Cet article se veut informatif et réflexif. Il est basé sur des données qualitatives recueillies par mon expérience professionnelle et académique. Je te raconte la façon dont, moi, du haut de mon intérêt sans mesure et de ma curiosité ambivalente, j’ai intégré la relation d’aide auprès de gens ayant des fantasmes envers les personnes mineures et encore plus. Je t’explique comment, initialement, j’étais confrontée à mes préjugés, pour ensuite évoluer vers une passion profonde basée sur une ouverture grandissante et une empathie nouvelle du phénomène.
Entre moi et mes préjugés
Dès mes débuts en intervention psychologique, la lutte contre les crimes sexuels était pour moi un domaine d’intérêt. La sphère préventive couverte par Ça suffit rejoignait directement le secteur d’activité dans lequel je voulais m’engager, fortement emballée par l’idée d’être l’une de celleux qui contribuent à la prévention des comportements sexuels délictueux.
En octobre 2023, c’était mon premier quart en tant que bénévole pour la ligne d’écoute de Ça suffit, ma saucette initiale dans le bain des troubles paraphiliques. Pour te mettre en contexte, Ça suffit est un projet dont la mission est d’offrir, par le biais de services et de professionnel·le·s diversifié·e·s, un soutien significatif dans le but de réduire la souffrance émotionnelle liée aux fantasmes sexuels envers les personnes mineures et tout autre type de fantasmes socialement inacceptables (exhibitionnisme, voyeurisme, violence sexuelle…). Fébrile, je ne savais pas à quoi m’attendre pour mon premier shift… De l’agressivité de la part des utilisateur·rice·s ? Des commentaires déplacés ? Des menaces ? Des gens antisociaux, marginaux qui peinent à trouver leur place en collectivité ? Du haut de mes 24 ans, j’étais encore une fois tombée dans le panneau de mes idées préconçues, celles qui m’avaient été inculquées tout au long de mon développement.
ERREUR, ce n’était pas pantoute la réalité… Plus mes heures de bénévolat augmentaient, plus je saisissais la détresse et le désespoir de ces personnes qui souffraient d’enjeux liés à leur sexualité, une sphère si influente de la vie humaine. On accepte les maux physiques, mais on condamne, on démonise ceux psychologiques…SURTOUT ceux qui touchent l’univers de la sexualité. De cette expérience émergente, je me suis décidée à faire de ma fascination pour les désordres sexuels, le moteur d’un combat personnel et social contre la stigmatisation des troubles paraphiliques.
Reconnaître l’apport sociétal
Parlons d’abord du concept de déviance sexuelle, en toute distinction de ce qui concerne l’intérêt sexuel envers les personnes mineures.
Depuis le premier âge, nos sociétés se forment et se distinguent par l’imposition active d’une structure de ce que devrait ou ne devrait pas être la sexualité. Elles nous imposent des normes qui, lorsque contrées, condamnent l’individu à l’étiquette de déviant sexuel.
Une déviance sexuelle, ou paraphilie de son appellation médicale, correspond à toute pratique sexuelle étiquetée « hors normes » dans un contexte sociétal ou historique spécifique.
Mais les temps changent et les mentalités évoluent : il n’y a pas si longtemps, on identifiait comme ayant une déviance sexuelle, les gens qui jouissaient du plaisir fuego du sexe oral, tout comme on criminalisait la pénétration anale. On va se le dire, le concept de déviance sexuelle c’est une affaire sociétale qui change et qui évolue en fonction de ce qui est considéré comme un comportement sexuel préférentiel inusité, dans une société précise ou encore à une époque donnée.
Obviously, ce n’est pas coulé dans le béton tout ça… Même que, c’est le fruit d’une subjectivité dont l’impact prend vie dans sa capacité nocive à convaincre le commun des mortels que ses pratiques ne sont pas normales (selon la société, bien entendu).
La souffrance, un paramètre trop souvent oublié
Ensuite vient le trouble paraphilique, une notion souvent confondue avec celle de paraphilie, que l’on a définie plus haut. Bien qu’il prenne son essence dans un intérêt sexuel en déviation avec la norme, celui-ci doit respecter certains critères pour être considéré pathologique2. En gros, pour être qualifiée comme un trouble, la paraphilie doit causer de façon concomitante une altération du fonctionnement chez l’individu ou une détresse significative, sinon, en être une dont la satisfaction a entraîné un préjudice personnel ou envers autrui (APA, 2013, p.808). Bref, on souffre des troubles paraphiliques, on ne prend pas plaisir à vivre avec, CE N’EST PAS UN CHOIX.
2 Qui a trait à la maladie, qui est dû à une maladie (Larousse, 2020)
Lutter contre les fausses croyances
Bien que l’on observe une déconstruction graduelle de certains tabous nuisibles à la prévention des crimes à caractère sexuel, plusieurs mythes persistent et contribuent à la stigmatisation des populations qui composent avec des troubles d’ordre paraphilique. Ayant moi-même confronté mes idées préconçues, je te propose à ton tour de mettre à l’épreuve les tiennes, en déconstruisant ici divers mythes tenaces. En voici quelques-uns, exprimés et déconstruits.
