L’augmentation des cas de partage non consenti d’images intimes et de sextorsion est un problème qui inquiète de plus en plus. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon Statistique Canada, les affaires de diffusion d’images intimes sans consentement ont bondi, passant de 726 cas en 2019 à 1168 en 2023. Et les cas de sextorsion ? Ils ont littéralement explosé, augmentant de près de 300 % en 10 ans, avec une nette accélération depuis la pandémie.
Le gouvernement du Québec propose un projet de loi pour freiner la diffusion des images intimes partagées sans consentement et pour mieux protéger les victimes. Ce texte prévoit une procédure simplifiée et rapide permettant aux victimes de demander l’arrêt immédiat de la diffusion de leurs images. Une fois le formulaire en ligne rempli, un juge pourra ordonner, en quelques heures ou jours, la suppression des images, des liens hypertextes associés, et même leur destruction.
Ces types d’initiatives sont importantes compte tenu de l’importance de ce phénomène, surtout depuis l’omniprésence des réseaux sociaux. Mais au-delà de ce qui peut être mis en place après les faits, qu’est-ce qu’on peut faire en tant que parent ou adulte de confiance pour protéger nos ados ?
Sextorsion et partage d’images intimes : comprendre le phénomène
La sextorsion et le partage d’images intimes sans consentement sont les deux formes de violence numérique qui prennent de plus en plus d’ampleur, surtout chez les jeunes.
La sextorsion, souvent orchestrée par des réseaux criminels internationaux, repose sur une manipulation bien rodée : ces groupes se font passer pour de jeunes filles sur les réseaux sociaux ou d’autres plateformes pour établir un contact avec leurs cibles, principalement des garçons. Une fois qu’ils ont obtenu des photos ou vidéos intimes, ils menacent de les rendre publiques si leurs demandes, comme de l’argent ou d’autres contenus explicites, ne sont pas satisfaites. Les filles, quant à elles, sont souvent victimes de sextorsion par des personnes qu’elles connaissent, comme un partenaire ou un ami.
Le partage d’images intimes sans consentement concerne la diffusion non autorisée de contenus privés, souvent dans l’objectif d’humilier, de contrôler ou de se venger. Ce type de violence est amplifié par les réseaux sociaux, où tout peut se propager en quelques clics. C’est souvent perpétré par des personnes connues de la victime, comme un·e (ex-)partenaire ou un·e ami·e. Les filles en sont particulièrement touchées.
Les conséquences pour les victimes sont lourdes : anxiété, honte, perte de confiance, isolement… C’est pour ça qu’il est essentiel d’enseigner aux jeunes comment agir en ligne, comment réagir lors d’une situation délicate et, surtout, où trouver de l’aide. Leur donner les bons outils et les bonnes informations peut faire toute la différence.
Comment en parler à son ado
On entend encore souvent parler de la différence entre le « monde en ligne » et la « vraie vie », mais, pour les ados d’aujourd’hui, leur vraie vie se passe autant en personne qu’en ligne. Ces deux mondes sont tout aussi réels, alors c’est important de leur enseigner les mêmes règles et de poser le même cadre. Voici quelques étapes pour poser un cadre bienveillant :
Discussions ouvertes
Ouvrir un dialogue honnête et sans jugement est essentiel. On peut expliquer clairement ce qu’est la sextorsion et comment elle fonctionne, ainsi que les dangers liés au partage d’images intimes.
Par exemple, on peut poser une question comme :
« Je lisais une étude qui disait que la sextorsion avait énormément augmenté depuis la pandémie. Est-ce que tu connais des ami·e·s à qui c’est déjà arrivé, ou est-ce que tu en as entendu parler à l’école ?" »
Ce genre de question permet d’amener le sujet sans être confrontant, tout en plaçant l’ado comme expert·e de la situation.
Parler du partage d’images intimes
On peut expliquer que c’est normal, quand on est amoureux·se ou quand on fait confiance à quelqu’un, d’avoir envie de lui faire plaisir ou de partager des photos. Mais même si on aime quelqu’un très fort, on ne sait jamais ce qui peut arriver avec ces images, et qu’une fois envoyées, on a plus de contrôle et ça peut comporter des risques.
Toujours en parler
On encourage son enfant à venir nous voir s’iel reçoit des messages ou des images suspectes, ou même des images à caractère sexuel non sollicité. Parfois, les sextorqueurs prétendent avoir des images pour mettre la pression, même si elles n’existent pas vraiment. En parler rapidement permet d’agir et de désamorcer la situation.
