Si on a grandi avec les médias, que ce soit la télévision, les magazines, les séries ou les publicités, on a forcément été bombardé·e de messages sur ce qu’est censé être « le corps parfait ». Les standards, peu importe les corps qu’ils concernent, sont souvent très restreints, mais ils pèsent particulièrement lourd sur les personnes s’identifiant comme femmes.
Pour ma part, j’ai grandi dans les années 90 et au début des années 2000. À cette époque, des films comme Bridget Jones décrivaient un personnage « en surpoids » alors qu’elle disait peser seulement 136 livres. Pendant ce temps, les vedettes de la télé glorifiaient ouvertement l’anorexie, sans que personne ne semble s’en inquiéter.
Au-delà des écrans, à la maison, c’était souvent des discussions autour des régimes, du « corps d’été » et de l’idée qu’il fallait toujours « faire attention ». Bref, c’était un terrain fertile pour développer une vision déformée du corps, où chaque imperfection devenait un sujet de critique.
Heureusement, les choses commencent à changer. On remet de plus en plus en question cette idée du « corps parfait ». Il y a des restrictions sur l’usage de Photoshop, des exigences de poids minimum pour les mannequins, et certaines marques mettent enfin en avant une « plus grande » diversité de corps. Même s’il reste encore beaucoup à faire, ces évolutions ont permis à certain·e·s, même celleux qui ont grandi avec ces injonctions, de comprendre que le « corps d’été », c’est juste son corps, peu importe la saison, ou encore de réaliser qu’on peut être en excellente santé sans forcément rentrer dans une taille S.
Mais malgré cette prise de conscience, il arrive encore, à beaucoup, de juger leur corps en se regardant dans le miroir ou sur d’anciennes photos. Ce n’est pas vraiment surprenant : ces idées sont enracinées depuis l’enfance, et s’en détacher complètement est un véritable défi.
Alors, comment faire en sorte que ces perceptions déformées du corps s’arrêtent avec nous ? Qu’est-ce qu’on peut mettre en place pour offrir aux générations futures une vision plus saine et bienveillante de leur propre corps ?
Compliments sans conditions
Plutôt que de centrer les compliments sur l’apparence ou le poids, privilégions des éloges qui valorisent l’enfant, mais aussi toute autre personne dans notre entourage, pour ses qualités intérieures et sa personnalité. Par exemple :
- « Je suis tellement fier·e de toi pour ta gentillesse et ta persévérance. »
- « Tu as fait preuve de beaucoup de courage aujourd’hui. »
Ces mots montrent à l’enfant que sa valeur n’est pas dans son apparence, mais dans ce qu’iel est en tant qu’individu·e.
Adopter une relation neutre au corps
La body neutrality (relation neutre au corps) encourage à se concentrer sur ce que le corps peut faire, plutôt que sur son apparence. Cela permet aux enfants de développer une relation plus saine avec leur corps, en valorisant ses capacités plutôt que d’essayer de correspondre à des idéaux esthétiques. Contrairement à la body positivity, qui peut mettre la pression sur l’idée d’aimer son corps à tout prix, la body neutrality leur apprend que leur corps mérite du respect simplement parce qu’il leur permet de vivre pleinement.
Par exemple, au lieu de dire « Je n’aime pas mes bras », on peut dire : « Mes bras me permettent de faire des câlins et de dessiner. »
Diversifier les modèles
C’est important de présenter une variété de corps et de beautés dans les livres, les jouets, et les films que l’on propose aux enfants. Iels ont besoin de voir des représentations qui reflètent la diversité du monde réel, et pas seulement un idéal restreint ou inaccessible. Ça leur permet de comprendre que les corps viennent dans toutes les formes, tailles et couleurs de peau, et que la beauté ne se limite pas à un seul modèle.
Par exemple, on peut proposer des livres jeunesse qui mettent en avant des personnages de toutes tailles, couleurs de peau, capacités, etc. Il existe aussi des poupées et des jouets qui représentent une grande diversité de corps, permettant ainsi aux enfants de grandir avec des exemples variés de beauté.
