Être issu·e de la communauté queer est déjà synonyme d’oppression. Lorsqu’on vient de région, on s’attend bien à ne pas être épargné·e. Le manque de ressources accessibles y est pour beaucoup, mais surtout, le manque de safe spaces. Que ce soit à travers la vie nocturne ou d’événements en général.
Il est difficile d’y trouver sa place et de se sentir validé·e. Peut-être parce qu’à l’extérieur de la ville, nous sommes une minorité très minoritaire ? Peut-être que la ville est simplement plus avancée quant à l’inclusivité ?
Deux personnes qui ont vécu l’expérience nous racontent leur histoire — et nous montrent que oui, c’est possible de s’épanouir en tant que membre de la communauté 2SLGBTQIA+, même lorsqu’on vient d’un milieu qui nous donne si peu de place pour exister.
L’amour au temps des placards
J’ai discuté de coming out avec Ryley.
Ryley est une femme trans lesbienne. C’est une de mes meilleures amies. Elle est sans doute une des personnes les plus inspirantes que j’ai rencontrée. Ne serait-ce que parce qu’elle est persévérante, polyvalente, hilarante et qu’elle éduque les gens avec une patience hors du commun. Elle est préposée aux bénéficiaires, en plus d’occuper ses temps libres en créant des vêtements et en écrivant un court métrage (queer, bien entendu). Je lui ai demandé de me parler de son histoire, de son processus d’acceptation et de réalisation d’elle-même. Elle a vécu son adolescence dans les années 2000, à Kamouraska. Il faut dire qu’à ce moment, il n’y avait pas de place pour l’exploration de sa sexualité sans être automatiquement étiqueté gay. Queer n’était pas encore un terme connu.
Si on remonte à ton secondaire, phase d’exploration, de découverte de soi pour presque tout le monde, comment as-tu franchi cette étape ? Comment es-tu passée à travers cette période de ta vie en explorant ta « true self » ?
« Si je remonte à mon secondaire, je dois dire qu’il n’y avait qu’un seul homme cis gay “out”. C’était tabou et il fallait beaucoup de courage pour s’affirmer dans sa différence. Ça ne m’a pas empêché d’explorer mon expression de genre à travers un mouvement qui avait explosé à cette époque 1.0 de l’internet ; le style emo. Je me retrouvais dans cette allure de garçon à l’allure féminine. On se rappelle qu’à cette époque, les styles vestimentaires étaient très genrés.
Je magasinais dans les sections femme et je me faisais dévisager. J’étais la seule à arborer ce look dans ma ville. Je savais que j’étais différente des garçons, mais c’est difficile de statuer sur cette différence lorsqu’on a si peu d’espace pour se questionner. Pour tout le monde, j’étais un homosexuel dans le placard.
J’ai essayé de me convaincre que j’avais un blocage et qu’en essayant davantage j’allais réussir à tout éclaircir. J’ai essayé à travers ma consommation de pornographie gay, mais ce n’était pas ça. L’existence de la transidentité était extrêmement tabou. On ne parlait pas de ça.
Je savais que je devais quitter la région pour me trouver. Avoir suffisamment d’espace pour laisser s’épanouir la femme que j’étais.
Il m’aura fallu beaucoup de thérapie pour mettre le doigt dessus. Sur mon identité.
Je suis une femme trans et lesbienne. »
D’hier à aujourd’hui
Comme dans toutes les sphères de la vie, les choses évoluent. Nous avons fait du chemin depuis le coming out de Ryley et de toutes les personnes qui ont dû passer cette étape. Rien n’est gagné, mais l’inclusivité fait son chemin.
J’ai eu la chance de discuter avec Alice.
Alice est une femme cisgenre lesbienne. Elle a grandi dans le bas du fleuve, avant de venir s’installer à Montréal. Elle a passé plusieurs années dans la grande ville avant de finalement se réinstaller en région. À Montréal, elle a vécu une multitude d’expériences qui l’ont aidée à forger son identité et à assumer pleinement son orientation sexuelle. C’est une femme ambitieuse, passionnée et avec une écoute réconfortante.
Alice, tu es donc de retour en région. J’aimerais que tu me parles du processus que tu as traversé avant d’en arriver là et surtout, que tu me dises comment ça se passe.
