À l’émission « Ça ne se demande pas » diffusée sur la chaîne spécialisée Ami télé, des questions du public sont posées aux personnes vivant avec un handicap. La fameuse question « Avez-vous une vie sexuelle ? » revient toujours et les participant·e·s se contentent de rire en répondant « bien sûr », mettant l’emphase sur le côté un peu absurde et indiscret de la question.

La sexualité est un aspect fondamental de la vie humaine et si les personnes en situation de handicap peuvent avoir les mêmes envies et désirs que n’importe qui, elles sont souvent confrontées à des tabous et à des obstacles lorsqu’il s’agit d’explorer et d’exprimer la leur, bien qu’il soit important de reconnaître la pluralité et la diversité des expériences — tout le monde n’a pas le même vécu.

Bref, pour en savoir un peu plus sur le sujet, il y a quelque temps, je me suis entretenue avec France, une personne de petite taille en fauteuil roulant, à propos de la sexualité. Voici ce que je retiens de notre conversation.

Les tabous et les obstacles

1. La stigmatisation sociale

Les personnes en situation de handicap sont souvent confrontées à la stigmatisation sociale et aux préjugés lorsqu’elles expriment leur sexualité. Les idées préconçues comme penser qu’elles ne sont pas capables d’avoir des relations sexuelles ou de ressentir du désir sexuel sont profondément enracinées, comme on peut le voir avec la fameuse question de l'émission en introduction.

Sur le compte Instagram @_conpassion_, un compte qui met en lumière la réalité des personnes en situation de handicap, ce ne sont pas les exemples de cette stigmatisation qui manquent non plus :

France raconte également que cette stigmatisation peut contribuer à un sentiment d’isolement : « J’ai vécu mes premières expériences sexuelles sur le tard. Je me sentais seule, je n’avais pas de support de ma famille. J’ai trouvé ça très difficile. »

2. Les barrières physiques et environnementales

Les environnements physiques peuvent être inaccessibles aux personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite, rendant parfois difficile l’accès aux espaces et aux équipements nécessaires pour explorer leur sexualité ou pour rencontrer d’autres partenaires (comme un club échangiste ou un cinéma érotique par exemple).

Les défis liés à la mobilité, à l’accès aux informations sur la santé sexuelle et aux services de santé adaptés, peuvent également limiter les possibilités des personnes vivant avec un handicap d’exprimer leur sexualité de manière sécuritaire et satisfaisante.

En parlant du besoin de socialiser pour rencontrer de nouvelles personnes, France déplore le fait que la ville de Montréal manque cruellement d’endroits accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Ces obstacles physiques nuisent, selon elle, aux opportunités de rencontre pour les gens à mobilité réduite. 

Sarah*, une autre femme en fauteuil roulant avec qui j’ai discuté, partage son expérience : « Trouver des partenaires compatibles et des environnements accessibles peut être difficile, mais je refuse de laisser mon handicap me définir. Avec le bon partenaire et les bonnes adaptations, je retrouve de la joie et de la satisfaction dans ma vie sexuelle. »

3. Le manque d’éducation et de ressources

Le manque d’éducation sexuelle adaptée aux personnes vivant avec un handicap est un autre obstacle. 

« Mes premières relations, il a fallu que j’aille chercher de l’information [auprès] d’autres personnes qui étaient comme moi, d’autres personnes de petite taille », dit France.

Elle nous raconte en toute vulnérabilité qu’après plusieurs rapports sexuels difficiles, elle est allée consulter une gynécologue pour confirmer que son handicap ne limitait pas sa capacité à avoir des rapports sexuels. 

« Mon copain à cette époque-là me disait “France, j’pense que t’es trop petite pis y’a rien qui va rentrer.” Je me suis sentie complètement brisée parce que je ne pourrais jamais avoir de relation “normale” comme les autres filles. C’est pour ça que j’ai voulu aller valider l’information auprès d’une gynécologue qui m’a dit “non non, voyons donc, tout est correct. »

Elle retient de cette expérience que le « problème » n’était pas lié à son physique, mais plutôt au fait que son compagnon était plus ou moins attentionné et à l’écoute de ses besoins durant leurs relations sexuelles. 

