Tu as bien réfléchi à certaines considérations préalables à la décision de passer sous le bistouri, puis tu t’es longtemps et largement informé·e sur les possibilités et sortes de chirurgies qui s’offrent à toi. Tu as contacté l’établissement médical où elle se fera, tu as procuré pour l’équipe qui s’occupera de toi les documents nécessaires (formulaires de consentement ; questionnaires d’évaluation de l’état de santé et de l’apnée du sommeil ; questionnaire préopératoire à faire remplir par ton médecin traitant ; preuves d’identité ; photos de ta poitrine ; lettre(s) de recommandation d’un·e professionnel·le de la santé apte à documenter ton consentement libre et éclairé à la chirurgie en lien avec le diagnostic de dysphorie du genre), tu as patienté sur la liste d’attente le temps1 d’avoir une consultation en personne ou au téléphone avec lea ou les chirurgien·ne·s qui t’intéressent pour te familiariser avec les procédures et discuter du détail de l’opération de poitrine de ton choix, tout est en ordre auprès des assurances pour que la chirurgie soit couverte, et tu as maintenant la date de ton opération2.

D’abord, félicitations de t’être rendu·e jusqu’ici ! Ces temps d’attente sont particulièrement stressants, mêlant souvent fébrilité, peur et excitation.

Si ce n’était pas déjà sur ton radar, il est maintenant temps d’adresser les questions pratiques qui t’aideront à préparer ton corps, ton esprit, ton environnement et les membres de tes communautés qui te soutiendront durant ta convalescence à tout ce qui peut se passer autour de cette chirurgie.

Préparation préopératoire

Tous les corps étant différents, chacun·e vit différemment une chirurgie. Pour certaines personnes, le corps se rétablit rapidement et dès quelques jours ou quelques semaines, elles retrouvent leur autonomie corporelle à la maison et au travail. Pour d’autres, la convalescence est plus physiquement et/ou émotionnellement ardue, et le temps qu’elle dure s’allonge en mois. Même si la procédure est routinière pour lea chirurgien·ne qui en performe des dizaines par semaine et que la tienne se passe (on l’espère !) sans problème, c’est quand même une intervention chirurgicale relativement majeure. 

[TW : description graphique de la chirurgie] 

Il s’agit d’un événement traumatique pour le corps, duquel l’équipe médicale découpe et recoud d’(in)importants morceaux dans une sorte d’amputation sous-cutanée ! Même si ça suscite de la joie en toi, ton corps protestera forcément, et tes émotions risquent également d’être dans le tapis.

Nulle histoire de préparation ou de déroulement des jours et semaines en stade postopératoire ne peut prétendre couvrir toutes les éventualités possibles durant une période de convalescence, mais je t’offre la mienne en guise d’introduction et d’information.

À préparer à l’avance

  • Si tu veux mettre toutes les chances de ton côté et employer tous les moyens à ta disposition, fais un tour à ton herboristerie de quartier pour recevoir conseil, et peut-être une prescription personnalisée qui aidera à préparer ton corps à la chirurgie et à soutenir ton rétablissement. (Petite piste personnelle : à la suite de recherches de communauté et auprès d’expert·e·s en la matière, j’ai fait faire une tisane de convalescence que je buvais religieusement au quotidien. J’ai aussi pris de l’arnica et de l’hypericum en termes d’homéopathie que l’on m’a conseillés dans une pharmacie naturopathique, ainsi que de la vitamine A et du zinc avec les repas, des probiotiques comme le kéfir et le kombucha, des suppléments de glutamine, et autres remèdes naturels. L’échinacée et la camomille sont néanmoins à éviter d’après ce que l’on m’a fait savoir, et possiblement l’ail quelques semaines avant et après la chirurgie, car il s’agit d’une substance antibactérienne puissante. La broméline, dérivée de l’ananas et aidant à soigner la douleur, peut être prise au lieu du Tylenol, mais avec précaution). Dans tous les cas, vérifie toujours avec tan chirurgien·ne !3
  • Des repas prêts à manger, smoothies, etc.
  • De la nourriture déjà coupée en morceaux puisque tu n’auras pas la force d’utiliser un couteau durant les premiers jours.
  • Des craquelins, du pain, du riz et/ou des bananes pour manger avec les médicaments et soulager la nausée.
  • Descends toutes les choses dont tu auras besoin au quotidien à une hauteur atteignable sans lever les bras (comme un comptoir) : une assiette, un bol, une tasse, etc.
  • Prépare un tabouret si nécessaire.
  • Accroche une serviette de bain sur la poignée du réfrigérateur pour créer une sorte de poulie qui te permettra de l’ouvrir sans devoir trop utiliser tes pectoraux et les muscles endoloris de tes bras.
  • Emprunte un fauteuil Lazy Boy ou une chaise longue de repos inclinable — j’en ai trouvé une d’extérieur qui prenait peu de place dans mon salon, mais a fait toute la différence dans mon confort pendant les premières semaines de convalescence.
  • Si tu crains que ton sofa et ton lit ne finissent tachés par le sang de tes plaies ou de tes drains, recouvre-les de plastique protecteur, par exemple un vieux rideau de douche.
  • Écris-toi une lettre d’amour et de soutien en prévision de la potentielle dépression postopératoire, dans laquelle tu te rappelles les raisons pour lesquelles tu as pris cette décision et tout ce qui pourra te remonter le moral et te donner courage.
  • Pense à t’entourer de choses qui te feront plaisir : de bons livres et films, des photos, des jeux vidéo, des animaux en peluche, des amix, etc.

