Même si, quand on y réfléchit un peu, on se rend compte que le concept de la virginité est questionnable, on n’échappe pas au fait que la « perdre » est une étape de la vie chargée d’émotions. Derrière chaque expérience se cache une histoire unique, façonnée par la culture, les attentes, les découvertes et, souvent, les tabous.

On te propose de lever le voile sur ce moment intime en plongeant dans les souvenirs de quelques braves qui nous racontent leur première fois.

Traumavertissement : témoignages de relations où le consentement est flou, de rapport de pouvoir entre adulte et adolescent·e.

Plotte twist

J’avais tout juste 16 ans et il en avait 23. Ça faisait quelques mois qu’on se tournait autour. On s’était rencontré·e·s au Superclub Vidéotron. Il y travaillait, je l’avais approché. Comme le veut la tradition, il avait une blonde de longue date dont j’espionnais la moindre activité sur Facebook, nuit et jour. J’avais peur de rien, à 16 ans.

Des fois, on dormait ensemble, mais on ne « faisait rien ». Il dormait, devrais-je dire, pendant que je restais éveillée à le fixer et à scruter les moindres détails de son visage, incrédule qu’il y ait un homme en boxer dans mon lit d’adolescente. 

Je portais un chandail trop grand avec un ours polaire qui boit une slush dessus pour cacher mes courbes (et par courbes, je veux dire mes bourrelets), ça pis des bobettes mauves. J’avais jamais vu de pénis de ma vie, même pas de pénis de porn, parce que l’internet se rendait moyen dans mon rang. Il s’est réveillé, on était rendus le matin, j’ai pas eu le temps de refermer mes yeux et de faker de dormir, il a bien vu que je le fixais complètement buzzée sur les phéromones.

À la surprise générale, il m’a prise par le chandail slushie, m’a approchée contre lui, a dit « viens ici ». C’était mon premier french, mon premier dry hump, ma première fellation, mon premier rapport pénétratif et non protégé. J’ai jamais été quelqu’un qui y allait full graduellement de toute façon. J’ai pas ressenti grand-chose au niveau de mes organes génitaux. Toutes les sensations se concentraient dans mon bas ventre et dans mon cerveau.

Après ça, j’ai pleuré un bon coup, je me suis cogné la tête sur le bord du lit, j’ai dit hahaha ayoye tabarnak, j’ai fait un commentaire sur les vitres exagérément embuées de ma chambre, je me suis recogné la tête au même endroit encore plus fort, il a dit ben voyons ça va tu, j’ai dit oui pis non, il a dit okay, mais dis-le pas à personne, j’ai dit pourquoi, il a dit tu as 16 ans j’en ai 23

– Margot Chénier

Les rêves qui ne deviennent pas réalité

J’ai toujours pensé que ma première relation sexuelle allait être dans une chambre avec un lit à baldaquin entouré de chandelles sentant la vanille, une grande fenêtre donnant sur le coucher du soleil et… des orgasmes. Les livres de Nicholas Sparks et Danielle Steel m’ont joué un bon tour.

J’avais 15 ans et j’étais en couple avec un garçon de 18 ans qui était mon coach de soccer. Ce n’est qu’après plusieurs années que je me suis rendu compte que, côté consentement et relation d’autorité, ma première relation était douteuse.

Comme dans mes rêves les plus fous, ma première fois s’est déroulée un mardi après-midi en plein mois de juillet, dans un sous-sol sans air climatisé. Nous nous étions installés sur un futon déplié des plus inconfortable, avec des draps dégageant une odeur de garde-robe de cèdre et d’humidité : une odeur qui ne faisait pas partie de mes premiers choix quand je magasinais chez Dans mon jardin.

Bien que mon compagnon fût doux, attentionné et entrecoupait le silence malaisant pour me demander si ça allait ou si j’étais bien, la relation sexuelle en tant que telle fut inconfortable et douloureuse. Les préliminaires et la lubrification naturelle brillaient par leur absence, ce qui rendait le tout interminable. Contre toute attente, mon orgasme aussi était absent.

Je m’étais préparée à vivre une expérience excitante, agréable et je pensais qu’atteindre l’orgasme allait être naturel. Mais, l’inconfort et la douleur que j’ai vécus m’ont laissé avec un sentiment de déception et d’échec, et m’ont longtemps fait sentir comme si je n’étais pas normale ou assez douée.

– Sophie Bouchard

Apprendre à s’aimer tout nu

Lieu : le sofa-lit du sous-sol de chez sa mère. 

Complice : la télévision allumée sur O.D. 2009. 

