TW : Mention de stéréotypes, de préjugés biphobes et d’actes sexuels.

Si tu fais partie de la diversité sexuelle, tu as probablement déjà entendu dire que les bisexuel.le.s sont les plus privilégié.e.s de la communauté 2SLGB+. Cette idée reposerait entre autres sur le mythe que les bisexuel.le.s pourraient se « cacher » sous le privilège de l’hétérosexualité, et ainsi, éviter les stigmas homophobes.

Pourtant, la réalité, c’est que les personnes bisexuelles ne sont jamais à l’abri de la biphobie. Elles peuvent en être victime autant auprès de la communauté lesbienne et gaie (on utilisera LG pour simplifier), qu’auprès des hétérosexuel.le.s, en plus de vivre aussi de l’homophobie lorsqu’elles sont en couple homosexuel, par exemple. De plus, les bisexuel.le.s doivent sans cesse prouver la véracité de leur sexualité, car leur orientation sexuelle et/ou amoureuse est constamment remise en question. 

Biphobie et biphobie intériorisée

La bipho-what, tu te dis ? La biphobie, c’est les manifestations de haine, d’intolérance ou tout simplement les stigmas ou les jugements concernant les personnes bisexuelles. Un peu comme l’homophobie pour les LG (et les bis). Sauf que, contrairement à l’homophobie qui est aujourd’hui plus facilement pointée du doigt et condamnée, la biphobie est plus souvent insidieuse, car elle est moins connue. 

Malheureusement, les stéréotypes biphobes sont tellement présents et ancrés dans notre société, qu’une grande partie des personnes bis finissent par les croire et les intégrer dans leur perception de soi : c’est ce qu’on appelle la biphobie intériorisée. 

C’est pour ça qu’aujourd’hui, on te propose une introspection collective : ça s’adresse autant aux bis qui souffrent de ces stigmas, qu’aux allié.e.s qui cherchent à mieux comprendre les rouages de la biphobie pour éviter les faux pas. On verra donc 8 mythes (aka des stéréotypes et préjugés) beaucoup trop fréquents sur la bisexualité et qu’il faut absolument démystifier pour mettre fin à la stigmatisation des personnes bisexuelles.

Psssst… en passant, quand on parle de bisexualité ici, ça englobe aussi toutes les orientations plurisexuelles/pluriamoureuses ou sous le spectre de la bisexualité, comme la pansexualité, la cétérosexualité, l’omnisexualité, etc., car les stéréotypes qui y sont rattachés sont souvent les mêmes.

Mythes discréditant la bisexualité comme orientation sexuelle

Ceux-là, sont un classique. Cette catégorie de stéréotypes biphobes remet en cause la légitimité même de la bisexualité en tant qu’orientation sexuelle.

« La bisexualité, c’est une phase »

L’idée que la bisexualité serait une phase découle de la vision très binaire de notre société. « Soit t’es gai.e, soit t’es hétéro » : tu dois choisir ton camp. C’est comme si on te demandait : « Qu’est-ce que t’aimes toi ? La mayo, le ketchup ou la moutarde ? » Comme s’il fallait absolument faire un choix entre les trois ! Pourtant, ça se peut que quand t’étais jeune, t’aimais mieux le ketchup, puis qu’en grandissant, tu développes aussi un goût pour la moutarde et la mayo. Ça se peut aussi que toute ta vie t’aimes les trois de manière indifférenciée ! Bref, c’est un peu basic de demander aux gens de choisir un camp entre l’hétérosexualité ou l’homosexualité… Comme s’il n’y avait que deux genres et deux orientations sexuelles 🙄 .

« La bisexualité n’est qu’une période de transition vers une autre orientation sexuelle »

Bon, on va se le dire tout de suite : certaines personnes changent d’étiquette d’orientation sexuelle et/ou romantique au cours de leur vie. Ben oui. Parce que la sexualité, c’est quelque chose de fluide. Tes attirances sexuelles ou romantiques peuvent donc évoluer au fil de tes expériences. Par exemple, il se peut qu’aujourd’hui tu t’identifies à une orientation sexuelle qui diffère de celle à laquelle tu t’identifiais plus tôt dans ta vie. Ça ne veut pas dire pour autant que l’orientation sexuelle à laquelle tu t’identifiais quand tu avais 17 ans était un mensonge. Elle était valide à ce moment-là de ta vie, car elle reflétait tes attirances à cette époque-là. Et l’orientation sexuelle/romantique à laquelle tu t’identifies aujourd’hui l’est tout autant, car elle reflète tes attirances d’aujourd’hui.

La croyance que la bisexualité serait qu’une phase de transition vers une autre orientation sexuelle plus « définitive » amène les gens à croire que lorsqu’une personne bisexuelle est en couple hétéro, elle « devient » hétéro et quand elle est en couple homosexuel, elle « devient » gaie. Même si tu es en couple hétéro pendant 30 ans, ça n’invalide pas ta bisexualité : tu es toujours autant bisexuel.le. Le sexe ou le genre de ton partenaire ne définit pas ton orientation ! 