Pour le jour de la chirurgie

  • Vêtements confortables pour le jour de l’opération, que tu porteras probablement durant quelques jours après : chemise ou haut à boutons puisque tu ne pourras pas lever les bras pour te passer un t-shirt par-dessus la tête, joggings ou shorts confos, chaussures ou sandales dans lesquelles tu peux glisser les pieds sans devoir te pencher ou te servir de tes mains.
  • Petite valise pour la clinique, pour ne pas devoir soulever de poids après la chirurgie.
  • Tylenol si c’est bien ce que ton médecin te recommande de prendre outre les analgésiques narcotiques optionnels postopératoires.
  • Thermomètre pour vérifier si une fièvre monte.
  • Médicaments pour la nausée qui peut être causée par l’anesthésie.
  • Un coussin pour la voiture (que tu ne conduiras pas !) qui protégera ta poitrine de la pression de la ceinture (mastectomy pillow) et pourra être utilisé pour augmenter ton confort les premiers jours. Celui que j’ai utilisé m’a été prêté par un ami proche, et utilisé par une belle lignée d’environ huit autres personnes trans et/ou non binaires lors de leur propre opération de poitrine ! 
  • Des ice packs en quantité et de taille appropriée pour minimiser l’enflure (qui peut durer jusqu’à un an !).
  • Un wedge pillow—j’ai dormi une semaine et demie sur le mien, mais d’autres m’ont dit l’avoir utilisé plus d’un mois—et d’autres coussins pour la maison, comme les gros coussins de lecture avec des bras.
  • Un coussin pour le cou qui pourra également t’aider à trouver un semblant de position confortable.
  • Ceinture à pochettes faite pour tenir les drains.
  • Assure-toi qu’un·e proche pourra non seulement t’emmener et te chercher à la clinique, mais aussi passer à la pharmacie pour remplir tes prescriptions données par lea chirurgien·ne.
  • Laxatifs (médicaments, jus de prune ou autres) pour régler la constipation souvent causée par les antidouleurs.

Durant les premiers jours postopératoires

  • Mange une diète faible en sodium pour minimiser l’enflure.
  • Des chaussettes de compression pour aider avec l’enflure des jambes durant les temps passés en position assise ou couchée avec mouvement réduit.
  • Un backscratcher si tu n’auras pas tout le temps quelqu’un·e qui accourra pour te gratter le dos quand tes bandages te démangent !
  • Puisque tu ne pourras pas soulever de verre pour boire, achète des pailles réutilisables si tu n’en possèdes pas déjà.
  • Lingettes humides type baby wipes pour les jours durant lesquels tu ne dois pas te doucher.4
  • Poncho de pluie à porter dans la douche pour éviter de moyen les pansements.
  • Savon antibactérien doux pour la peau.
  • Éponge à poignée pour t’aider à te laver sans trop te pencher ou étirer les bras.
  • Benadryl, crème Aveeno et autres moyens de traiter les démangeaisons dues aux pansements.
  • Baume pour les lèvres qui seront certainement sèches.
  • Lotion pour le corps facile à appliquer, car la peau s’assèche plus vite qu’en moyenne lorsque le corps vit un traumatisme de cette ampleur.
  • Déodorant en vaporisateur puisque tu ne pourras pas lever les bras pour t’en appliquer en bâton.

