Le donjon, même le mot lui-même, peut être intimidant. Il s’agit en effet d’un espace pour initié·e·s en matière de sexualité considérée plus ou moins hors norme, qui évoque une pièce sombre remplie d’objets de tortures aux formes et utilités toutes les unes plus inusitées que les autres pour the untrained eye. Comment approcher cet espace social de sensualité et de sexualité un peu spicy quand on s’y connaît peu ou qu’on ne fait pas trop partie de la scène kink/BDSM? On te propose quelques idées pour te mettre plus à l’aise et faciliter une première (mais aussi une énième !) visite au donjon.
1. Renseigne-toi sur l’espace et sa clientèle
Chaque donjon ou espace qui contient une pièce consignée au donjon a sa propre personnalité, qui découle souvent des goûts et valeurs de ses propriétaires, organisateurices ou gestionnaires et de la ou des communautés en particulier qu’iels desservent. Un donjon peut être orienté (pun intended !) vers les communautés queers et/ou 2SLGBTQIA+ (regroupées ensemble ou pour l’un de ces groupes), les espaces hétéros, ceux des swingers ou échangistes, des communautés de cuir ou de furries, ou autres. Parmi qui veux-tu et/ou peux-tu te retrouver ? Petit indice : va jeter un coup d’œil au numéro 3 sur notre liste de conseils pour te faire une meilleure idée d’importantes considérations qui entrent en jeu ici.
Il y a aussi toutes sortes de saveurs quant au plan spatial pour ce qui est de la grandeur de la ou des pièces, du montant d’espace qui sépare ou rassemble chaque zone de jeu, du nombre et du type de meubles sexy – prie-Dieu ou autre endroit où s’accroupir, se mettre à quatre pattes ou s’attacher, croix de Saint-Andrew, lits, matelas, endroits clos, points d’attache ou de suspension… Le décor, les choix de lumière et de couleur, la musique ou la réverbération du son dans la ou les pièces, la capacité maximale de participant·e·s et autres variantes de ce genre sont aussi sujet·te·s à changement d’un endroit au prochain ou d’une soirée à la suivante. Qu’est-ce qui te titille, te rend confortable ou plutôt te pousse hors de ta zone de confort si c’est ce que tu recherches ? Qu’est-ce qui va matcher ton mood ?
Planifie une visite de reconnaissance
Plusieurs donjons sont ouverts au public hors de leurs heures les plus actives pour que tu puisses aller y faire un tour de reconnaissance préalable au party. Non seulement il s’avère possible de discuter plus tranquillement avec les personnes qui s’occupent de l’endroit à des moments vides ou des plages horaires désignées au social pas trop intense pour en apprendre plus sur l’espace et ce qui s’y trame, mais voir l’espace à la lumière du jour aide beaucoup à contrer notre méfiance et apaiser nos peurs ! Mais attention, ça risque aussi d’enlever une bonne partie du charme de plus tard… Choisis ce dont tu as besoin pour te mettre le plus à l’aise. Sache aussi que les espaces de kink/BDSM organisent souvent des munchs, genre de rencontres chill pour apprendre à connaître la communauté sans la pression d’être en plein milieu de scènes à intensité variable, ou encore des soirées jeux de société en semaine ou des soupers plus ou moins kinky pour un effet semblable.
2. …Ainsi que sur les règles et attentes
Les communautés kink et BDSM sont parmi les plus strictes et consciencieuses lorsqu’il en vient au (respect du) consentement, et ce n’est pas une surprise. Les activités qui se déroulent au donjon ont un montant de risque inhérent à cause des manipulations du corps d’autrui et de la sexualité elle-même qui comporte son lot de danger personnel, qu’il soit physique (risque de contracter une ITSS, risque de blessure, etc.) ou émotionnel. Ça peut monter très vite de 0 à 200 côté intensité, et on veut absolument prévenir les problèmes qui peuvent l’être vu combien le territoire lui-même est sensible d’avance. L’une des solutions est donc de demander avant de toucher ou de participer, et même avant d’observer de plus ou de moins près. Les safewords sont de mise, et l’espace a probablement un code général du genre « rouge-jaune-vert » pour communiquer en vitesse et sous pression son consentement autant aux gens qu’on connaît qu’aux personnes avec qui ont a aucune ou moins de familiarité.
