J’aimerais débuter l’article avec un avertissement. On va parler de délinquance sexuelle et d’auteurs de crimes sexuels. Ça se peut que ça te fâche ou que ça te brasse en dedans. C’est tout à fait normal. Ce n’est pas un sujet facile, mais je vais essayer d’y aller tout en douceur.
Si le cœur t’en dit, joins-toi à moi le temps qu’on mette les bases et qu’on clarifie certaines informations. Peut-être même qu’à la fin de l’article, tu auras le goût de t’informer davantage et d’avoir des discussions intéressantes avec les gens autour de toi.
Qu’est-ce que la délinquance sexuelle ?
La délinquance sexuelle est un concept assez large qui englobe une multitude de sujets. Selon les sources, la définition peut varier grandement et il n’y a pas de consensus entre les intervenant·e·s, chercheur·se·s ou professionnel·le·s œuvrant dans le domaine. Pour certain·e·s, la délinquance sexuelle est synonyme de violence sexuelle ou d’agression sexuelle. Pour d’autres, la délinquance sexuelle inclut des délinquants adultes ayant une préférence pour les enfants ou les adolescent·e·s.
Dans le cadre de cet article, nous utiliserons la définition de M. Patrick Lussier, professeur en criminologie à l’Université Laval et expert dans le domaine de la délinquance sexuelle. Selon lui, la délinquance sexuelle est un phénomène multidimensionnel qui touche les inconduites sexuelles, tout autant que les violences sexuelles et l’exploitation sexuelle. Concrètement, toujours selon M. Lussier, dans ces trois catégories, on peut retrouver :

L’accompagnement des délinquants sexuels
Pour te mettre en contexte, je travaille dans un organisme communautaire qui œuvre auprès d’une clientèle variée, dont les hommes ayant des intérêts sexuels déviants ou qui ont commis des crimes sexuels. Dans le cadre de mon travail, je peux accompagner ces personnes du moment où elles sont arrêtées pour un crime sexuel jusqu’à la fin de leur thérapie, ce qui peut représenter environ 16 mois au total. Je les accompagne donc lorsqu’ils sont arrêtés et remis en liberté en attendant leur sentence, en détention et en thérapie à leur sortie.
Il est pertinent de mentionner qu’on accompagne aussi les hommes volontaires, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas commis de crime, mais souffrent d’intérêts sexuels déviants envahissants et souhaitent recevoir de l’aide par prévention. La prise en charge se limite donc à un suivi thérapeutique individuel.
Dans le contexte de mon travail, la prise en charge clinique d’une personne ayant commis un crime sexuel chevauche celle juridique et judiciaire dans la plupart des cas.
Pour t’aider à y voir plus clair, je te détaille chacune des étapes de la prise en charge.
Dès l’arrestation
Premièrement, on a la chance au Québec d’avoir plusieurs endroits qui travaillent avec les délinquants sexuels dès leur arrestation. Qu’est-ce que ça implique ? La personne ayant commis un crime est arrêtée et, souvent, remise en liberté en attendant sa sentence si elle n’est pas considérée comme étant trop dangereuse pour la population. Le délai entre l’arrestation et le début de la sentence peut s’échelonner de quelques semaines à plusieurs mois. Durant ce délai, la personne peut donc venir chercher de l’aide pour sa gestion de stress, s’outiller pour dévoiler son délit à son entourage, se préparer à la vie en prison ou tout simplement essayer de comprendre les différents acteurs et les différentes étapes du milieu judiciaire et juridique. Ce moment peut être propice à ventiler, se confier, sortir de l’isolement ou préparer son entourage au moment où elle sera en détention. Durant cette étape, la personne est volontaire à recevoir des services et peut décider du nombre de rencontres dont elle bénéficie. La ligne directrice du suivi clinique dépend des besoins de la personne, elle peut donc varier selon le contexte et la situation de chacune.
En détention
Le deuxième volet se déroule dans les murs des établissements carcéraux. Dans certains établissements de détention provinciaux, il y a des ateliers psychosexuels offerts aux hommes ayant commis des crimes sexuels et ayant une sentence de 2 ans moins 1 jour ou encore aux prévenus, c’est-à-dire en attente de sentence. Durant ces ateliers, on parle de consentement, de sexualité à l’âge adulte, de comportements adéquats, de séduction, des stéréotypes, des mythes sexuels, bref de tout thème sur lequel il est pertinent de se pencher. Ces ateliers peuvent être obligatoires à la clientèle ou plutôt sur base volontaire, tout dépendant des mesures mises en place par l’établissement en question.
