Agentivité : « Faculté, pour un agent, d’agir et d’influencer les événements et les êtres. » 

Mais qu’en est-il lorsqu’on associe ce terme à la sexualité ? Embarque avec nous dans une courte lecture vers la démystification de l’agentivité sexuelle.

C’est normal si tu n’as jamais entendu parler d’agentivité. Il s’agit d’un concept plutôt récent. La courte définition qu’on peut lire dans l’introduction fait partie des quelques-unes que l’on peut trouver sur le web. Au moment où j’écris ces lignes, un trait rouge en zigzag accompagne le dessous de chaque « agentivité » inséré dans le texte, comme si ce mot n’existait tout simplement pas.

D’où vient le concept d’agentivité sexuelle ?

L’agentivité sexuelle renvoie au fait de se SAVOIR et de se SENTIR à l’origine de ses actions en ce qui concerne la sexualité. On parle du fait d’être agent·e de sa propre sexualité, c’est-à-dire d’être en charge de celle-ci.

Comme on peut le lire dans la publication ci-haut, faire preuve d’agentivité sexuelle est un processus d’empowerment qui vise notamment les femmes, les personnes racisées et les personnes de la communauté 2SLGBTQIA+, bref, tout groupe dont la sexualité a été historiquement contrôlée, restreinte et représentée péjorativement ou passivement. 

Quelques exemples d’agentivité sexuelle

  • Ressentir de la nervosité par rapport au fait d’entamer une conversation à propos de la sexualité avec un·e partenaire, mais le faire quand même.
  • Revenir avec un·e partenaire sur votre activité sexuelle et soulever les éléments qui ont été appréciés et ceux qui seraient à modifier.
  • Call out (dénoncer) un commentaire déplacé envers soi ou une autre personne.

Quelques exemples d’affirmations agentives :

  • J’ai droit au plaisir sexuel.
  • J’explore et j’assume mes désirs sexuels.
  • Je suis reconnaissant·e pour mon corps et les sensations qu’il me procure.
  • Je suis à l’écoute des besoins de mon corps.
  • Je fais preuve de patience et de compassion à l’égard de mes insécurités sexuelles ou de celles d’un·e partenaire.

Qu’est-ce qui contribue à retirer l’agentivité aux groupes opprimés ? 

La socialisation renvoie au processus par lequel la société forme et transforme les individus.

La socialisation différenciée fait référence à un processus selon lequel on façonne les individus selon des normes et des rôles rigides et hiérarchisés. 

Voici quelques exemples qui illustrent que l’agentivité sexuelle a été socialement retirée pour certains groupes :

  • Les stéréotypes sexuels envers les personnes racisées (comme la sexualité des femmes noires dont l’agentivité a été historiquement dépourvue en raison de stéréotypes sexuels datant de l’esclavage, mais encore présents aujourd’hui. Pour en savoir plus en détail, consulte cet article.)
  • L’accent mis sur le plaisir masculin dans la sexualité.
  • Une représentation biaisée des planches anatomiques (le premier dessin anatomique d’un clitoris complet date de 1998…).
  • L’accès à l’avortement sans cesse remis en question (encore aujourd’hui, en 2023…).
  • Chez les femmes en situation de handicap : l’absence d’éducation sexuelle, le manque de reconnaissance de leurs besoins contraceptifs ainsi que les inégalités d’accès aux services gynécologiques

Pour finir en beauté avec la définition de l’agentivité sexuelle, voici une citation de Corie Hammers, chercheur·e américain·e qui s’est beaucoup penché·e sur la question : 

 « L’agentivité sexuelle ne consiste pas à simplement élargir les frontières sexuelles et à dire “oui” au désir; il s’agit également de façonner vos limites comme vous l’entendez, de sorte qu’il soit possible de ne pas agir, de dire “non” ou d’être en mesure de négocier dans un contexte d’activité sexuelle. »

Les composantes de l’agentivité sexuelle

Pour t’aider à mieux comprendre les éléments qui composent l’agentivité sexuelle, nous allons décortiquer le tout ensemble à l’aide d’une phrase simple et efficace :

On peut dire qu’une personne a développé son agentivité sexuelle si elle fait preuve d’initiative, a conscience de son propre désir et se considère libre et en contrôle de sa sexualité.

La prise d’initiatives 

Prendre des initiatives selon ce qui te tente vraiment consiste à t’écouter et à mettre de l’avant ce dont tu as réellement envie.

D’ailleurs, si tu cherchais des pistes pour verbaliser des initiatives, en voici quelques-unes juste ici.

La conscience du désir

La conscience du désir signifie simplement d’être à l’écoute de ses envies et fantasmes, et de les accepter. 

Le sentiment de confiance et de liberté dans la sexualité

Le fait de se sentir en confiance et libre dans la sexualité, on va se le dire, c’est important, c’est même la base ! Par contre, ce facteur peut parfois être grandement influencé par l’extérieur (ex. : lois portant atteinte aux droits et à la sexualité des femmes ou des personnes 2SLGBTQ+, le racisme sexuel, les stéréotypes, etc.). 

Pour gagner un sentiment de confiance et de liberté, il s’agit alors de trouver ta marge de manœuvre (ce sur quoi tu as du contrôle et du pouvoir) afin de te réapproprier ta sexualité et de t’épanouir malgré ton contexte social.

