Plonge avec nous dans le monde du sugar dating, cet univers souvent présenté dans les extrêmes, qui fait peur et fascine à la fois.

Entre les documentaires qui parlent d’histoires d’horreur et les vidéos de voyages toutes dépenses payées dans un jet privé sur les réseaux sociaux, ça ressemble à quoi être sugar baby ? On a voulu savoir — et qui de mieux pour répondre à nos questions qu’une personne directement concernée. 

On s’est donc entretenu.e.s avec Alex*, une sugar baby de 28 ans dont l’entrée dans le monde du sugar dating s’est faite à l’été 2020. 

Qu’est-ce que le sugar dating ?

Le sugar dating, ça fait généralement référence à une relation entre une personne plus âgée et bien nantie (un sugar daddy ou une sugar mommy) et un.e jeune adulte qui souhaite bénéficier de l’influence monétaire et/ou sociale de cette dernière (un.e sugar baby).

Ce profil « typique » de l’homme plus âgé, seul, sans proches, qui a beaucoup d’argent et qui est en quête d’affection, Alex l’a vu sur le site sur lequel elle est inscrite. Mais elle a aussi interagi avec des gens bien différents. « Des fois, j’ai l’impression d’être sur Tinder », nous raconte-t-elle, « parce que j’ai vu des gens qui avaient quasiment mon âge, […] début trentaine, célibataire, qui paraissent bien et qui veulent entretenir quelque chose. […] Je me sentais vraiment comme sur une application de rencontre divers, sauf que ces gens utilisent leur argent comme atout. » On y trouve donc toute sorte de monde.

D’ailleurs, si on se fie aux sites de rencontres dédiés à ce type de relation, ça se veut être une expérience de dating « normale », avec le bonus que les sugar babies obtiennent un soutien financier en échange de la relation. Paiement du loyer, cadeaux luxueux, allocation mensuelle, sorties dans les meilleurs restos ou carrément être payé.e pour le temps passé ensemble : tout est possible selon l’entente. 

Alex remarque que plusieurs sugar dads et moms souhaitent entretenir une relation avec leur sugar baby, qu’elle soit amicale ou amoureuse. Parce que oui, les relations amoureuses peuvent se développer sur des sites de sugar dating. Une amie d’Alex l’a vécu. Elle a été en relation de couple ouvert pendant un peu plus de 5 ans avec un sugar dad avec qui elle avait développé une bonne chimie. Une belle relation qui s’est terminée comme bien d’autres : quand les deux personnes prennent des chemins différents. 

Relation ou travail du sexe ?

Difficile de ne pas se sentir tenté.e quand on entend ces histoires à succès, mais il ne faut pas oublié que dans les faits, le sugar dating devient souvent très vite un échange de services sexuels et ce, même si ce genre de sites de rencontres décourage la pratique.

On peut dire que la ligne entre travail du sexe et sugar dating est plus que floue, et donne lieu à une zone grise. Mais ça n’empêche pas des millions de sugar babies de s’inscrire sur les sites facilitant les rencontres de ce genre.

Pour Alex, pas d’ambiguïté : le sugar dating, c’est une forme de travail du sexe. C’est en parlant avec des ami.e.s, elleux-même dans le milieu, qu’elle a décidé de faire le saut — mais à distance.  

Très à l’aise avec sa sexualité, elle s’est donc créé un profil sur un site de sugar dating dans l’objectif de voir jusqu’où elle l’était, mais aussi pour joindre l’utile à l’agréable : se réapproprier son corps, parler de sexe et, au passage, arrondir ses fins de mois. Tout ça en respectant sa limite de ne pas rencontrer en personne.

Bien qu’elle se soit créé son profil il y a bientôt deux ans, c’est seulement récemment qu’elle a commencé à entretenir une relation avec un homme, un sugar dad, qui lui a été référé par une amie. Quel genre de relation ? « T’sais Kat de Euphoria, c’est un peu ça, sans le masque de chat. »

Elle domine donc cet homme à l’occasion, par vidéo exclusivement, souvent les soirs de semaines après son emploi à temps plein.