Pour la suite des choses

  • Des bandes adhésives en silicone Mepitac que tu peux trouver à la pharmacie (surtout aux États-Unis) ou commander en ligne ; celles-ci peuvent être coupées à la longueur désirée, portées sans arrêt dès que le ruban adhésif de chirurgie tombe après quelques semaines (le mien m’a causé une petite réaction allergique !).
  • Évite d’utiliser de la pommade contenant de la vitamine E, puisque celle-ci semble faire foncer les cicatrices des incisions chirurgicales d’après des témoignages partagés en ligne. J’ai préféré ne pas tenter ma chance ! Par contre, l’huile essentielle de rose musquée ainsi que celles de lavande, d’encens et de gotu kola ont des propriétés reconnues qui assistent au rétablissement de la peau et à la minimiser l’apparence des cicatrices, ainsi que le beurre de karité, l’huile de noix de coco, et le miel !
  • Pense à prendre un rendez-vous de massage de cicatrice spécifique à l’intervention chirurgicale qui soutient et stimule la guérison du tissu cicatriciel, comme le ScarWork offert par Manna à Healing Resistance à Montréal, à partir des 6-8 semaines post-op.
  • Tu peux aussi performer toi-même le massage de tes cicatrices en faisant de petits mouvements circulaires sur celles-ci du bout des doigts pour améliorer la circulation sanguine et le rétablissement.
  • N’oublie pas de toujours couvrir ta ou tes cicatrices pour les protéger du soleil pendant au moins un an après la chirurgie, puis d’appliquer systématiquement de la crème solaire après ça pour éviter qu’elles ne deviennent plus foncées.
  • Afin que les cicatrices restent minces au lieu que les incisions ne s’étirent et ne s’épaississent verticalement, il est recommandé de ne pas lever les bras au-dessus du niveau des épaules pendant 6 mois — tout en retrouvant petit à petit de la mobilité dans les bras, la poitrine et le dos à l’intérieur de cette zone sécuritaire.
  • Suis autrement les indications de ton équipe chirurgicale pour le détail de ce que tan chirurgien·ne te conseille.

À quoi s’attendre

Puisque les nerfs repoussent très lentement, il se peut que tu ne retrouves pas de sensation à certains endroits (ça varie d’une personne à la suivante, mais en règle générale les greffes de mamelons, la ou les cicatrices elles-mêmes et l’endroit où courent les drains en dessous de celle·s-ci) pendant des mois, voire des années ou même jamais 🙁. Les zones que je ne sentais plus du tout derrière mes aisselles, le long de mes omoplates — je ne m’attendais pas à perdre de la sensation nerveuse à l’arrière de mon corps ! — recommencent enfin à me paraître plus normales après 2 ans de rétablissement postopératoire. 

Malgré ces quelques embûches et les incertitudes qui sont nécessairement le lot d’une chirurgie, il est bon de prendre ce grand pas pour ressentir au final plus de joie et /ou d’euphorie du genre5. Encore une fois, chaque corps réagit et se rétablit différemment, mais il est bon de lire divers témoignages pour te préparer aux éventualités que tu rencontreras peut-être durant ta propre convalescence. Justement, on te mijote un autre petit article où je t’explique comment s’est déroulée ma propre expérience d’opération de poitrine trans non binaire au GrS Montréal le 14 juillet 2022 (elle est tombée par hasard sur la journée internationale des personnes non binaires !) et dans les semaines qui suivirent.

En attendant que ta propre date de chirurgie arrive, dépêche-toi d’écrire une liste des choses dont tu auras besoin en t’inspirant de celle-ci et d’autres que tu pourras trouver en ligne ou en communauté. N’oublie pas qu’une bonne partie du matériel mentionné ci-haut peut être emprunté afin que la chirurgie ne soit pas trop un obstacle financier. On te suggère aussi de créer un horaire de soin dans un calendrier ou un document partagé en ligne où toutes tes personnes aidantes pourront clairement partager l’information nécessaire et communiquer à propos de tes doses de médicaments, de tes repas, de ton état et de leurs propres besoins de repos ou leurs disponibilités de prise de relève pour t’aider à te lever et aller aux toilettes ou te coucher, prendre tes médicaments aux heures nécessaires et selon ta douleur, t’apporter ou te faire à manger et à boire, te tenir compagnie et veiller à ce que tout aille le mieux possible lorsque tu ne disposes pas toutes tes facultés ou de toutes tes forces. As-tu davantage de suggestions, d’astuces ou d’expériences à ajouter à cet article qu’il serait important de partager ?