Comment développer son agentivité sexuelle

Pour développer son agentivité sexuelle, il s’agit de travailler sur les trois composantes mentionnées plus haut. Voici donc quelques pistes pour devenir agent·e de ta propre sexualité. Sens-toi libre d’essayer celles qui te tentent, d’en modifier certaines ou même d’en créer d’autres !

Tu verras que pour développer ton agentivité sexuelle, tu peux mettre en place plusieurs éléments qui ne sont pas liés à la sexualité.

1. Être à l’écoute de soi

Un peu comme il a été dit lorsqu’on parlait de conscience du désir, je t’encourage à être à l’écoute de toi-même d’abord et avant tout. L’objectif, c’est d’identifier tes propres limites, savoir ce que tu préfères et ce que tu aimes moins. 

Tu peux t’inspirer de notre publication suivante pour entamer une petite introspection par rapport à ta sexualité. Tu remarqueras que les questions sont liées aux différentes composantes de l’agentivité sexuelle.

Exercice pratique

Tu peux te pratiquer en commençant par des situations qui sont non sexuelles. Quoi de mieux pour apprendre à être à l’écoute de toi-même que de te sortir de ta zone de confort ?

1. Essaie une activité qui te sort un peu de ta zone de confort (aller au resto seul·e, essayer un nouveau sport, méditer, apprendre des mots d’une nouvelle langue, goûter à une recette spéciale, bref, n’importe quoi). 

2. Sois à l’écoute de toi-même, c’est-à-dire de tes réactions, internes et externes, tout au long de l’activité.

3. Fais une liste de ce que tu as aimé et ce que tu as moins aimé de cette activité, et des raisons pour lesquelles tu notes ces éléments. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse.

Le fait d’être à l’écoute de ce qui te plaît ou non et surtout, d’en savoir le pourquoi, te permet de connaître tes limites dans différents contextes.

Je t’invite ensuite à faire le même exercice dans un contexte de sexualité. Si celui-ci est avec un·e partenaire, je t’encourage, si tu te sens confortable, à partager tes observations à tan partenaire. Cela te pratiquera à t’affirmer et à communiquer, point que nous aborderons à l’instant !

2. Développer sa communication

Communiquer ses besoins, ses désirs et ses limites fait partie des éléments qui rendent une personne agente de sa propre sexualité.

Je te rassure tout de suite, personne n’est parfait·e ! 

Communiquer peut être intimidant et plutôt difficile. C’est pourquoi on te donne quelques pistes pour rendre le tout plus facile. 

Rapidement, voici comment communiquer de façon respectueuse en 4 étapes, une technique qu’on appelle également « communication non violente » :

Observer les faits

Il s’agit ici de noter les faits, tels qu’ils sont.

Par exemple :  La personne ne sort pas de condom et nous nous apprêtons à avoir une relation sexuelle avec pénétration. 

Identifier ses sentiments

Ici, il s’agit de lier les faits avec le sentiment qu’on ressent au moment où cela arrive.

Par exemple : Je ressens du stress à l’idée de ne pas me protéger lors d’un rapport sexuel. 

Relier ses sentiments à un besoin

Cette étape consiste à se responsabiliser en identifiant notre besoin dans la situation.

Par exemple : J’ai besoin de me sentir en sécurité lorsque j’ai des relations sexuelles. 

Formuler une demande

Finalement, cette dernière étape consiste à mettre de l’avant nos besoins et nos sentiments en formulant une demande claire à l’autre personne, exempte d’accusations.

Par exemple : « Je remarque que tu ne sors pas de condom. Je ressens du stress à l’idée de me protéger lors d’un rapport sexuel et j’ai besoin de me sentir en sécurité. J’aimerais mettre un condom avant qu’on couche ensemble. Je vais aller chercher celui que j’ai dans mon sac. »

3. S’informer sur le sujet de la sexualité

T’informer à propos de la sexualité ne signifie pas de lire 238 livres, programmes, mémoires ou thèses sur le sujet. Tu peux toujours te sensibiliser à la sexualité positive et aux enjeux qui te concernent en consommant du contenu qui t’interpelle à ce sujet, comme en écoutant des balados, en t’abonnant à des comptes militants (comme le nôtre 😉), en regardant des vidéos ou en lisant des articles.

T’informer peut être d’abord rassurant, faire tomber des tabous, mais surtout te permettre de mieux comprendre ton rapport avec ta sexualité et la situer dans son contexte social. Cela peut contribuer au développement de ton sentiment d’aisance et de confiance. Le savoir, c’est le pouvoir !

C’est pourquoi on te laisse ici-bas une liste d’outils qui te permettront de chercher toi-même des réponses à des questions ou qui te suggèrent simplement des lectures empowering.

Bonne découverte !

Quelques recommandations pour développer son agentivité sexuelle :

Lectures

Balados

Autres

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À propos de Marilou Lampron

Rédactrice pigiste | Pronoms : elle/la | Amoureuse des chats et des couchers de soleil (j’ai beaucoup trop de photos de cotton candy skies dans mon cell), j’ai fait un certificat en psychoéducation avant de compléter mon baccalauréat en sexologie. Je suis intervenante psychosociale auprès des familles à la Fondation Marie-Vincent, qui partage mon rêve de vivre dans un monde exempt de violence sexuelle. Je cherche à approcher le sujet de la sexualité avec douceur et féminisme, en ayant pour but que chaque personne se sente incluse (et un brin divertie) lors de sa lecture.

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