Pour les auteurs de transgressions sexuelles se retrouvant dans un pénitencier fédéral, ayant donc une sentence de 2 ans et plus, la prise en charge, ainsi que les programmes offerts sont tout autres.
Après la détention
Finalement, à la sortie de la détention, toute personne délinquante peut être obligée ou fortement conseillée par son agent·e de probation ou son agent·e de libération conditionnelle à bénéficier d’une thérapie individuelle ou de groupe en sexologie. Contrairement aux deux étapes précédentes, c’est durant celle-ci que la problématique sexuelle spécifique de la personne est travaillée, approfondie et discutée. Les thérapies peuvent s’échelonner jusqu’à 18 mois, tout dépendant des fréquences, des modalités et des types de thérapie.
Il est cependant important de mentionner que la prise en charge d’un délinquant sexuel peut varier d’un organisme à l’autre et que certains volets ou programmes peuvent différer selon leurs critères.
Pourquoi accompagner les délinquants ?
Maintenant, je vais essayer de répondre à la question que tu te poses peut-être, surtout en lisant cet article : pourquoi travailler avec eux ?
Diminuer le risque de récidive
Pour commencer, je crois à la réinsertion sociale. Avec une aide adéquate, il est possible, pour la majorité des délinquants sexuels, de respecter les droits de chacun·e de leurs partenaires et d’avoir une sexualité saine et positive. Il est démontré à plus d’une reprise dans la littérature l’impact positif que peut avoir une thérapie et un suivi adapté aux besoins d’une personne ayant commis un crime sexuel. Je crois aussi que le simple fait de punir un comportement ne suffit pas à diminuer le risque qu’il se reproduise. La délinquance sexuelle est une problématique multifactorielle et une sentence de plusieurs mois ou années ne consiste pas en une solution suffisante pour diminuer le risque de récidive. Concrètement, une personne ne peut changer ses distorsions cognitives, ses modes de pensée ou encore se réinsérer dans la société sans l’aide de professionnel·le·s.
Favoriser des relations sociales plus saines
Il est rapporté que la délinquance sexuelle est une problématique relationnelle, c’est-à-dire que les problématiques se situent au niveau des relations avec l’autre. Le fait de travailler avec le délinquant sexuel peut donc être favorable pour la personne en tant que telle, mais aussi pour les victimes réelles et/ou potentielles. Bien que certains aspects plus individuels sont approfondis dans le suivi clinique et thérapeutique, la majorité du travail se fait plutôt sur le sens donné au délit, l’empathie envers les victimes, la vision de la femme, la capacité à entretenir des relations sociales saines et positives, la sensualité, la sexualité saine, les capacités de résolution de conflit, etc. Chacun de ses thèmes impacte directement la relation à l’autre.
Soutenir indirectement les victimes/survivant·e·s
Travailler avec eux n’efface en rien l’impact qu’un crime peut avoir sur une victime. Des vies ont été brisées et c’est important de ne pas le banaliser ou l’oublier. Cependant, le fait de travailler avec eux et de les soutenir dans leur cheminement clinique permet ainsi de soutenir indirectement les victimes et d’en prévenir d’autres.
Le fait de travailler avec eux et de les aider ne demande pas d’oublier les crimes qu’ils ont faits, aussi dangereux et monstrueux soient-ils. C’est le fait d’être capable de voir l’homme derrière les gestes, de croire en son potentiel (souvent plus que lui) et de l’aider à s’outiller pour développer de bonnes habitudes.
Où s’informer ?
Si tu es un·e survivant·e de crime sexuel, plusieurs ressources d’aide s’offrent à toi, notamment les CALACS et les CAVAC de ta région.
Si tu as des désirs ou des idées sexuelles envahissants qui te font souffrir, je t’invite à contacter la ligne d’écoute Ça Suffit, un organisme dont on parle dans cet article.
N’hésite surtout pas à te référer aux ressources de ta région. Une liste de ressources selon les régions existe justement ici.
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