As-tu déjà ressenti une détresse dans ta vie sexuelle par rapport à des difficultés qui persistaient ? Et si je te disais que les dysfonctions sexuelles sont assez fréquentes ? Pour faire suite à l’article Petite introduction aux dysfonctions sexuelles dites masculines, me revoilà pour explorer avec toi les dysfonctions sexuelles dites féminines.

Les informations décrites dans cet article s’appliquent à toute personne propriétaire d’une vulve, peu importe son genre. Cependant, plusieurs données scientifiques réfèrent encore aux hommes et aux femmes de façon binaire. J’utilise donc « femme » pour tenir compte de cette limite et « personnes » ou « population » lorsque les études ont bel et bien été réalisées auprès d’un échantillon plus diversifié et représentatif.

J’ai demandé à ChatGPT de me nommer les idées préconçues les plus répandues sur la sexualité des femmes. « Les femmes ne devraient pas exprimer ouvertement leurs désirs sexuels, devraient être passives lors des rapports sexuels et devraient se conformer à des normes de beauté et de corps spécifiques. » Et malgré tout, elles devraient toujours ressentir un désir sexuel intense, être en mesure de s’exciter facilement et atteindre l’orgasme sans difficulté. 

Oupelaye… Je pense qu’il est grand temps de remettre les pendules à l’heure. En effet, la réalité est bien différente, et surtout, beaucoup plus complexe que ça. Plongeons ensemble dans l’univers des dysfonctions sexuelles dites féminines afin de comprendre ce qu’elles impliquent réellement et d’où elles peuvent venir (petit indice : entre autres de ces superbes idées préconçues en début de paragraphe 😉).

Est-ce vraiment une dysfonction sexuelle ?

Une dysfonction sexuelle n’en est une que si elle cause de la détresse à la personne qui la vit. Si tu expérimentes certains symptômes que je vais décrire, mais que tu ne ressens pas d’émotions désagréables en lien avec ceux-ci, alors ce n’est pas un problème ! De la même manière, c’est normal de vivre certaines difficultés sexuelles par moment ; les symptômes doivent être présents pour un minimum de 6 mois pour qu’on parle d’une dysfonction sexuelle (American Psychiatric Association, 2022).   

Quelques troubles communs

Trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme

Le trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme est un diagnostic qui combine la baisse de désir (dans ta tête) et les difficultés d’excitation (dans ton corps). Ce trouble implique l’absence ou la réduction d’au moins trois des éléments suivants selon les informations de l’American Psychiatric Association en 2022 : 

  • L’intérêt pour les activités sexuelles
  • Les pensées ou fantasmes sexuels/érotiques
  • L’initiation à l’activité sexuelle et la réceptivité aux tentatives d’initiation du ou de la partenaire
  • L’excitation/le plaisir sexuel pendant l’activité sexuelle (au moins 75% du temps)
  • L’intérêt sexuel/l’excitation en réponse à tout indice sexuel/érotique
  • Les sensations génitales ou non génitales pendant l’activité sexuelle (au moins 75% du temps)

Au Québec, 10,4% de la population générale (toi, moi, ta cousine, mon voisin) et 18,9% de la population clinique (recrutée dans une clinique sexologique montréalaise) répondent aux critères du trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle (Lafortune et al., 2023). Environ 30 % des femmes feraient l’expérience continue d’un désir faible, mais seulement un quart d’entre elles éprouveraient une détresse personnelle (American Psychiatric Association, 2022).

Ce diagnostic ne fait pas l’unanimité puisqu’il regroupe l’intérêt (#désir) et l’excitation sous un même chapeau (Trudel, 2020). Bien qu’elles puissent cohabiter et se stimuler l’une l’autre, ce sont deux phases distinctes de la sexualité. Je t’invite d’ailleurs à lire Le désir sexuel : pourquoi varie-t-il ?, un article qui aborde notamment cette distinction entre l’excitation et le désir ainsi que les facteurs qui influencent ce dernier.

Trouble de l’orgasme chez la femme

Savais-tu qu’environ 10 % des femmes à l’international ne connaissent pas l’orgasme au cours de leur vie (American Psychiatric Association, 2022) ? 

Le trouble de l’orgasme chez la femme implique la présence (au moins 75 % du temps) d’un retard marqué, d’une rareté marquée ou d’une absence d’orgasme et/ou d’une intensité nettement réduite des sensations orgasmiques. 

Au Canada, on estime qu’environ 16 à 25 % des femmes âgées de 18 à 74 ans en souffrent (Lewis et al., 2010). Une étude québécoise rapporte quant à elle que 7% de la population générale (incluant les propriétaires de vulve et de pénis) et 18,6% de la population clinique répondent aux critères d’un trouble de l’orgasme retardé ou absent (Lafortune et al., 2023).