Diminuer la peur et la honte
On peut rassurer son enfant en lui disant qu’iel ne se fera pas chicaner ou punir s’iel parle de ce qui se passe en ligne. Trop souvent, la peur et la honte empêchent les jeunes de demander de l’aide, ce qui peut les rendre encore plus vulnérables.
Enfin, même si la sextorsion et le partage d’images touchent surtout les adolescent·e·s, on peut commencer à en parler dès qu’iels ont accès à internet de façon non supervisée (vers 10-11 ans).
L’éducation au numérique/aux médias
Les règles de vie sont les mêmes en personne et en ligne, mais le monde numérique a ses particularités. C’est pour ça que l’éducation aux médias est essentielle : on doit donner aux jeunes les outils pour agir et réagir en ligne de façon sécuritaire. Voici quelques pistes pour les accompagner :
Sensibiliser à la sécurité en ligne
On peut montrer à son enfant l’importance d’avoir des mots de passe solides, de mettre en place la double authentification et d’être prudent·e avec les informations personnelles qu’iel partage sur les réseaux sociaux. On peut aussi lui apprendre à reconnaître un faux profil ou une tentative de manipulation, comme celles utilisées par les sextorqueurs.
Encourager une réflexion critique
Encourager les jeunes à s’interroger sur les contenus en ligne : qui les a créés et pour quelle raison ? Leur expliquer que, même si ce n’est pas eux qui partagent une image intime, la repartager reste un geste grave et illégal, même si c’est par messages privés. Et ça s’applique à tout ce qu’on voit en ligne : avant de repartager une image, une vidéo ou une nouvelle, on réfléchit à son impact et aux conséquences possibles.
Enseigner le consentement numérique
Parler de l’importance de respecter les limites des autres en ligne. On a toujours le droit de dire non si on n’a pas envie. Et si quelqu’un insiste, on peut en parler à une personne de confiance. Il ne faut jamais se sentir obligé·e de partager quelque chose qui nous met mal à l’aise ou qu’on préfère garder privé. Mais c’est aussi pareil pour soi : on ne devrait jamais mettre de pression sur quelqu’un pour obtenir une photo ou une vidéo, ou pour qu’iel fasse quelque chose qu’iel n’a pas envie de faire. Plus largement, on doit aussi s’assurer d’avoir l’accord d’une personne avant de partager une photo ou une vidéo qui la concerne, ou même avant de taguer quelqu’un dans une publication.
Que faire si l’ado est victime
Si un·e ado est victime de sextorsion ou de partage d’images intimes sans consentement, la première étape, c’est de rester calme et de lui offrir un espace sans jugement. On peut lui rappeler qu’iel n’est pas seul·e, que ce qui arrive n’est pas de sa faute, et qu’on est là pour l’aider.
Ensuite, il est important d’agir rapidement. Il faut conserver toutes les preuves : faire des captures d’écran des messages, des profils ou des menaces reçues, et ne rien supprimer. Ces éléments peuvent être essentiels pour signaler l’incident aux plateformes concernées et aux autorités. On encourage l’ado à arrêter toute communication avec la personne en question et à signaler l’incident sur les réseaux sociaux pour tenter de faire supprimer le contenu. Si l’ado reçoit des menaces ou si des images circulent, il faut contacter la police et signaler la situation à des ressources comme Cyberaide.ca ou AidezMoiSVP.ca, qui peuvent intervenir et offrir du soutien.
Enfin, on n’oublie pas l’aspect émotionnel : vivre ce genre de situation peut être très difficile. Il peut être utile de lui proposer de parler avec un·e professionnel·le, comme un·e psychologue, pour l’aider à gérer la honte, la peur ou l’anxiété qui peuvent suivre ce type d’événement. Ce soutien est essentiel pour l’aider à se reconstruire et à reprendre confiance.
C’est vrai qu’en tant qu’adulte et parent, surtout si on n’a pas ou peu grandi avec ces technologies, c’est difficile de comprendre toutes les dynamiques en ligne et de rester à jour sur les nouvelles plateformes ou tendances. Ce qui compte le plus, c’est de garder le dialogue ouvert, de s’intéresser à ce que nos jeunes vivent en ligne et de ne pas minimiser leurs problèmes. Plus on montre qu’on est là pour écouter sans jugement, plus les discussions deviennent naturelles et ouvertes.
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