositives. Oui oui, ça arrive qu’une personne séropositive soit accusée d’agression sexuelle grave parce qu’elle n’a pas fait part de son statut sérologique avant de coucher avec quelqu’un, et ce, même s’il n’y a pas eu transmission et que les risques étaient nuls ! Mais depuis 2018, la ministre fédérale a ordonné aux procureur.e.s de cesser de poursuivre les personnes séropositives dont la charge virale était de moins de 200 copies/ml de sang.

4. La trithérapie sauve des vies

La trithérapie est une combinaison d’au moins trois médicaments antirétroviraux qui permettent de réduire le risque de transmission en baissant la quantité de virus dans l’organisme pour rester en bonne santé et avoir une vie sexuelle remplie de plaisir 

En plus de tout ça, la trithérapie a permis d’augmenter l’espérance de vie des canadien.ne.s séropositif.s de plusieurs décennies en réduisant grandement les maladies et le taux de décès liés au sida. Aujourd’hui, si une personne séropositive se fait dépister rapidement et débute son traitement tôt, elle peut espérer vivre jusqu’à 75 ans, voire plus (ce qui rejoint l’espérance de vie séronégative), alors que c’était seulement 35 ans au début des années 2000 (ONUSIDA, 2014). 

Pour t’assurer que ta charge virale demeure basse, il suffit de prendre le traitement recommandé par ton médecin de façon assidue et de passer un test pour mesurer ta charge virale tous les 4 à 6 mois.

Dépister rapidement le VIH permet une prise en charge rapide et augmente grandement le succès du traitement. Les personnes commençant la trithérapie tôt auront 36 % moins de probabilité de développer le sida. Malheureusement, le rapport du Programme de surveillance de l’infection par le VIH au Québec (2018) a révélé que la moitié des nouveaux diagnostics ont reçu un diagnostic tardif, ce qui est très inquiétant ! Alors, cours te faire dépister si ce n’est pas déjà fait !

5. Des traitements réduisent les probabilités de contracter le VIH

La PPE, la PrEP… en as-tu déjà entendu parler ? Ce sont des traitements qui permettent aux personnes qui n’en sont pas atteintes de réduire leurs risques de contracter le VIH avant et après avoir été exposé au virus. On t’explique.

PPE

La PPE (prophylaxie post-exposition), c’est un peu la pilule du lendemain du VIH. Elle sert à diminuer les probabilités de contracter le VIH chez une personne séronégative qui a été exposée à un risque réel (voir les catégories « risque faible » et « élevé ») de transmission. 

Tout comme la pilule du lendemain, plus tu agis vite, mieux le traitement risque de fonctionner (idéalement dans les 24 h, mais tu as jusqu’à 72 h). Le taux d’efficacité se situe autour de 80 %, mais grimpe considérablement si tu suis les indications à la lettre et que tu commences tôt ! 

PrEP

Tan nouveau.elle partenaire est séropositif.ve et toi, séronégatif.ve ? C’est l’été, tu te sens « olé olé » et t’as le feeling que tu pourrais te mettre à risque (on te conseille toujours de mettre un condom, mais bon, on n’a pas le contrôle de tes culottes) ? La PrEP got your back! 

Ce (relativement) nouveau traitement préexposition, disponible au Québec depuis 2013, est révolutionnaire, car il permet d’avoir des relations sexuelles avec une personne séropositive en diminuant considérablement les probabilités de contracter le VIH (taux d’efficacité moyen autour de 86 % à 92 %). 

Évidemment, plus tu combines les stratégies de prévention, mieux tu seras protégé.e. Le port du condom est fortement suggéré (de toute façon, la PrEP ne te protège pas des autres ITSS ni d’une grossesse !) et idéalement, tan partenaire suit son traitement d’antirétroviraux de façon assidue pour maintenir une charge virale indétectable. Si toutes ces conditions sont réunies, tu peux faire l’amour en te laissant aller à 100 % ! 

Pour l’obtenir, renseigne-toi auprès de ton médecin ou consulte les cliniques suggérées en bas de la page. Le prix peut paraître cher (95 $/mois avec la RAMQ), mais ça n’a rien à voir avec le prix au cost (autour de 995 $/mois) ! Tu trouves ça plate d’avoir à payer pour sa santé sexuelle ? Implique-toi dans la campagne de sensibilisation de RÉZO afin de militer pour un meilleur accès !

Pour en finir avec les tabous

Le VIH est tout de même un virus que l’on doit prendre au sérieux puisqu’« entre 2014 et 2018, il y a eu une augmentation de 25,5 % du nombre de nouvelles infections au VIH au Canada » (Société canadienne du sida). Et la situation risque de s’être empirée, la COVID ayant éclipsé presque tout effort de prévention et de sensibilisation liées au VIH. Mais comme tu as pu le constater, vivre avec le VIH de nos jours, ce n’est pas peut-être pas jojo, mais c’est loin d’être la fin du monde ! Tu peux espérer vivre une vie très épanouie et enjoy ta best sex life à condition que tu sois diagnostiqué.e tôt. Il est donc plus que temps d’arrêter de garder ça tabou et d’en avoir honte ! 

RESSOURCES

Si tu veux avoir plus d’infos sur le VIH, de l’aide ou du soutien, voici les meilleures ressources en la matière à Montréal :

CATIE : Meilleure source d’infos canadienne sur le VIH
L’ACTUEL : Clinique 2SLGBTQ+ friendly (dans le Village à Montréal)
RÉZO : Organisme communautaire agissant auprès des HARSAH
PORTAIL/VIH : Ligne de soutien et d’information (par chat, téléphone ou courriel)
Foire aux questions ONUSIDA : réponses aux questions les plus fréquemment posées

Cliniques offrant la PrEP :

Clinique SIDEP+
Clinique L’Actuel
Clinique OPUS
Clinique du Quartier Latin
Clinique Quorum
Clinique médicale La Licorne
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À propos de Anne-Claudel Parr

Sexologue, Rédactrice | Pronoms: elle/la | Passionnée de plage, de voyage et de salsa, j’ai étudié en science politique, en psychologie, fait un certificat en psychoéducation et en espagnol avant d’atterrir en sexologie et de trouver ma voie (ben oui, c’est long se trouver parfois) ! Féministe intersectionnelle de cœur et de raison et membre de la communauté LGBTQIAP2S+, je pose un regard assez scientifique et théorique sur la sexualité, mais en essayant d’être moins plate que ton prof de socio au cégep. J’espère pouvoir élargir ta conception de la sexualité, dire ce qui n’est pas dit et jaser de l’éléphant rose. Ensemble, on va faire la deuxième Révolution sexuelle ! Embarques-tu ?

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