3. Et puis sur le thème s’il y en a un
Si un donjon se dit neutre, inclusif, ou à clientèle plutôt générale/ouverte, il risque néanmoins de tenir des soirées geared vers des populations en particulier, un peu comme la soirée femmes et personnes non binaires au bar du quartier. Certains événements sont exclusifs pour protéger le confort de personnes qui veulent se retrouver entre elles, par exemple un play party pour personnes transmasculines (un shout-out ici aux donjons qui font de la pub mignonne comme appeler celui-là en particulier « Super Smash Bros » !), ou une soirée BIPOC (PANDC : personnes autochtones, noires et de couleur) uniquement.
Les espaces queer-friendly sont pourtant souvent assez inclusifs dans leur définition des catégories et tentent tant bien que mal de garder un équilibre entre la création d’espaces sécuritaires et confortables et la possibilité de s’autodéfinir dans son identité. L’un des enjeux ici est la protection contre les chasers, soit ces gens qui s’immiscent dans un espace où ils ne sont pas bienvenus pour courir après une certaine identité qui se retrouve fétichisée, par exemple, les femmes trans. Si tu n’es pas sûr·e si tu tombes effectivement dans la population invitée à un événement particulier, envoie un message aux organisateurices pour vérifier avant de faire un faux pas et d’incommoder quelqu’un qui a besoin de sécurité ! La sécurité est ici autant affaire symbolique que réelle menace de micro ou de macro-agression.
Par ailleurs, certains donjons ont un code d’habillement qu’il faut respecter pour entrer, un peu comme les bars qui refusent l’entrée à celleux qui arrivent en shorts un peu trop relaxes. Lis bien l’information qui est publiée dans les pages À propos et FAQ et les annonces de party pour t’assurer de ne rien manquer, et arrive préparé·e pour l’action dont il est question. Donjon à thème religieux en tout temps, ou soirée pirates ? Jeux de sang qui requiert la preuve d’expérience ou de cours spécialisés pour y participer ? Assure-toi aussi de savoir ce qui t’intéresse pour ne pas mettre les pieds dans un endroit ou dans un moment qui te turn off en raison de son thème !
4. N’oublie pas la négociation et les safewords
Pour ce qui a trait aux négociations, il faut qu’elles se déroulent avant qu’un échange physique ou une scène ne débute. Dès que ça commence, il faut se souvenir qu’on n’est plus en état de donner son consentement affirmatif libre et éclairé/informé. Non seulement le fait d’être passé·e·s de la parole à l’acte coïncide avec l’entrée dans une sphère plus vulnérable parce que physique et possiblement sexuelle, mais la transition du discours planificateur et préventif au geste kink/BDSM risque de plonger les participant·e·s dans un état plus vulnérable encore, puisqu’il y a risque plus élevé et échanges et dynamiques de pouvoir. Qui dit plus vulnérable dit moins facile de dire non, voire simplement de penser clairement. Imagine, par analogie, que tu te donnes la résolution de ne pas boire d’alcool et que, soudainement, tu passes du moment où tu réussis à l’annoncer tout haut au moment où tu es dans un party vraiment le fun avec un open bar délicieux et tan partenaire qui boit et aimerais que tu boives et t’apporte même pleins d’options de boisson. La situation est bien différente et influencera à coup sûr ta capacité de maintenir ta résolution, que tu finisses par flancher ou non ! Tu peux comparer ça à un genre de peer pressure d’un côté, mais aussi de l’autre côté au fait que le sub space, cet état second dont on dit qu’il est parfois atteint lorsqu’on bottom dans un contexte BDSM, ressemble justement à un état d’ébriété où toi ou tes partenaires de jeu du moment n’aurez probablement pas accès à tous vos moyens pour juger avec lucidité de si, oui ou non, vous voulez entamer autre chose que ce dont vous avez discuté à l’avance durant vos négociations.
5. Si tu partages l’expérience avec un·e ou des partenaires, discutez-en à l’avance
Qui planifies-tu amener comme wingman, wingwoman ou wingthem, si tu ne veux pas visiter le donjon seul·e ? Êtes-vous suffisamment préparé·e·s à arriver au party ensemble et à gérer le mieux possible les situations qui peuvent se pointer ? Mieux vaut s’y prendre à l’avance, car ces sujets — et objets ! — peuvent être tout particulièrement sensibles. Si tu vas à une soirée avec tan doux·ce, pensez à anticiper, avant d’y mettre les pieds (ou autres membres…), qui ou quoi vous risquez y rencontrer. Une bonne réflexion s’impose au niveau individuel que vous pourrez ensuite vous partager tout haut, afin de mesurer individuellement et ensemble votre confort, vos désirs, vos hard no’s, vos plans d’action et plans de secours ou d’aftercare. Il est important de niveler vos attentes et s’assurer que les choses n’aillent pas sans dire.