Il n’y a aucune raison valable pour invalider l’orientation sexuelle des personnes bisexuelles. Please, quand quelqu’un.e te dit qu’iel est bisexuel.le, crois-le sur parole et ne remet pas en question ses émotions, ses attirances et ses expériences.

« Tu n’es pas vraiment bi si tu n’aimes pas autant les hommes que les femmes »

« Comment tu peux savoir que t’es bi si tu n’as jamais couché avec un gars ?! »

« Comment tu peux dire que t’es bi si t’as juste sorti avec des hommes ? »

C’est le genre de phrase que les bisexuel.le.s entendent fréquemment qui, malheureusement, fait très souvent naître un sentiment d’imposteur chez iels. L’idée que les bis devraient avoir une attirance 50/50 est complètement erronée. 

Premièrement, plusieurs bis sont attiré.e.s par des personnes qui s’identifient à d’autres genres que femme ou homme. La théorie du 50/50 ne tient donc déjà plus. De plus, quand tu es bi, ça se peut qu’il t’arrive de fréquenter un genre plus souvent qu’un autre. Ça peut être une question de disponibilité (il y a beaucoup plus d’hétéros que d’homosexuel.le dans la vie), comme ça peut être une question de préférences aussi ! 

Il peut aussi y avoir un moment de ta vie où tu préfères dater juste des personnes non binaires, ou encore juste des filles pour XYZ raisons. C’est ben correct et ça ne fait pas de toi une personne moins bisexuelle qu’une autre. Ta bisexualité est valide !

Même Kinsey, pionnier de la sexologie scientifique moderne, avait compris que la bisexualité n’était pas une histoire de 50/50 dans les années 1940, lorsqu’il a développé son échelle d’orientation sexuelle. Après avoir interviewé des milliers de personnes sur leur sexualité, il s’était rendu compte que leurs expériences sexuelles étaient beaucoup plus variées qu’on le croyait à l’époque. Donc voici une version révisée de l’échelle de Kinsey, qui veut dire la même chose, mais qui utilise un vocabulaire moins hétéronormatif.

Même si l’échelle est un peu désuète aujourd’hui (entre autres parce qu’elle ne fait pas la différence entre attirance sexuelle et romantique), elle reste intéressante, car on voit qu’il peut y avoir plusieurs façons d’être bi.

« La bisexualité n’existe pas ou ce n’est pas une orientation sexuelle aussi valide que l’hétérosexualité et l’homosexualité »

Trop gai.e.s pour les hétéros, trop hétéro pour les gai.e.s : c’est ce qu’on reproche constamment aux bisexuel.le.s. En effet, les hétérosexuels ont tendance à percevoir les individus qui ne sont pas exclusivement hétérosexuels comme homosexuels. Pour ce qui est des LG, iels auraient tendance à voir la bisexualité comme une orientation sexuelle moins légitime qu’une orientation strictement homosexuelle (Pajor, 2005).

Pourtant, comme on l’a vu, la bisexualité est une orientation sexuelle bien réelle. Selon une étude américaine (Gallup, 2020), les personnes bisexuelles représentent 55 % des adultes de la communauté LGBT ! On ajoute même un 3 % pour inclure les autres orientations plurisexuelles (ex : pansexualité, cétérosexualité, etc.). Les personnes sous le spectre de la bisexualité formeraient le plus grand groupe de la communauté. Donc : orientation sexuelle qui n’existe pas ? Laisse-nous en douter…

« Les bisexuel.le.s sont transphobes »

Apparue relativement récemment, cette idée viendrait de la confusion autour du préfixe « bi ». Si cette polémique t’intéresse davantage, fais un tour ici où l’on en parle plus en détail. 

En gros, c’est que le préfixe latin voudrait dire « deux fois, indiquant le redoublement, la répétition, la réciprocité » (Larousse, 2021) et la plupart des gens l’interpréteraient comme « deux ». Mais deux quoi ? Il y a plusieurs façons de le voir. Par exemple, la bisexualité peut être décrite comme « l’attirance envers deux genres ou plus » ou encore comme « l’attirance envers son propre genre et d’autres ». On peut aussi voir la bisexualité comme un spectre, qui engloberait toutes les autres identités plurisexuelles (l’attirance envers plus d’un genre), comme on te le mentionnait au début.

Il n’est pas impossible que certaines personnes bis décrivent leur orientation comme l’attirance envers les hommes et les femmes. Mais reste que ce n’est pas la norme. Au contraire, la plupart des bis reconnaissent l’existence de plus de deux genres et sont ouvert.e.s à la possibilité de sortir avec une personne pangenre, non binaire, agenre, etc. Il suffit d’aller faire un tour sur YouTube pour t’en convaincre, car les définitions inclusives de la bisexualité abondent.

