J’ai 25 ans. Ça fait seulement deux ans que j’ai de vraies menstruations.
Détrompe-toi, je ne suis pas une menstruée tardive ! J’ai eu mes premières lunes à l’âge de 13 ans. Quelques mois plus tard, j’ai commencé à prendre la pilule contraceptive et ça, pendant 10 ans de ma vie. Alors je n’avais jamais vraiment eu mes menstruations : j’étais sur un pilote automatique.
Tu vas peut-être être flabergasted comme je l’ai été en l’apprenant : les saignements qu’on a sous l’effet de la pilule ne peuvent pas être appelés « menstruations ». Pour la simple raison que, par définition, les menstruations sont des saignements suivant une ovulation et que la pilule bloque l’ovulation. J’avais donc durant toutes ces années ce qu’on appelle des « saignements de privation ».
En février 2019, j’ai pris la décision de mettre fin à ma relation amour-haine avec ce fameux comprimé. J’en avais ras le bol (ou plutôt ras l’utérus) d’imposer quotidiennement des hormones à mon corps. Ma vie a littéralement changé. Pour le meilleur et pour le pire, mais surtout pour le meilleur.
Un passage normal, voire obligé
Une alarme chaque jour à la même heure qui retentit de ton cellulaire pour te rappeler d’ingérer sans trop penser une petite pilule blanche, ça te dit quelque chose ?
Ici, au Canada, c’est seulement depuis 1969 que la prescription de la pilule à des fins contraceptives est légale. Il faut se le dire, l’invention de ce comprimé a été une véritable révolution pour les personnes ayant un utérus. Enfin, on pouvait avoir le contrôle sur notre fécondité. On pouvait avoir du sexe pour just a little fun, sans qu’enfanter en soit la finalité.
Aujourd’hui, les médecins la prescrivent à toutes les sauces ; pour des menstruations trop abondantes, trop douloureuses, des problèmes d’acné… Comme si la pilule était le Tylenol de tous les maux féminins !
Elle est si répandue qu’on n’a même plus besoin de la nommer, on demande simplement « prends-tu LA pilule ? ». Je ne dis pas que la pilule est à bannir. Elle a été d’une grande aide pour quelques-un·e·s de mes ami·e·s, dont l’une qui se vidait de son sang chaque mois et qui souffrait d’anémie sévère. À chaque personne la méthode qui lui convient.
Ce que je dis, c’est qu’on nous présente la pilule comme un passage normal, voire obligé. C’est à nous, personnes ayant un utérus, de porter le poids de la contraception, un point c’est tout. Et il n’est pas question d’apprendre à tracer notre cycle pour mieux comprendre nos fluctuations d’hormones et déterminer le moment où on est fertiles, franchement ! C’est plus simple d’avaler une pilule.
Je me souviens d’être assise dans le bureau du médecin et de me faire présenter vaguement les autres moyens de contraception, avec le sentiment que le choix était déjà clair à l’avance : je prendrais la pilule. C’est comme ça. C’est le moyen de contraception le plus populaire.
La pilule rouge ou la pilule bleue ? Alesse ou Marvelon ? What if j’en veux pas pantoute, des hormones ?
Des cachets blancs comme neige, mais pas si inoffensifs
Bon, on s’entend, il y a certains trucs plutôt cool qui viennent avec la pilule : des saignements plus légers et réguliers, moins de crampes et de douleurs. On est aussi sûrement nombreux·ses à avoir eu hâte d’être part of the gang pour avoir moins d’acné et qui sait, peut-être même des seins plus gros ! Pour ma part, mes seins sont restés des petites pêches. Too bad.
L’idée fondamentale de la pilule contraceptive est de simuler l’état hormonal d’une personne enceinte. Quand même fucked up, non ?
En bref, la pilule fait croire au corps que l’ovulation est déjà passée. Elle le maintient donc dans la phase prémenstruelle de manière artificielle. C’est en lisant les travaux de Gaëlle Baldassari que j’ai compris que ça peut être un problème : la chute hormonale — qui survient normalement avec les menstruations — n’arrive jamais. Notre corps est en pause, on est coincé·e dans cette phase de « repli ».
C’est pour cette raison qu’on peut ressentir :
- une diminution de libido, le corps comprend qu’il ne peut pas procréer ;
- une sensation de fatigue, de déprime, voire de dépression, etc.
On nous présente souvent la pilule avec le supposé avantage de « réguler notre cycle ». Que le nez allonge à tous les médecins qui nous ont vendu ce faux rêve. 🤥 Ça ne régule pas notre cycle, ça le supprime et le remplace par un cycle artificiel. Sans parler de tous les effets secondaires possibles qui peuvent différer pour chaque personne (littéralement sans en parler, je ne les connaissais pas avant de faire mes propres recherches).
Pilule contraceptive, timbre, anneau vaginal, stérilet hormonal, stérilet de cuivre… Aucun moyen de contraception n’est parfait. L’important, c’est de trouver une méthode qui réponde à nos propres besoins. Ou du moins, choisir l’option la moins pire. Et oui… on peut marcher sur la Lune, mais on n’a pas encore trouvé de contraceptif qui soit mieux que « moins pire ».
Quand est-ce que le poids de la contraception sera partagé au sein du couple hétérosexuel ? En attendant, dater des personnes avec un vagin me semble être la meilleure option. Mais ça, c’est une autre histoire.
Flusher la pilule pour reconnecter à mon corps
J’ai flushé la pilule de ma vie comme on flush de son téléphone le numéro d’un vieux crush. Dans les deux cas, on sait pertinemment qu’on n’en a plus besoin ; on le garde simplement par habitude ou par nostalgie des temps révolus.
