Tu te demandes si c’était normal quand tan médecin t’a dit de perdre du poids avant tes essais bébé ? Ou qu’on te dise « tu n’avais qu’à pas venir dans un hôpital universitaire » quand tu as refusé la présence d’étudiant·es à ton accouchement ? 

La réponse simple et directe est : non ce n’est pas normal !

Culpabilisation, grossophobie, information partielle, chantage affectif, infantilisation, gestes non consentis, interventions imposées, actes brutaux, expression abdominale, épisiotomie par surprise… Ces situations, loin d’être exceptionnelles, constituent ce qu’on appelle des violences obstétricales et gynécologiques (VOG). 

Aujourd’hui, on explore ensemble et avec quelques-unes des personnes qui ont répondu à mon appel à témoignage, ce sujet crucial pour comprendre exactement ce que sont les VOG, apprendre à les reconnaître et découvrir tes droits face à ces violences trop souvent invisibilisées.

Les violences obstétricales : qu’est-ce que c’est ?

Le plan d’action en périnatalité 2023-2028 du Gouvernement du Québec est très clair à ce sujet : « Les VOG se définissent par tout geste, parole, omission ou abstention de soins commis par le personnel de santé, qui sont injustifiés médicalement ou effectués sans le consentement libre et éclairé de la personne concernée, et ce, dans un contexte coercitif ».

Le Regroupement Naissances Respectées va plus loin en qualifiant ces actes de « violences systémiques/institutionnelles et genrées qui se situent sur le continuum des violences sexuelles. » 

On parle ici d’un véritable rapport de pouvoir : l’autorité symbolique et institutionnelle des professionnel·les de santé crée d’emblée une relation asymétrique, plaçant automatiquement les patient·es en position de vulnérabilité.

Et comme les biais cognitifs ne s’effacent ni à l’obtention de diplômes universitaires ni au port du sarrau, les personnes vivant à la croisée des oppressions (autochtones, racisées, trans, en situation de handicap, issues de milieux socio-économiques défavorisés…) courent des risques bien plus élevés face aux VOG. Un exemple frappant ? Les femmes noires sont trois fois plus susceptibles de mourir en couches que les autres.

Concrètement ça se traduit comment ?

Par des violences physiques

Gestes brusques, interventions non consenties ou médicalement injustifiées ; il peut s’agir d’épisiotomies systématiques, de touchers vaginaux répétés et douloureux, d’expression abdominale, ou encore de sutures excessives après une déchirure.

« Quand j’ai refusé de pousser artificiellement pendant mon accouchement, préférant suivre les poussées réflexes, le gynécologue a pris mes genoux et a brutalement écarté mes jambes. Je me suis sentie violée et vulnérable. » — Isabelle*, à son 2e accouchement à l’Hôpital Anna Laberge

« J’ai attendu 30 minutes, exposée sur la table d’examen, avec un simple papier sur les cuisses. À son arrivée, sans un mot, la gynécologue a inséré brutalement le spéculum sans mon consentement. Son geste violent m’a blessée et j’ai saigné pendant plusieurs jours. » — Nadia*, à la Clinique OVO à Montréal

Par des violences verbales/psychologiques

Remarques désobligeantes, infantilisation, humiliation et l’invalidation des ressentis ; elles peuvent prendre la forme de commentaires sur ton corps, ta sexualité, tes choix reproductifs ou ton apparence.

« Tout au long de mon suivi, j’ai reçu des remarques sur ma prise de poids et mon alimentation. Je me sentais coupable de porter un “gros bébé”. » — Julie*, à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont

« Pour mon deuxième accouchement à domicile, ma sage-femme a pratiqué de nombreux touchers vaginaux non nécessaires. Elle m’a forcée à pousser avant que le réflexe ne soit installé, puis m’a humiliée : “C’est pas vrai que tu vas pousser pendant 2h pour un 2e bébé !” Pourtant, mon travail actif n’a duré que 6 heures au total - loin d’être anormal. J’ai perdu toute confiance. » — Véronique*, au service sage-femme de Repentigny

Par des violences institutionnelles

Ancrées dans le fonctionnement même du système de soins, il s’agit de protocoles rigides appliqués sans discernement, interdiction d’être accompagné·e, obligation de rester en position allongée, délais d’attente excessifs, interdiction de boire ou manger, ou absence d’intimité.