Alors que ce trouble peut être causé par une multitude de facteurs psychologiques, relationnels et physiques, il est aussi important de prendre en compte le contexte social (c’est-à-dire, le fait que l’orgasme féminin soit moins valorisé socialement, et donc qu’on dédie généralement moins d’attention ou d’effort au plaisir des femmes, particulièrement en contexte hétérosexuel). On t’invite d’ailleurs à lire cet article afin de mieux comprendre l’aspect social qui peut favoriser l’apparition, le maintien et la prévalence des troubles de l’orgasme.

Trouble lié à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration 

Toutes les femmes, à un moment ou à un autre de leur vie, peuvent vivre des douleurs lors des relations sexuelles. Souvent, c’est à cause d’un manque de lubrification (Dugal, 2021). Par contre, si ces douleurs persistent et engendrent une souffrance cliniquement significative, on parle alors d’un trouble. Selon le DSM-5-TR, le livre qui regroupe et décrit les diagnostics psychiatriques, la prévalence du trouble serait encore inconnue compte tenu de la nouveauté du diagnostic. Cependant, on sait que les douleurs lors des rapports sexuels affecteraient de 8 à 28 % des femmes ayant atteint la puberté (American Psychiatric Association, 2022).

Le trouble lié à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration (anciennement connu sous les noms de vaginisme ou dyspareunie) implique des difficultés persistantes ou répétées dans au moins un des cas suivants (American Psychiatric Association, 2022) :

  • Pénétration vaginale durant la relation sexuelle
  • Douleur vulvo-vaginale ou pelvienne marquée pendant la relation sexuelle ou lors des tentatives de pénétration
  • Peur ou anxiété marquée d’une douleur vulvo-vaginale ou pelvienne par anticipation, pendant ou après la pénétration vaginale
  • Tension ou crispation marquée de la musculature du plancher pelvien au cours des tentatives de pénétration vaginale

Si tu veux avoir plus de détails sur ce trouble, je t’invite à lire Les multiples visages de la dyspareunie et à consulter la publication suivante :

Pourquoi ça arrive ?

Voici une liste non exhaustive de certains facteurs qui peuvent expliquer la présence ou l’apparition d’une dysfonction sexuelle chez une personne propriétaire d’une vulve. Bien entendu, tous ces facteurs s’interinfluencent et peuvent s’accumuler. 

Ce qui se passe dans ton corps

L’excitation s’explique par un ensemble complexe de facteurs liés aux systèmes neurologique (contrôle des signaux nerveux), endocrinien (régulation des hormones) et vasculaire (circulation du sang). Un dérèglement dans un de ces systèmes peut donc affecter l’excitation. La grossesse, l’accouchement, l’augmentation de l’âge et la ménopause peuvent aussi augmenter les chances de présenter des difficultés d’excitation (mais c’est différent pour chaque personne !; Trudel, 2020).

Certaines maladies (par exemple des troubles thyroïdiens ou l’arthrite), diverses conditions gynécologiques (comme des problèmes découlant d’une hystérectomie) et des dysfonctionnements des muscles de la région pelvienne peuvent affecter le déclenchement de l’orgasme (Trudel, 2020). 

Certains médicaments peuvent également être à la source d’une dysfonction sexuelle (je t’en parle plus tard ↓). 

Ce qui se passe dans ta tête

L’organe sexuel le plus important, c’est le cerveau ! Ce que ça veut dire, c’est que le stress, certains troubles psychologiques, comme la dépression et l’anxiété, un historique de traumas sexuels ou émotionnels, tout comme la peur de perdre le contrôle et la difficulté à se laisser aller peuvent mener à des dysfonctions sexuelles. C’est par exemple normal d’avoir plus de difficulté à atteindre l’orgasme si tu viens de perdre ton emploi ou que tu vis le deuil d’un proche ; ta tête a peut-être d’autres priorités à ce moment. 

L’absence de fantasmes, une faible confiance en soi, une image corporelle négative et des conceptions perfectionnistes de la sexualité nuisent également à une sexualité épanouie (Trudel, 2020). Il me semble important de spécifier que la passivité ⎯ contrairement à ce que disent les idées préconçues sur la sexualité des femmes nommées plus tôt ⎯ peut être la cause de difficultés sexuelles (Trudel, 2020). En effet, connaître ton propre corps, savoir ce qui te fait plaisir et être en mesure de prendre en main ton plaisir (comme en te touchant durant un rapport ou en ayant recours à un jouet sexuel) peut grandement contribuer à ta santé et à ta fonction sexuelle.