Avec les adolescent·e·s, qui sont souvent plus exposé·e·s aux réseaux sociaux, il est tout aussi essentiel de leur offrir une éducation aux médias. Oui, les médias montrent aujourd’hui une plus grande diversité de corps considérés comme beaux et attirants, mais en parallèle, on est passé d’une culture du « sur-régime » à une culture du « super-fit ». Surtout sur les réseaux sociaux, où beaucoup de photos mettent en scène des corps « idéaux » grâce à des astuces comme des photos prises le matin (quand le ventre est vide), des poses spécifiques, un éclairage avantageux, ou même du Photoshop pour affiner la taille et accentuer certaines courbes. La tendance du « What I eat in a day », à travers laquelle les influenceur·se·s montrent ce qu’iels « mangent durant une journée » est aussi très présente. Ces « trends » mettent de l’avant un type de régime en particulier et peut encourager à vouloir « copier » le régime d’un·e influenceur·se.
Il est important de prendre le temps de discuter avec san jeune, de questionner ces tendances et de rappeler que ce que l’on voit en ligne n’est pas toujours la réalité.
Paroles bienveillantes envers soi-même et les autres
Même si on a été conditionné à le faire, on essaye d’éviter les commentaires négatifs sur notre propre corps ou celui des autres, surtout en présence des enfants. La manière dont on parle de soi-même (et des autres) façonne la perception que les enfants ont de leur propre corps.
Par exemple, au lieu de dire devant un miroir : « Je dois vraiment perdre du poids avant les vacances, je ne rentre plus dans mes maillots », on peut dire : « Tu veux venir magasiner avec moi ? J’ai besoin d’un nouveau maillot de bain dans lequel je me sens bien ! »
Ça montre aux enfants qu’on peut être bien dans sa peau, quelles que soient les normes imposées par la société.
Bouger pour le plaisir, pas pour « mériter un beigne »
Les enfants doivent comprendre que l’activité physique est avant tout une source de plaisir et de bien-être, et non un moyen de compenser des « excès » alimentaires. On encourage une relation positive avec l’exercice, où le but est de se sentir bien dans son corps, et non de perdre du poids. On peut aussi insister sur le fait qu’on peut être fort·e sans avoir des gros muscles et qu’il n’y a pas qu’un seul type de corps qui est athlétique.
- Exemple : « Allons faire une balade à vélo, ça nous fera du bien de bouger et de profiter du soleil ! »
- Visionner les jeux olympiques et paralympiques sont aussi une bonne façon de voir qu’on peut être un·e sportif·ve de haut niveau quelque soit son corps.
Construire un rapport sain à la nourriture
On veut que nos enfants aient une relation sereine avec la nourriture, mais parfois, sans le vouloir, on peut leur envoyer des messages contradictoires. Les forcer à finir leur assiette, limiter les portions, ou dire qu’il faut « mériter » le dessert crée une dynamique où certains aliments deviennent des récompenses et d’autres des obligations. On veut plutôt que nos enfants apprennent à écouter leur corps, à comprendre leur faim et à se nourrir pour le plaisir et l’énergie. L’idée, c’est de leur donner des outils pour qu’iels aient un rapport naturel avec ce qu’iels mangent.
Normaliser les changements du corps
Pendant la puberté, les corps changent, et parfois, ça peut être perturbant, surtout quand l’œstrogène fait apparaître des formes nouvelles comme les hanches ou les seins chez les enfants assigné·e·s filles à la naissance. Ce sont souvent les premiers moments où les enfants commencent à se comparer aux autres et à douter d’elleux-mêmes. C’est ici qu’on intervient pour leur rappeler que ces changements sont complètement normaux et font partie de leur croissance. Le plus important, c’est qu’iels sachent que leur corps est en pleine transformation et qu’il faut bien se nourrir pour avoir toute l’énergie nécessaire.
Faire du mieux qu’on peut
En tant que parents et adultes de référence, on a un rôle clé à jouer dans la façon dont les enfants perçoivent leur corps. En leur offrant des modèles variés, en adoptant un langage bienveillant et en leur montrant que leur corps est avant tout un allié qui mérite du respect, on peut aider à construire une génération plus libre des normes et des injonctions. Il se peut que tu trouves ça difficile : il ne faut pas oublier que même en tant qu’adulte, on est en apprentissage constant concernant notre propre rapport au corps (et on doit souvent déconstruire des années à vivre dans une culture grossophobe !). En faisant ce petit chemin ensemble, on donne aux enfants la force de grandir en s’acceptant pleinement, peu importe ce que le miroir ou la société leur renvoient — et avec un peu de chance, on s’offre un peu de douceur à soi en même temps.
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