« J’ai été placée sur la table d’opération, bras en croix, sans explication. Ma fille m’a été montrée trois secondes sans contact peau à peau. Personne n’a répondu à mes questions pendant quatre heures. J’ai reçu un diagnostic de stress post-traumatique un an plus tard. J’étais pourtant à dilatation complète - je n’ai jamais obtenu d’explications satisfaisantes sur le pourquoi de cette césarienne. » — Sophie*, à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont

« Quand j’ai vu que l’infirmière me donnait un bolus de péridurale après la naissance de bébé, j’ai demandé si j’avais déchiré. Elle a ri. Elle trouvait ça vraiment cute ma question… » bin non, on t’a fait une épisiotomie ». Faut recoudre maintenant. » — Amélie*, au CHUS Fleurimont

Par coercition

Particulièrement insidieuse, la coercition implique la manipulation de l’information, l’abus de confiance, le chantage émotionnel, ou la pression pour accepter certaines interventions. Elle joue souvent sur la peur et la culpabilité pour obtenir un consentement qui n’est ni libre ni éclairé.

« Ma médecin m’a lancé un ultimatum : “Je ne t’accouche pas si tu ne refais pas tes dépistages VIH et Hépatite C” – uniquement à cause de mes habitudes de tatouages, selon elle, alors que tous mes tests étaient déjà à jour. » — Patricia*, au CHUL à Québec

« Là, je sais que tu ne voulais pas de toucher vaginal, mais moi j’ai besoin de savoir si le travail progresse bien. Là, Gabrielle, tu préfères un toucher ou un bébé mort ? » — Gabrielle*, à l’Hôpital Ste-Marie Trois-Rivières

Reconnaître les signaux d’alerte

Les attitudes et comportements qui devraient t’alerter

  • L’équipe ignore tes questions ou y répond de façon évasive ?
  • Pour seule explication on te répond « c’est le protocole » ou « on fait toujours comme ça » ?
  • L’infirmière démontre son impatience ou de l’agacement face à tes questions ?
  • Tu ressens de la pression pour prendre une décision rapide, alors qu’il n’y a pas d’urgence imminente ?
  • Tu reçois des remarques sur ton corps ou tes choix ?

Red flag

Des pratiques non alignées avec les recommandations

Certaines pratiques courantes vont étonnamment à l’encontre des recommandations officielles de santé. Par exemple, il n’est pas rare de se voir proposer un déclenchement pour cause de « gros bébé », avant 41 semaines sans raison médicale explicitée, pour cause de diabète gestationnel ou pour un AVAC (accouchement vaginal après césarienne), alors que, selon l’Institut national de santé publique du Québec, il ne s’agit pas de raisons qui devraient conduire à un déclenchement.

Distinguer inconfort normal et violation

Un examen gynécologique ou un accouchement peuvent être inconfortables, c’est vrai. Mais attention à ne pas confondre l’inconfort normal avec une violation de tes droits. L’inconfort peut être acceptable quand il est accompagné d’explications, de consentement, et d’un respect de ta dignité. Si tu te sens mal à l’aise, blessée ou traumatisée après un soin, ton ressenti est un guide valide, fais-toi confiance.

Le défi c’est que, depuis l’enfance, on nous a appris à respecter l’autorité médicale qui sait mieux que nous. Face aux médecins, on hésite alors à contester, on fait confiance sans questionner. Ce conditionnement a un nom : le syndrome de la blouse blanche, il est tellement fort qu’il peut même provoquer une réaction physiologique de stress, ce qui nous rend dociles. 

N’oublie pas : les réactions face aux VOG varient énormément. Certain·e·s figent sur le moment, puis pleurent plus tard, d’autres protestent vivement, d’autres encore minimisent l’expérience pendant des années avant de reconnaître la violence subie. Toutes ces réactions sont normales et légitimes, c’est le chemin le plus court que ton corps trouve pour te protéger.

Sans oui, c’est non, même quand tu accouches

Le consentement libre et éclairé

Même quand tu enfantes, ton autonomie corporelle demeure entière. Il n’y a jamais rien d’obligatoire, tu peux refuser tout examen, intervention ou traitement, et même si cela va à l’encontre des recommandations ou du protocole. Les protocoles obligent les soignant·e·s, pas toi. Jamais.