Courage, tu es presque à la ligne d’arrivée !

_________________________________________________________

Quelques petites notes

1 À l’époque où je débutais ce processus, soit à l’automne 2021, le GrS Montréal était réticent à donner un timeline de l’attente. En parlant à divers·es réceptionnistes, j’obtenais des réponses différentes sur le nombre de semaines ou de mois que prendraient tour à tour les différentes étapes (revue des documents que je devais envoyer comme patient·e pour vérifier mon éligibilité aux diverses procédures ; attente d’un rendez-vous de consultation téléphonique avec, dans mon cas, les deux chirurgien·ne·s disponibles ; revue par la RAMQ du cas soumis par le GrS pour le remboursement total de la chirurgie, obtention d’une date de chirurgie prévue ; liste d’attente pour une date plus proche si une annulation prenait place). Le moyen le plus sûr que j’ai pu trouver de me garder au courant, c’était de regarder les forums en ligne où d’autres comme moi partageaient leur expérience d’attente au fur et à mesure, ainsi que le bouche-à-oreille au même sujet entre les amix de mes amix qui attendaient ou avaient récemment été opéré·e·s, ou encore les organismes de soutien aux personnes trans et non binaires comme P10 à Montréal qui sont en contact avec plusieurs d’entre elleux et on une meilleure idée des temps d’attente.

2 Si celle-ci est plus éloignée que tu ne l’aimerais, demande à te faire mettre sur la liste d’attente pour annulation. Il est assez fréquent que les dates des chirurgies doivent être ajustées, par exemple si un·e patient·e attrape la COVID-19, et que de nouvelles plages-horaire se libèrent ainsi. Si tu as assez de flexibilité pour pouvoir changer tes plans de convalescence (travail, care, etc.), tu risques de pouvoir décocher une date à l’avance de plusieurs semaines.

3 Les informations que je présente ici sont le résultat de consultations d’homéopathes, de naturopathes et de technicien·ne·s expert·e·s dans ces domaines, ainsi que de mes propres recherches et compilations à partir de recueils d’herboristerie et de médecine naturelle. Les plantes peuvent être de remèdes très puissants qu’il est possible d’utiliser, mais aussi de mal utiliser faute de connaissance appropriée ou d’abuser en termes de type ou de dosage — en particulier conjointement à un cocktail de médicaments occidentaux. Attention : comme n’importe quelle substance, il est important de te renseigner en profondeur sur leur indication ou contre-indication et sur leurs interactions potentiellement néfastes avec tout·e autre médicament, diagnostic, etc. Réfère-toi en dernière autorité à tan chirurgien·ne, quitte à lui demander de faire des recherches sur quelque contre-indication ou interférence potentiellement dangereuse.

4 Ta poitrine ne doit pas passer sous l’eau si tu as (encore) des drains, ou bien des mamelons pansés. N’ayant pas eu de greffe de mamelons, j’ai pu prendre ma première douche complète au 9jour post-op, après que mes drains et les points de suture les tenant en place ont été retirés par une infirmière au CLSC du quartier (qui m’a mégenré·e et demandé·e si j’avais le cancer…). En attendant, selon ma mobilité qui revenait petit à petit, je me lavais le bas du corps en faisant couler de l’eau non pas de la tête de douche (ça aurait été bien s’il s’agissait d’une douche téléphone !), mais de celle du bain que je pouvais atteindre plus facilement de mes mains.

5 Savais-tu que ce n’est pas tout le monde qui vit ce que la médecine contemporaine et la narration générale nomment la dysphorie du genre ? Pas besoin de nécessairement se sentir mal dans son corps pour désirer le changer et trouver du plaisir et un plus grand bien-être dans un nouveau physique ! Défaisons ensemble l’histoire trans normative one size fits all pour laisser plus de place aux existences et expériences diverses ❤️‍🔥✨

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