« Parler de sexe, donner des ordres à quelqu’un par vidéo et en tirer de l’argent, c’est quelque chose que je suis super à l’aise de faire. Ça peut paraître bizarre comme comparaison, mais c’est quelque chose que j’apprécie faire autant que de la couture, par exemple. » 

Elle ajoute qu’elle trouve important de permettre à des gens ayant des kinks d’en parler ouvertement, sans se faire juger, et que c’est aussi cette dimension humaine du sugar dating qui l’intéresse.

Une pratique populaire

Outre les sites comme Seeking Arrangement, un leader dans l’industrie du sugar dating, qui disent compter plus de 20 millions de membres, il suffit d’une petite recherche sur les médias sociaux pour se rendre compte à quel point ce genre de relation est un vrai phénomène. Sur Tiktok, les vidéos à propos du sugar dating abondent et fonctionnent bien.

#sugardating — 86,9 M vues

#sugardatingtips — 22,5 K vues

#sugarbabytips — 36,7 M vues

#sugarbabytiktok — 60,2 M vues

#sugarbaby — 1,2 G vues

1.2 milliards de vues seulement pour ce dernier hashtag… On peut dire que les réseaux sociaux sont de véritables coffres à outils remplis d’information par rapport à ce genre d’échange.

Comment se bâtir un bon profil, quel genre de oufit porter, vlog sur la séance de magasinage toute payée, les reds flags auxquels il faut faire attention — on peut trouver toute sorte de trucs et astuces pour naviguer l’univers du sugar dating, en quelques clics.

Du contenu et une plateforme qui rejoignent pile-poil l’auditoire cible propice à devenir sugar baby — 41 % des usagers de Tiktok sont âgés de 16 à 24 ans. À voir toutes ces success stories et comment y arriver, c’est tentant de se créer un profil sur les sites de rencontre et de voir si on ne pourrait pas soi-même se faire donner un sac Chanel. Surtout quand on est étudiant.e à l’université ou qu’on commence sur le marché du travail.


Vraiment si payant ?

Évidemment, tout est subjectif. Mais les montants sont certainement plus alléchants que le salaire horaire du/de la caissier.ère au dépanneur du coin. Tout dépend aussi du genre d’arrangement qu’on est prêt.e à avoir. 

De manière générale, les rencontres en personne sont plus payantes que celles par vidéo. Surtout si l’on inclut le repas au resto, la bouteille de vin, les cadeaux que lea sugar baby peut se faire offrir. Le salaire varie également en fonction de jusqu’où on est prêt.e à aller — mais de là découle directement la question de subjectivité. Est-ce que la relation sexuelle complète (ou peu importe l’acte) vaut vraiment l’argent reçu ? À chacun.e son opinion et son rapport risque/rendement. 

Pour Alex, étant donné que le sugar dating est un side job et qu’elle trouve celui-ci plutôt divertissant, le jeu en vaut la chandelle. Si elle réduit considérablement ses risques en n’acceptant que des rencontres vidéos, elle mentionne cependant qu’il est beaucoup plus difficile de trouver des client.e.s qui acceptent de ne s’en tenir qu’à une relation par caméra. Même si son profil est clair (pas de rencontre en personne), les demandes autres se font fréquentes : voyages, sorties au restaurant, demandes de s’engager à avoir des dates en personne de façons régulières ou carrément d’avoir des rapports sexuels…

Oui, être sugar baby peut être très profitable, mais Alex ajoute que « si tu bâtis une grande partie de ton revenu et de ton budget en fonction de tes rencontres avec des sugar dads/moms, ça peut devenir difficile ». Pour quelqu’un dont le sugar dating est le revenu principal, respecter ses limites ou refuser un rendez-vous peut certainement devenir compliqué, et faire fit des red flags parce que le montant d’argent en jeu est trop important peut devenir tentant.