« J’en aurais long à dire… Je dois avouer que j’ai traversé une multitude d’émotions. C’est fou parce que lorsque j’ai quitté le bas du fleuve, à la fin de mon secondaire, je savais que c’était pour le mieux. Je me suis sentie tellement soulagée de quitter ce si petit coin avec si peu de diversité. Je ne poussais pas vraiment ma réflexion plus loin, je savais que je n’étais pas bien là-bas, mais je savais aussi que je pouvais l’être ailleurs. Il me manquait des outils, mais je partais vraiment le cœur plein d’espoir.
Une fois à Montréal, j’ai rencontré des gens. J’ai rencontré une communauté complète. On m’a dit que j’avais le droit de me questionner sur absolument tout ce que je suis. On m’a fait comprendre que j’allais aussi le faire en toute sécurité. Je me souviens à quel point j’ai respiré d’une façon comme je n’avais jamais respiré avant. C’était comme le plus gros soulagement du monde.
Longue histoire courte. Aujourd’hui, je suis de retour en région. J’ai 26 ans et j’ai une blonde. Je suis revenue avec le cœur loadé de bonnes intentions et d’espoirs. Je suis moins fâchée qu’avant. Surtout aussi, je me connais et je m’accepte, pis je pense qu’une fois qu’on est rendu à cette étape-là de notre cheminement, les choses sont pas mal plus faciles. »
S’aimer en sécurité
Comme on a pu le voir à travers les témoignages de Ryley et d’Alice, la région manque de safe spaces pour exister en tant que personnes issues de la communauté 2SLGBTQIA+. Elles n’ont d’autres choix que de se tourner vers la ville pour côtoyer d’autres personnes dans la même situation. Il faut dire qu’il est important de côtoyer des gens qui ont vécu les mêmes choses que nous, qui nous valident en comprenant réellement, qui nous conseillent et qui nous guident à travers cette multitude d’émotions et de questionnements.
J’ai quand même réussi à dénicher quelques exceptions, soit :
- Le bain public, 53 rue St Germain Est, Rimouski, QC, Canada
- À qui le tour, 97 Av. Saint-Louis, Rimouski, QC, Canada
Ces endroits se veulent queer-friendly (on aime ça !).
En plus de ça, tu pourras trouver certains groupes Facebook comptant plusieurs personnes de région :
- Diversité KRTB
- La Diversité Bar LGBTQ+
Sans parler des créateurs de contenu sur Instagram, qui rendent leur plateforme, un safe space en soi.
Je te conseille :
- Leksendrine
- Roxderagon
- Ryeleebaby
- Yancychery
- The_yvesdropper
- Justalittlefun.ca, bien entendu.
Et tellement plus encore.
C’est important, de se sentir en sécurité et ça devrait être la réalité de toustes. D’ici à ce que ce soit possible, d’ici à ce que tous les membres de la communauté puissent profiter de cette aisance sans être préoccupé·e·s, rappelons-nous qu’un endroit sécuritaire peut s’avérer être une personne. Entourons-nous de gens qui nous font nous sentir bien.
Quels sont les safe spaces de Montréal, par exemple ? Mettons que tu te planifies une sortie pour changer d’air…
Sans parler du village, qu’on retrouve sur Sainte-Catherine, voici quelques suggestions pour tes prochaines virées à Montréal :
- Le Barbossa — 3956A Boulevard Saint-Laurent — Tous les mercredis de 22h à 3h — Weekly queer night FROOTY — trans, people of color, non binaires, bisexuel·le·s, asexuel·le·s, lesbiennes, etc friendly
- L’idéal — 151 rue Ontario — queer friendly
Guide de survie pour une personne queer en région
(Bien qu’il n’existe aucun mode d’emploi précis et calculé.)
La règle numéro 1 sans contredit : Aime-toi. Valide-toi. Écoute-toi.
Même si les choses évoluent considérablement, c’est normal de trouver ça difficile vu le manque de représentation à laquelle tu adhères.
Entoure-toi de personnes qui t’écoutent et te respectent.
Un peu comme je l’ai mentionné plus haut : crée ton safe space à travers les humains qui te font sentir le mieux, à travers une communauté au grand complet qui a ton back.
Lâche pas, you got this x
Bon article
Intéressant