- Voulez-vous jouer ensemble ou séparément ?
- Simplement vous adonner à une bonne partie de voyeurisme et/ou d’exhibitionnisme ?
- Êtes-vous là pour l’ameublement sexy et les jouets que vous n’avez pas chez vous, l’expertise des moniteurices de donjon qui pourraient vous enseigner un truc ou deux, les dominateurices qui produisent des services spécifiques pour un prix, les autres participant·e·s, la vibe ou autre chose ?
- Quelles sont les choses à propos desquelles vous devriez négocier avant de vous retrouver sandwiché·e·s au milieu d’une demi-douzaine de hotties et de mains promeneuses si votre couple ou triade ou plus a ses propres ententes sur le spectre de la monogamie à la non-monogamie ? Est-ce que tout le monde dont les désirs et besoins doivent être respectés selon vos arrangements est d’accord ?
6. Tu ne perds rien à aller avec des ami·e·s avec qui tu sais pouvoir t’amuser !
Là où il se peut qu’entre partenaires les choses deviennent un peu tendues en temps réel côté émotionnel, sensuel et/ou sexuel, es-tu le genre de personne qui peut trouver son fun avec des ami·e·s à qui tu fais confiance ? Des fois, les gens avec qui on peut partager du plaisir, de la compréhension, de la complicité et de bons rires sont les meilleurs choix d’accompagnement dans des espaces kink/BDSM où l’attachement romantique complique parfois les possibilités de divertissement. Ce n’est pourtant pas pour toustes que l’intimité physique ou sensuelle est accessible avec des amix ou des connaissances avec qui l’on n’a pas préalablement tissé des liens de confiance à connotation physique. As-tu déjà réfléchi avec qui, dans ta vie, tu te sentirais à l’aise de partager des gestes et de la proximité à caractère physique ou intime si tu laisses de côté les attentes mononormatives et que tu trempes les orteils ou les doigts dans l’anarchie relationnelle ? Qu’est-ce que ça ouvre comme espace de possibilités insoupçonnées ?
Autrement, plus tu peux garantir que vous vous gardez plaisamment occupé·e·s à jouer entre vous, plus tu es sûr·e de passer du bon temps, peu importe si tu n’as pas l’intérêt ou la confiance pour approcher des inconnu·e·s.
7. Attends ton tour pour utiliser les meubles ou accessoires qui t’intéressent.
L’un des atouts d’aller se promener au donjon plutôt que de rester chez soi pour certaines scènes, c’est l’accès à un ameublement hors de l’ordinaire… Ce n’est pas tout le monde qui a le plaisir — ou la délicieuse douleur si c’est ton jam ! — d’avoir une croix de Saint-Andrew, une balançoire, une cage en métal, un vacbed, un énorme rig de shibari en bois ou des menottes attachées au mur style salle de torture féodale dans le sous-sol ! … Où tout simplement un lit à sangles de ligotage intégrées. Pense donc aux possibilités d’un parc d’attraction pour adultes, avec des manèges sexy qui requièrent une bonne dose d’imagination pour les mettre à l’usage.
En fonction de la capacité de la salle ou du party en question, les pièces les plus populaires seront probablement occupées assez constamment puisqu’elles font justement sensation (selon tous les sens de l’expression !). Sans péter la bulle de play du couple ou du groupe qui utilise le meuble qui t’intéresse, garde un œil sur le déroulement de leur scène ou sur l’amassement de gens qui frôlent ses marges pour te faire une petite place en ligne. Tu peux respectueusement signifier ta présence ou demander poliment d’être prochain·e, et voir s’il y a d’autres contestant·e·s qui attendent déjà leur tour de manège.
💡 Indice : tu verras qu’une scène est vraiment terminée lorsqu’un·e de ses participant·e·s empoigne la bouteille de désinfectant et le papier brun ou les lingettes pour nettoyer la zone ! C’est alors un bon moment pour prendre la parole sans risquer de déranger la vibe.