De son côté, elle est beaucoup plus libre de ses choix, ne dépendant pas de son sugar dad pour vivre. S’il lui écrit pour « jouer », mais qu’elle n’en a pas envie, elle sait que dire non ne lui créera pas un stress financier — un privilège que d’autres travailleur.euse.s du sexe n’ont pas toujours et qui peut les mettre en position plus vulnérable.

Une réalité méconnue

Toute dynamique de pouvoir entraîne inévitablement certains risques. C’est d’ailleurs ce que les nombreux documentaires sur le sujet mettent de l’avant. Exploitation sexuelle, agressions, fraudes… toutes des histoires d’horreur qui, on ne peut le nier, sont malheureusement présentes dans l’industrie. Alex le sait très bien: des connaissances en ont elles-même été victimes.

Mais entre les extrêmes d’horreur et de glamour montrés dans les médias, il existe un juste milieu : de jeunes adultes, comme elle et son entourage actuel, qui sont relativement bien dans l’univers du sugar dating, qui profitent de l’opportunité pour s’amuser, se découvrir, avancer dans la vie, ou se donner une chance à un futur meilleur — ou simplement à un souper 5 étoiles. Et surtout, qui le voit vraiment comme un emploi. Un emploi qui ne vient cependant pas avec un cours de santé et sécurité au travail et pour lequel on doit se fier beaucoup sur son instinct pour le faire avec précaution.

« Faut qu’on arrête de soit faire super peur, soit full encourager, pour mettre ce temps d’antenne là, si on veut, sur le fait qu’il y a des façons de se protéger et c’est important de les connaître, ces façons-là. C’est important de savoir quoi faire et justement, c’est en en parlant qu’on s’éduquera. »

Sex work is work, et celleux qui le pratiquent n’ont pas nécessairement un fusil sur la tempe — il est plus que temps de l’admettre et de l’accepter !

Si tu décides de te lancer dans l’univers du sugar dating

Conseils généraux

N’utilise pas ton vrai nom.
Ne dévoile pas tes liens avec d’autres sugar babies à qui que ce soit (pour t’aider à garder l’anonymat).
Plusieurs sites offrent la possibilité d’avoir des albums de photos privés. Garde tes photos plus osées dans ces albums pour avoir le contrôle de qui peut les voir.  
Ne t’isole pas dans ton travail. « Trouve des gens autour de toi avec qui ta vie de travailleur.se du sexe ne sera pas tabou, avec qui tu pourras parler de tes inquiétudes et tout, et qui, eux, ayant une vue de l’extérieur pourront te dire “ça, ça me semble un peu risqué”. Ça te permettra d’échanger avec eux et ça va t’aider à y voir plus clair un peu sur la relation que tu es en train d’entretenir. »
Écoute ton instinct : si une situation te semble dangereuse, fais attention.

Si tu rencontres en personne

Envoie toujours ta position à un.e ami.e.
Informe quelqu’un par rapport à où tu vas, quand tu commences et quand tu finis.
Ne rencontre jamais un.e client.e chez toi.

Un merci tout spécial à Alex* pour son temps et son témoignage.

*Le nom a été modifié pour conserver l’anonymat.

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À propos de Laurence Gribling

Rédactrice | Pronoms : elle/la | Fan de café, féministe intersectionnelle, cat lady, et nomade à mes heures, j’ai porté plusieurs chapeaux avant de prendre celui de rédactrice en chef pour JUST A LITTLE FUN. Entre deux jeux de mots et une référence de culture pop, j’espère aider à changer les normes, à éclaircir les tabous, bref, à shaker un peu la sexualité pour la débarrasser de ses chaînes, un article à la fois.

Une réflexion sur “Entrevue avec une sugar baby

  1. Solider dit :

    Pourquoi sais plus rare d’avoir une sugermamy que d’un sugardady

  2. massartdorothee dit :

    Je voudrais me lancer dans cet univers travaille déjà dans la prostitution en tant que angie

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