5 mythes à déconstruire
Mythe 1 – Les individus qui commettent une agression sexuelle sur un·e mineur·e sont automatiquement des pédophiles.
FAUX
En général, on identifie systématiquement et à tort une personne qui commet une agression sexuelle envers un enfant à la pédophilie. Or, seule une minorité des auteur·e·s d’agressions sexuelles sur un·e mineur·e correspondent aux critères diagnostiques de la pédophilie.
Mythe 2 – Tous les pédophiles passent à l’acte.
FAUX
En réalité, la majorité des gens souffrant de pédophilie ne passent pas à l’acte. Le profil le plus commun de pédophile est l’abstinent, soit celui qui n’agit pas sur ses pulsions sexuelles (Review, Garant, 2022).
Mythe 3 – TOUS les individus composant avec la pédophilie ne veulent pas s’aider et n’ont aucune considération des dommages que leurs actions causent autour d’eux.
FAUX
De par les nombreuses utilisations de la ligne téléphonique, du service de clavardage et des modules d’autoassistance offerts par l’organisme Ça suffit, on constate que plusieurs personnes vont chercher VOLONTAIREMENT de l’aide dans le but de réduire leur souffrance associée à leurs fantasmes et, par le fait même, d’éviter le passage à l’acte. La réalité, ce n’est pas que ces personnes ne veulent pas s’aider, mais plutôt que l’offre de services pour ces gens est limitée et que la stigmatisation sociale contribue à entretenir cette fausse croyance.
Mythe 4 – Seules les personnes assignées hommes à la naissance peuvent souffrir de pédophilie.
FAUX
Bien que le regard social sur la pédophilie invisibilise les violences sexuelles commises par les personnes assignées femmes à la naissance, celles-ci existent réellement. Bien que plus rare, la pédophilie féminine est un phénomène réel.
Mythe 5 – Les personnes qui ont une attirance envers les mineur·e·s ne peuvent pas avoir de famille, de travail important et d’ami·e·s.
FAUX
Contrairement à ce que l’on croit, même les gens ayant un travail valorisé socialement, une famille conforme aux modèles familiaux normalisés et un cercle d’ami·e·s acceptable peuvent avoir des fantasmes envahissants envers les personnes mineures.
La stigmatisation et sa contribution dans le maintien de la problématique
En entrant en relation d’aide avec des personnes qui s’ouvrent sur leur mal être profond, surtout dans le cas où celui-ci se rapporte, d’un point de vue social, à la plus grande noirceur des déviances sexuelles, j’ai constaté la sombre influence de la stigmatisation. Peur d’être jugé·e·s, crainte d’être agressé·e·s verbalement ou physiquement par les professionnel·le·s, terreur de voir son identité dévoilée par confidentialité rompue, voilà des raisons de ne pas demander d’aide en contexte de comportements sexuels socialement inadmissibles.
Comme le démontre si bien l’effet domino, en raison des nombreuses situations stigmatisantes vécues par les personnes vivant avec un trouble paraphilique, l’isolement est une réaction consécutive qui mène l’individu à éviter la recherche d’aide, un évitement qui à son tour augmente le risque de passer à l’acte et donc, qui fait grimper le nombre de victimes.
C’est le monde à l’envers, non ? On stigmatise par frustration un phénomène que l’on souhaite voir cesser plutôt que d’employer des comportements, bien que plus exigeants sur le plan réflexif, qui nous permettraient d’amoindrir le nombre de crimes sexuels. En tant qu’individu, il serait donc judicieux de réfléchir à la manière dont on peut travailler nos perceptions dans le but de modifier nos attitudes et, conséquemment, d’entreprendre des actions qui seront favorables à la diminution des victimisations sexuelles. Rappelle-toi, c’est en changeant une mentalité à la fois qu’on peut un jour envisager un changement d’envergure.
« Être »
Nous, les êtres humains, sommes construits de plusieurs facettes ; certaines sont plus obscures et douloureuses, tandis que d’autres sont plus lumineuses et joyeuses. De par cet amalgame riche en diversité, l’individu brille de complexité. Mon expérience de bénévolat m’a vite fait comprendre que de restreindre une personne à ce qui ternit sa brillance, c’est la priver de ses multiples facettes, celles qui lui confèrent sa richesse. Sur ces mots suscitant la réflexion, je t’invite réfléchir à comment tu peux, toi aussi, contribuer positivement à contrer les tabous sexuels collectifs, ceux qui nous limitent au socialement tolérable et qui nous réduisent à la modestie d’une parcelle de ce qu’est l’étendu de l’érotisme.
Ah et, je te laisse ici le lien d’une vidéo qui te permettra de mieux contextualiser l’ampleur d’un des plus grands tabous dans notre société.
Comment joindre Ça suffit
Si tu connais quelqu’un qui a besoin de soutien ou, encore, si toi-même tu as besoin d’aide, voici comment joindre Ça suffit :
- Par téléphone au 1-844-654-3111
- Sur le clavardage en ligne au https://casuffit.info/nous-contacter/#
- Par courriel au casuffit.info@gmail.com
- Sur les réseaux sociaux tels que Facebook, LinkedIn et Instagram.
Les heures d’ouverture de la ligne d’écoute et du clavardage sont de 9 h à 18 h, du lundi au jeudi.
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