C’est en tant que pubère garçonnet que je venais de conquérir le cœur de Joëlle, mon gros kick du secondaire. La première personne à m’aimer assez pour considérer l’idée de s’mettre toute nue devant moi. À 15 ans, j’étais relativement gêné de dévoiler mon corps (same à 30 ans). Ayant été un ado en surpoids, mon manque d’estime de moi m’empêchait de m’offrir intégralement à celle que j’croyais être « la femme de ma vie ». J’ai fini par passer par-dessus mes complexes : mes vergetures accaparantes, ma peau qui ne catche pas ma récente perte de poids et le fait que je n’aie absolument aucune idée de « comment faire le sexe ». J’étais certainement prêt, mais j’avais des appréhensions. Qu’est-ce qu’on va faire ? Comment commence-t-on la game ? C’tu comme la porn pis que j’dois grogner pis dire des trucs weirds 

Fun fact : bandé, c’est rare que t’as peur. Mes craintes de gars de 15 ans ont disparu assez rapidement au moment de ma première fellation. Naturellement, sa mère était présente dans la maison au moment des faits. Classique d’ados insouciants qui vont monter bouffer une collation border-bandés. Honnêtement, je m’en torchais royalement. Les messages cochons échangés sur nos p’tits cells LG avec le clavier qui slide m’avaient rendu énervé jusqu’au fond de mes boxers soigneusement choisis pour l’occasion. Ils devaient être laids et malaisants, mais l’intention était noble.

C’était ma première fois, mais pas la sienne. Elle avait eu un chum longtemps (genre 3 mois) et ils avaient eu le temps de s’exercer à quelques occasions. Ça aussi, j’m’en torchais. J’pense que j’étais juste amoureux et allumé par l’idée de découvrir un univers qui m’attirait depuis longtemps. Grand romantique à l’adolescence (same à 30 ans), j’voulais pas que la soirée finisse. J’voulais qu’on ait une pédago le lendemain, qu’il pleuve pis qu’on pratique notre nouvelle choré.

Bref, j’ai trippé raide. J’ai le souvenir d’avoir reçu/offert ce que je considère encore à 30 ans comme le plaisir instantané le plus sain, naturel et vivifiant qui soit. Je m’estime chanceux d’avoir connu la sexualité en même temps que l’amour. 

On est chanceux d’aimer, surtout tout nu.

– Antoine Durocher

Un après-midi en 2003

J’avais 12 ou 13 ans, c’est flou. Le secondaire était extrêmement difficile pour moi. J’avais très peu d’ami·e·s, mon corps était hors des standards de beauté de l’époque et je vivais de l’intimidation depuis la 6année. Au retour de l’école, je me réfugiais dans le paradis de la validation des années 2000 : l’ancienne plateforme Tinder nommé do you look good. On y évaluait le look et le physique d’une personne avec une note sur 10 (effrayant, je sais).

C’est sur ce site que j’ai rencontré Brian, 18 ans. À travers mes yeux de très jeune adolescente, je le trouvais tellement beau, tellement cool… Mais qu’est-ce qu’on avait en commun ? Pas grand-chose, excepté peut-être le fait qu’il apportait de la lumière sur les parties les plus sombres de moi, celles dans lesquelles je n’arrivais pas à être vue ni entendue, autant dans ma vie à l’école qu’à la maison.

À notre deuxième rencontre, il m’avait invité chez lui et m’avait demandé de passer par la fenêtre du sous-sol, car sa famille était dans la maison. Je ne comprenais pas pourquoi il tenait tant à me cacher.

Je suis rentrée dans sa chambre, j’étais stressée. Je ne savais pas ce qui allait se passer, mais j’avais un besoin immense d’exister à travers les yeux d’un homme. Il m’a embrassée et m’a déshabillée, je ne savais pas trop quoi faire. Il y avait de la musique, pour camoufler nos bruits, mais malgré tout, l’ambiance était froide, silencieuse avec très peu de chaleur. Il mettait sa main sur ma bouche pour que l’on ne m’entende pas. C’est à peu près tout ce dont je me rappelle. Quand ce fut fini, je suis restée quelques minutes à essayer de comprendre ce qui venait de se passer. J’ai dû quitter ce moment de vulnérabilité un peu comme une voleuse en me faufilant encore une fois par la fenêtre pour quitter sa chambre. Les jours suivants, j’ai eu de moins en moins de contacts avec lui, il ne me répondait plus vraiment. J’ai eu ma première peine de cœur.

Je réalise en vieillissant à quel point j’étais vulnérable et qu’il en a profité. C’est une expérience traumatique pour une personne qui sort à peine de l’enfance et ça aura teinté ma vision de l’intimité et de la sexualité pendant longtemps.

La virginité est un concept patriarcal et misogyne donc j’arrive avec rationalité à comprendre que cette expérience ne définit pas qui j’étais et qui je suis. Je vois tranquillement ma sexualité comme une renaissance dans laquelle j’ai envie de créer un environnement intime, sécuritaire et bienveillant avant d’avoir de la sexualité avec quelqu’un. C’est le safe space que j’ai choisi pour moi. Notre sexualité évolue et change, et c’est parfait comme ça. Je le fais pour la femme que je suis et aussi pour l’enfant intérieure en moi qui en aurait eu besoin pendant cet après-midi en 2003.