Mythes sexualisant les personnes bis

Cette catégorie de stéréotypes biphobes entourant l’hyperactivité sexuelle présumée des personnes bisexuelles est malheureusement celle qui regroupe le plus de mythes. Un peu comme les personnes trans*, les bisexuel.le.s sont très souvent sexualisé.e.s et perçu.e.s comme des « bêtes de sexe ». 

« Les bisexuel.le.s veulent coucher avec tout le monde »

Le problème, c’est que plusieurs confondent le potentiel d’attirance sexuelle envers plus d’un genre avec le nombre de partenaires sexuel.le.s. Ce n’est pas parce que tu peux être attiré.e envers des personnes de diverses identités de genre que tu as envie de coucher avec toutes les personnes que tu croises. 

Mettons que toi, t’es hétéro : as-tu envie de coucher avec toutes les personnes du genre opposé que tu croises sur la rue ? Non ? Ben c’est la même chose pour les bis. La libido n’a pas de lien avec l’orientation sexuelle. 

Comme chez toutes les autres orientations sexuelles, il y a des personnes bisexuel.le.s qui sont très sélectif.ve.s dans leur choix de partenaire. D’autres ont rarement de l’attirance sexuelle envers autrui, comme les personnes biromantiques qui peuvent ressentir de l’attirance amoureuse, mais qui ont peu ou pas d’attirance sexuelle.

« Les personnes bisexuelles trompent leur partenaire »

Cette croyance biphobe réside au sein de la communauté LG, comme chez les hétérosexuel.le.s. C’est le fait de penser que, parce que les bis ont un potentiel d’attirance envers plus d’un genre, iels ont nécessairement besoin d’être avec plus d’un genre à la fois. 

Malheureusement, dû à ce stéréotype, les personnes bisexuelles se font souvent rejeter ou discriminer dans les relations amoureuses. En effet, plusieurs hétéros et LG n’osent pas se mettre en couple avec une personne bisexuelle, doutant constamment de leur fidélité. « T’es sûr.e que tu n’aurais pas besoin de pénis un moment donné ? » « T’es certain.e que ça ne te manquera pas de manger des minous ? ». C’est des phrases que des personnes bis ont souvent déjà entendues. Pourtant, l’infidélité, ce n’est pas une question d’orientation sexuelle.

Une variante de ce stéréotype : « les personnes bisexuelles sont majoritairement polyamoureuses ». Encore là, ça n’a aucun lien. Ta configuration relationnelle préférée n’a pas de lien avec l’orientation sexuelle à laquelle tu t’identifies. Il y a des homosexuel.le.s polyamoureux.euses comme il y a des hétéros polyamoureux.euses. Soit dit en passant, le polyamour n’est pas de l’infidélité.

« Les filles sont bisexuelles juste pour attirer l’attention des gars »

Premièrement, cette idée découle clairement du male gaze et de notre vision très phallocentriste de la sexualité. Comme si les femmes vivaient, agissaient, respiraient et n’existaient que pour les hommes 🙄 . Ce préjugé-là est non seulement biphobe, mais il est aussi sexiste.

Mettons les choses au clair ici : les femmes bisexuelles n’ont pas « décidé » d’être attirées envers d’autres femmes. Les attirances ne sont PAS un choix. Et btw, les femmes n’existent PAS pour plaire aux hommes non plus.

Par contre, on ne va pas se le cacher, la bisexualité féminine et l’érotisme féminin sont très souvent instrumentalisés à des fins lucratives. Que ce soit dans la porno mainstream, dans les vidéo-clips ou chez les vedettes (hein, Nicki Minaj ?), on utilise souvent l’imagerie lesbienne ou bisexuelle pour faire parler, vendre des cossins ou pour vendre un rêve aux hommes hétéros. Mais pour ça, il faut remercier le capitalisme et le sexisme (sarcasme). En aucun cas on ne devrait rejeter la faute sur les femmes bisexuelles.

Besoin d’exemple ? On te laisse sur cet extrait de la chanson Can’t remember to forget you où Rihanna et Shakira se touchent sensuellement tout en disant « I’ll do anything for that boy » (« je ferai n’importe quoi pour ce gars »).

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À propos de Anne-Claudel Parr

Sexologue, Rédactrice | Pronoms: elle/la | Passionnée de plage, de voyage et de salsa, j’ai étudié en science politique, en psychologie, fait un certificat en psychoéducation et en espagnol avant d’atterrir en sexologie et de trouver ma voie (ben oui, c’est long se trouver parfois) ! Féministe intersectionnelle de cœur et de raison et membre de la communauté LGBTQIAP2S+, je pose un regard assez scientifique et théorique sur la sexualité, mais en essayant d’être moins plate que ton prof de socio au cégep. J’espère pouvoir élargir ta conception de la sexualité, dire ce qui n’est pas dit et jaser de l’éléphant rose. Ensemble, on va faire la deuxième Révolution sexuelle ! Embarques-tu ?

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