Promouvoir l’inclusivité et l’accessibilité sexuelle

La sensibilisation et l’éducation

Durant l’entrevue, France nous partage son sentiment d’accomplissement d’avoir tenu un kiosque lors de la Fierté à Montréal afin de sensibiliser la population au sujet de la sexualité des personnes vivant avec un handicap, mais aussi de fournir des ressources et de l’information à ces dernières. 

Une recherche menée par l’Institut Kinsey a révélé que seulement 5% des manuels de santé sexuelle abordent spécifiquement les besoins des personnes vivant avec un handicap. Cela met en lumière le manque d’éducation sexuelle adaptée et accessible et souligne la nécessité d’investir dans des ressources éducatives inclusives. Ça inclut par exemple l’utilisation de formats accessibles tels que le braille, les vidéos sous-titrées et les illustrations inclusives.

La promotion du consentement et de la positivité corporelle

Selon une étude menée par l’Organisation mondiale de la santé, les personnes vivant avec un handicap sont deux fois plus susceptibles d’être victimes de violence sexuelle que les personnes non handicapées. Cela souligne l’importance de mettre en place des mesures de protection et de sensibilisation pour prévenir les abus et garantir la sécurité des personnes en situation de handicap dans leurs interactions sexuelles.

Outre la prévention des abus, promouvoir une culture du consentement et de la positivité corporelle est essentiel pour contribuer à ce que toutes les personnes, quel que soit leur handicap, se sentent en sécurité, respectées et puissent s’épanouir dans leurs interactions sexuelles.

France témoigne d’ailleurs avoir développé son estime personnelle en trouvant des communautés inclusives comme un groupe alternatif/BDSM auquel elle s’est jointe : « Je me suis sentie tellement bien accueillie, bien acceptée. Mes différences pour eux, ce n’était pas grave. Je me souviens avoir été à une soirée fétiche/bdsm et je me souviens qu’on m’a vraiment intégrée, invitée à participer. […]J’étais la seule personne avec un handicap, mais pour eux ce n’était pas un obstacle. Ils me voyaient vraiment comme une femme. »

Des pratiques sexuelles inclusives pour les personnes vivant avec un handicap

Il existe de nombreuses façons de rendre les pratiques sexuelles inclusives et accessibles aux personnes vivant avec un handicap.

Certaines techniques incluent :

- l’utilisation d’oreillers ou de coussins pour soutenir le corps
- l’exploration de positions ou de pratiques sexuelles alternatives qui prennent en compte les limitations physiques
- et l’utilisation de jouets sexuels adaptés aux besoins individuels.

Les personnes en relation avec une personne vivant avec un handicap peuvent également se former à la communication non verbale et au langage corporel pour mieux comprendre les besoins et les désirs de leur partenaire. 

Alex*, un homme non voyant avec qui je me suis entretenu, explique : « La confiance et la communication sont essentielles avec mes partenaires. En apprenant à écouter et à explorer les sensations, j’ai découvert une sexualité pleine et enrichissante qui va au-delà des limites de la vue. »

En encourageant l’expérimentation, la créativité et la communication ouverte, on peut découvrir des moyens adaptés et satisfaisants d’explorer la sexualité.

Briser les tabous et promouvoir l’inclusivité en matière de sexualité des personnes en situation de handicap est une nécessité morale et sociale. En se sensibilisant aux défis auxquels ces personnes sont confrontées, en promouvant des pratiques sexuelles inclusives et accessibles, et en investissant dans des ressources éducatives adaptées, on a le pouvoir de créer un monde où chacun·e, indépendamment de son handicap, peut exprimer sa sexualité de manière sécuritaire, joyeuse et satisfaisante.

Quelques ressources intéressantes à consulter pour en apprendre plus :

*Certains prénoms ont été modifiés pour assurer l’anonymat des témoignages.

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