— Émilie Potvin

Bon débarras

C’est gênant, être vierge à 18 ans. Évidemment, j’ai compris plus tard que ce ne l’est pas vraiment. Mais cet été-là, cette pensée obnubilait mon esprit de jeune adulte.

Ce n’est pas comme si je n’avais pas eu l’occasion ou l’idée d’essayer le sexe depuis quelques années. J’avais un chum depuis un petit moment. Ça lui tentait, ça, c’était très clair, même omniprésent. Mais ça me faisait peur, un pénis. Peut-être parce que j’étais trop pudique, que je n’avais jamais regardé de porn comme la majorité des adolescent·e·s ou que le documentaire sur l’exploitation sexuelle qu’on avait écouté en famille quand j’avais 10 ans avait un peu trop teinté mon idée du sexe.

Sauf que j’avais assez traîné. Mes nouvelles amies, beaucoup plus déniaisées que moi, commençaient à me poser des questions et j’avais menti pour m’éviter la honte, redoublant ainsi mon sentiment d’urgence :

« Faut que je me dévierge, ça presse », me dis-je.

Quelques jours plus tard, l’affaire était réglée. Étions-nous dans son lit ou sur le divan du sous-sol ? Le soir ou le matin ? Aucune idée. Tout ce qui me reste comme souvenir de ce moment, c’est le sentiment de soulagement qui le suivit : enfin, je n’étais plus vierge.

– Anonyme

Bribes de corps découplés

Ma première fois. Une fois comme une autre, au fond. On perd si vite le fil du temps qui passe et efface ce qui, à l’époque, paraissait (et était dit être) d’une énorme importance. Mais, l’hiver de mes quatorze ans, j’étais déterminé·e à le vivre depuis ce qui me semblait être déjà longtemps. Je me masturbais depuis toujours, j’imaginais des sessions de make out torrides dans la douche quand j’avais six ans en fantasmant à propos de garçons en deuxième année alors que je n’étais qu’en première. Je n’ai vécu mon premier baiser véritable qu’en secondaire un, et encore, c’était mou et moite et loin de satisfaire mes envies (pré ?)matures de passion. N’empêche que l’une de mes meilleures amies, flamme inatteignable, m’avait partagé avoir fait l’amour avec sa blonde quand elles n’avaient que douze ans. Ça m’étonnait, ça me captivait, je l’enviais dur.

Deux ans plus tard, je suis tombé·e en « vrai de vrai » amour une première fois (reconnue, du moins) — avec un gars. Après un échelonnage graduel de sessions de french, de vêtements ôtés presque à reculons avec quelques tapes sur les doigts (pour la forme, il faut croire), et de gloussements accompagnant mon dialogue interne qui suivait tout sauf ce qui se passait à l’instant, nous nous sommes lancé·e·s.

C’était hésitant, ces gestes que nous ne connaissions pas et qui semblaient trop évidents et quasi grotesques. Je me souviens davantage des intermèdes de repositionnement incommodes et du sentiment de la lourdeur de son corps déconnecté du mien et pourtant dans mes bras alors qu’il me pénétrait. C’était correct. Ça a fait un peu mal, mais la nervosité était plus un heurt dans notre parcours que cette douleur du début. Il avait du mal à garder son érection avec le stress, et moi je trouvais toute la situation marrante à en pouffer de rire. Expérience ridicule, sordide, tellement détachée de ce à quoi la vie préparait nos attentes. Je riais de combien on faisait pitié, mais c’était exactement ce qui allait se passer entre des ados en amour qui voulaient juste finalement le faire, cet amour mythique et banal. On s’aimait, mais on ne le sentait pas tant à ce moment. Un moment par-dessus lequel il fallait tout simplement passer pour atteindre une certaine habitude, avec laquelle viendraient d’autres occasions où nos corps pourraient mieux s’agencer et s’apprécier.

Après cette première fois, il y en eut d’autres. Avec d’autres personnes, d’autres identités de genre(s) et d’autres corps, d’autres gestes et désirs, d’autres circonstances et d’autres attentes, déçues ou atteintes. Il y en a souvent encore aujourd’hui, quinze ans plus tard, entre des corps qui vieillissent et des esprits qui redéfinissent ce que peut être « faire l’amour », sexuellement ou non. Elles sont toutes autant parsemées de rires, de malaises, de sons étranges, de bifurcations et d’interruptions. On est loin de la perfection — mais comme c’est bon d’apprendre !

– Anonyme

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À propos de Laurence Gribling

Rédactrice | Pronoms : elle/la | Fan de café, féministe intersectionnelle, cat lady, et nomade à mes heures, j’ai porté plusieurs chapeaux avant de prendre celui de rédactrice en chef pour JUST A LITTLE FUN. Entre deux jeux de mots et une référence de culture pop, j’espère aider à changer les normes, à éclaircir les tabous, bref, à shaker un peu la sexualité pour la débarrasser de ses chaînes, un article à la fois.

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