Je crois que j’ai eu le déclic quand j’ai réalisé que ça faisait 10 ans que j’imposais des hormones à mon corps, sans trop me poser de questions. Parce que c’est ce qu’on m’a dit que je devais faire, lors de mon seul cours d’éducation sexuelle à l’école. Prendre la pilule et me déconnecter complètement de mon cycle naturel. Prendre la pilule, et avancer dans la vie de manière linéaire, en m’écartant de la beauté circulaire de la vie.
J’ai opté pour une contraception sans hormones : le stérilet en cuivre (je croyais auparavant qu’il était uniquement réservé aux personnes ayant eu des enfants, eh non !). Je fais partie des personnes chanceuses pour lesquelles la transition s’est super bien passée. Bien sûr, les trois premiers mois ont été plus difficiles, mon corps se réappropriait son cycle à lui, comme deux vieux chums qui doivent se updater sur leurs vies. Mais après, wow ! J’aurais aimé qu’on me le dise avant, que c’était possible de bien vivre sans hormones de synthèse.
Bye bye le stress de tomber enceinte
Snoozer l’alarme de sa pilule, pour finalement l’arrêter, et oublier de la prendre. On connait toustes ce fameux stress, qui traîne tout au long de notre cycle, surtout quand nos menstruations tardent à se pointer le bout de l’endomètre.
En faisant le switch vers le stérilet, j’ai arrêté d’angoisser chaque mois par peur de tomber enceinte à cause de mes fréquents oublis. On a déjà assez de raisons d’être stressé·e dans la vie, notre moyen de contraception n’est pas obligé d’en être une !
Une libido renouvelée… fuck yay !
La science le dit, je le dis aussi : la pilule peut diminuer la libido et causer de la sécheresse vaginale. Okay, je vais être honnête avec vous : sous l’effet de la pilule, ma libido était presque… inexistante. Je n’avais d’abord pas fait le lien entre les deux, mais c’est en changeant de pilule contraceptive (la première marque n’était plus assez forte pour moi) que j’ai compris la corrélation qui était beaucoup plus marquée.
Je vous jure, en arrêtant de prendre la pilule, ça a été le jour et la nuit ! Ma libido, qui était auparavant le fleuve Colorado (on peut voir l’assèchement du fleuve Colorado depuis l’espace !), est devenue… mes cours de géo sont loin, mais disons une rivière vive et puissante !
Entrer en relation intime avec mon VRAI cycle
Entamer la découverte de mon vrai cycle à moi, ça a été comme explorer ma terre sauvage pour la première fois.
C’est là que j’ai découvert que, tout comme les saisons extérieures, je vis au gré de mes quatre saisons intérieures. J’ai appris à organiser mon horaire de job en fonction des phases de mon cycle (le privilège de travailler pour une entreprise flexible et ouverte !), à mieux me comprendre dans mon entièreté, à avoir des dialogues avec mon corps. Bref, à m’écouter, pour de vrai.
C’est aussi en retrouvant mon cycle naturel que j’ai commencé à honorer mon sang menstruel. Par moment, être menstruée me fait chier (au sens figuré et littéraire haha ! #periodpoop). Mais je suis aussi ultra reconnaissante pour mon cycle qui me rappelle de ralentir, de prendre le temps d’écouter mon intuition — qui est toujours plus forte avant et pendant mes lunes.
J’ai réalisé que mon cycle me parle, et j’ai appris à décoder ses signaux. Par exemple, un retard de menstruations signifie souvent, dans mon cas, une source de stress que j’ai de la misère à gérer. D’un autre côté, des menstruations douloureuses sont souvent un red flag pour me dire que je ne prends pas assez le temps de me reposer. Tous des signaux que la pilule brouillait.
Une petite victoire féministe
Une prise de conscience plus large a émané de cette transition : le patriarcat œuvre à nous déconnecter de notre intérieur, pour renforcer notre dépendance aux choses extérieures. Les menstruations sont encore entourées de tabous et de silences opaques, soit par ignorance ou par honte déconcertante. Le plaisir sexuel féminin est encore largement invisibilisé. Et les corps considérés comme féminins, forcés d’être cachés à coups d’insultes normalisées.
Nos corps, on les voit de manière purement biologique et sexuelle, et on oublie toute la force sacrée qu’ils abritent. Inutile de se demander pourquoi on a perdu contact avec notre essence, notre intimité.
Mais la vérité, c’est qu’on a en nous cette force sacrée, cette puissance lumineuse qui ne demande que de l’espace pour briller. Plus d’espace et moins de honte.
Je nous souhaite de nous reconnecter avec notre nature cyclique, en observant le cycle de la Lune et la beauté des saisons (pour celleux que ça empower bien sûr).
Je nous souhaite d’avoir l’espace pour écouter nos besoins, notre flow et nos émotions.
Je nous souhaite d’honorer l’énergie vitale sacrée qui sommeille en nous, qui coule de notre tête à nos racines, en passant par notre ventre.
Je nous souhaite de décoloniser notre utérus (pour reprendre les mots de @momentsacre).
Je nous souhaite de reprendre le pouvoir sur nos corps, avec la certitude que personne ne nous dira quoi en faire.
Je nous souhaite que notre intuition soit notre boussole, et que nos voix ne soient pas seulement entendues, mais écoutées.
En gros, je crois que ce que je nous souhaite, c’est de nous retrouver. Et d’en être fucking fier·ère·s.