Ce qui se passe dans ta relation

Les problèmes conjugaux, et particulièrement les difficultés de communication, peuvent favoriser l’apparition de dysfonctions sexuelles (Trudel, 2020). Dis-toi que la communication, c’est à la fois le carburant et le GPS : ça aide à starter la voiture et à se rendre à la destination souhaitée. 😉 Voilà d’ailleurs un article pour t’aider à exprimer tes préférences et tes besoins au lit, si tu voulais quelques pistes pour y arriver. 

Ce qui se passe dans ton environnement

Les interdictions et les tabous entourant l’activité sexuelle et découlant d’une vision négative et d’un manque d’éducation sexuelle ont aussi un impact important. Certaines fausses croyances et attitudes négatives peuvent être apprises et nuire à la fonction sexuelle. Par exemple, des pensées comme « je dois performer pour man partenaire », « je ne mérite pas ce plaisir », « mon plaisir n’est pas aussi important que celui de man partenaire » ou encore « la sexualité est honteuse » peuvent créer des blocages émotionnels et physiques rendant difficile l’attention au moment présent et l’abandon nécessaire à une relation sexuelle. Un répertoire restreint d’activités sexuelles peut aussi avoir un rôle à jouer. 

L’impact des substances et médicaments

As-tu déjà ressenti que tu avais une moins grande sensibilité au toucher ou une difficulté à lubrifier après avoir bu quelques verres d’alcool (Salari et al., 2023) ? Savais-tu qu’environ 50% des personnes prenant des médicaments antipsychotiques présentent des effets secondaires tels que des difficultés à ressentir du désir sexuel, à lubrifier ou à atteindre l’orgasme (American Psychiatric Association, 2022) ? Des perturbations cliniquement significatives de la fonction sexuelle peuvent en effet découler de la consommation de substances récréatives tout autant que de la prise de médicaments sous ordonnance. 

Petites précisions

  • Le diagnostic de dysfonction induite par une substance/un médicament s’applique tout autant aux propriétaires d’un pénis que d’une vulve.
  • Pour obtenir ce diagnostic, la dysfonction doit être apparue pendant ou peu après l’intoxication ou le sevrage d’une substance ou après l’exposition ou le sevrage d’un médicament.
  • Une fois l’usage de la substance/du médicament interrompu, la dysfonction sexuelle s’améliore ou disparaît en l’espace de quelques jours ou semaines.
  • Rappelle-toi qu’il est possible d’avoir du chemsex et que toute dysfonction sexuelle implique la présence prolongée de difficultés et une détresse ressentie. 

Ce qu’il faut retenir

Le plus important pour moi, c’est que tu saches qu’il est tout à fait normal de vivre certaines difficultés dans sa sexualité. Cela devient une dysfonction seulement si le problème perdure et que ça te crée de la détresse, c’est-à-dire si tu ressens que c’est un problème pour toi

Si c’est le cas, tu n’as pas à rester seul·e. Je t’invite à en discuter avec tan partenaire ou avec quelqu’un en qui tu as confiance. N’hésite pas à consulter les médecins, les sexologues et les psychologues spécialisé·e·s en thérapie sexuelle, iels sont formés pour t’aider. 

Pourquoi en parler ? Parce que la première étape vers une sexualité épanouie, c’est d’adresser les difficultés plutôt que de les éviter. Parce qu’une communication rompue peut être à la base de tes difficultés (souviens-toi, le carburant et le GPS). Et surtout, parce que plein de solutions existent.

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À propos de Daphné Blain

Rédactrice pigiste | Pronoms : elle/la | « Ils vécurent enfants et firent beaucoup d’heureux. » En d’autres mots, tu peux me croiser sur une piste de danse, dans un parc (direct couchée dans le gazon ou dans les jeux d’eau) ou en voyage quelque part dans le monde ! Doctorante en psychologie, j’espère vulgariser et rendre intéressants des sujets parfois complexes en lien avec la santé mentale et la sexualité positive. Bref, future psy et féministe, j’aime regarder la vie à travers des lunettes rose bonbon ! 

Une réflexion sur “Petite introduction aux dysfonctions sexuelles dites féminines

  1. Ève Collin dit :

    Salut, je cherche la référence de Trudel, 2020, sans succès ! Aurais-tu la référence complète par hasard pour que je puisse la trouver sur le web ? Merci !

    1. Daphné Blain dit :

      Bonjour Ève! Voici la référence complète de ce livre : Trudel, G. (2020). Les dysfonctions sexuelles : Évaluation et traitement par des méthodes psychologiques, interpersonnelles et biologiques (3e édition). Presses de l’Université du Québec.

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