Aussi, tu peux parfois compter à ce qu’il y ait dans un coin d’autres objets plus portatifs, comme divers dildos, billes anales, couteaux, nipple clamps, roulettes de Wartenberg ou autres accessoires à sensation, dont tu peux faire emploi à certaines conditions. Cette armoire ou quelques-unes de ses sections risquent d’être sous clé, le déverrouillage requérant l’approbation nécessaire des moniteurices du donjon après une vérification de tes qualifications pour utiliser certaines choses comme des outils particulièrement pointus, électriques ou flambants. Avec la présence de ces pièces particulières vient aussi souvent des cours auxquels tu peux t’inscrire pour apprendre à les employer avec plus de sécurité – pour ne pas dire « en toute sécurité », car c’est impossible dans un espace et avec des pratiques pareil·le·s, où le risque ne peut être complètement éradiqué.
Pense à amener tes propres outils
Cela dit, ce ne sont pas tous les donjons qui ont un cabinet de curiosités dans lequel tu peux piger des jouets – raison de plus de t’informer à l’avance de ce dont tu pourras disposer rendu·e là-bas.
Tu risques de voir arriver les pros avec une petite valise à roulettes ou un gros sac de gear. Arrive préparé·e toi aussi avec tes straps, tes godemichés, tes fouets, tes floggers, tes cordes, ta violet wand électrique, tes gants de vampire, ou autre accessoire utile afin de ne pas devoir attendre en file si tu sais vouloir prendre part à une scène particulière.
8. Et tant qu’à attendre, apprends en observant
Il s’agit là aussi d’un des plaisirs rigolos du donjon : de découvrir à quoi peut donc bien servir c’t’affaire là-bas dans le coin dont la forme n’a aucun bon sens en temps normal ! Tu iras peut-être investiguer les possibilités entre partenaires ou amix, mais ce peut être fort titillant et instructif de regarder faire celleux qui s’y connaissent pour apprendre comment ça peut bien s’utiliser. Question aussi de te découvrir des penchants voyeureuse, ou bien de prendre part à une scène avec invitation ouverte s’il y en a.
9. Nettoie bien l’endroit et les jouets que tu utilises
Puisque le partage de meubles et d’accessoires est fréquent dans des donjons, le matériel de nettoyage et le désinfectant sont présents à chaque station ou pas loin, peut-être même à l’endroit où se trouvent aussi des safe sex supplies distribués aux invité·e·s comme des condoms, des digues dentaires, et des gants. Après toute utilisation, on doit passer un bon coup de torchon à tout ce que les corps ou fluides ont touché pour garder l’espace sanitaire pour ses prochain·e·s utilisateurices. La plupart des donjons prévoient pour la facilité de désinfecter en gardant le décor pratique avec des sortes de coussins et de matelas qui se nettoient aisément ; pense plastique, mais tout de même sexy et confo – eh oui, quelqu’un·e a pensé à tout !
Communique clairement côté santé sexu
Réfléchis aussi que tu partages peut-être des personnes et/ou ton propre corps durant des échanges sensuels, sexuels et/ou kinky. Ça veut dire qu’il est de ta responsabilité de garder ton statut de santé sexuelle à jour en te faisant tester régulièrement en fonction du niveau de risque auquel tu t’exposes, et de partager honnêtement ce statut ainsi que le niveau de risque lui-même s’il est notoire et demande à être rendu explicite. Il est aussi tout naturel (et encouragé !) de s’enquérir du statut des autres lorsque tu t’engages à participer à quelque chose avec un·e ou des inconnu·e·s, alors, prends ton courage à deux mains pour mener par l’exemple et partager l’information nécessaire à la sécurité et au consentement éclairé de toustes en même temps que tu te présentes et partages tes pronoms, par exemple, ou que tu négocies à l’avance une scène avec de nouvelleaux intéressé·e·s.
Tu verras probablement des gens qui n’utilisent pas de protection dans leurs échanges par habitude ou décision préfaite : question de vie de couple ou de fluid bonding, décisions faites à l’avance selon de l’information déjà échangée ou connue, etc. Attention de ne pas prendre ça comme une indication qu’il est correct de sauter par-dessus les négociations préliminaires aux interactions plus chaudes ! Les ententes qui s’appliquent entre certain·e·s personnes ne s’appliquent pas nécessairement aux autres, ou elles requièrent à tout le moins d’être rendues explicites et claires. Le danger est dans le fait d’assumer sans demander !
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Que penses-tu de ces pistes de réflexion et de préparation ? Aurais-tu des choses à rajouter pour organiser une sortie réussie au donjon pour toutes les personnes en jeu ? On a hâte d’entendre tes expériences et d’enrichir nos connaissances collectives pour construire et cultiver des espaces à la fois plus sécuritaires et plus sexy !
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