L’équipe de soin a l’obligation avant tout acte d’obtenir ton consentement. Tu peux en tout temps accepter ou refuser un test, une médication ou un acte, et cela, peu importe les conséquences de cette décision. Retiens que la décision que tu prends à l’instant T est TOUJOURS la meilleure pour toi même et ton bébé à naître.

Bien sûr, pour cela, l’équipe médicale doit te donner une information complète, objective et accessible, puisqu’elle a le devoir de s’assurer que tu puisses prendre une décision éclairée. 

Elle a aussi l’obligation de s’assurer que ton consentement soit libre, c’est-à-dire sans aucune forme de pression, de tan partenaire, de ta famille, mais aussi de l’équipe soignante elle-même.

Un bon guide pour s’assurer de disposer de toutes les informations pour prendre une décision libre et éclairée est de passer à travers les 5 questions de la méthode BRAIN (Bénéfices, Risques, Alternatives, Intuition et Next step).

Connaître tous tes droits

L’Association pour la Santé Publique du Québec (ASPQ) a créé un outil précieux à connaître absolument : la plateforme droitsetgrossesse.ca. Ce site regroupe toutes les informations sur tes droits pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum, présentées de façon claire et accessible.

Agis pour te protéger, guérir et transformer

Avant que les choses arrivent

Informe-toi en lisant des ressources comme cet article et en consultant des plateformes spécialisées comme droitsetgrossesse.ca. 

Envisage de te faire accompagner par une doula, une personne formée pour te soutenir pendant la grossesse et l’accouchement. Elle pourra t’aider à naviguer le système médical et à défendre tes droits. Prépare tes souhaits de naissance et discutes-en avec ton équipe soignante avant le jour J.

Pour ta guérison émotionnelle

Si tu as vécu des VOG, ton traumatisme est réel et valide. 

Plusieurs ressources peuvent t’aider : groupes de parole sur l’accouchement difficile, psychologues, travailleur·se·s sociaux·les ou sexologues spécialisé·e·s en trauma, doula formée à l’approche sensible au trauma, cercles de paroles, art thérapie…

Pour dénoncer, obtenir justice

Tu peux porter plainte auprès du commissaire aux plaintes de l’établissement, de l’ordre professionnel concerné, ou même de la police dans les cas graves. Tu peux te référer au comité des usagers du CISSS/CIUSSS concerné ou au Regroupement Naissances Respectées pour trouver de l’aide dans tes démarches.

Pour changer les choses, transmuter ton expérience

Rejoindre le Regroupement Naissances Respectées (RNR) ou le Mouvement pour l’autonomie dans l’enfantement peut transformer ton expérience en action collective. Tu peux aussi témoigner de ton expérience pour sensibiliser et informer.

Comme allié·e

Si une personne proche te confie avoir vécu des VOG : écoute sans interrompre, crois son récit sans minimiser, accueille et valide ses émotions. Ne dis pas « au moins, ton bébé est en santé » ni « les conditions de travail sont tellement dures pour le personnel hospitalier » qui invisibilise la violence vécue ou pire la justifie. Ton soutien peut faire toute la différence dans son processus de guérison.

Solidaires pour une évolution des pratiques

Reconnaître les VOG est la première étape pour les transformer. Le problème n’est pas seulement individuel, mais systémique, les soignant·e·s, aussi bienveillant·e·s soient-iels, évoluent dans un système médical construit sur des rapports de pouvoir qui perpétuent ces violences.

Rien ne changera dans le silence. C’est en élevant nos voix, en partageant nos histoires, et aussi grâce aux professionnel·le·s qui osent se remettre en question, que nous briserons ce cycle. Le hashtag #JeSuisMaltraitante lancé par une sage-femme française reconnaissant sa participation à ces violences montre qu’une prise de conscience interne au système médical est possible.

La solidarité est notre force. Qu’on ait vécu des VOG, qu’on en ait été témoin ou même qu’on en ait perpétué, chacun·e peut contribuer au changement. En parlant ouvertement, on ouvre un dialogue nécessaire.

L’accouchement doit être une expérience où ton autonomie et ta dignité sont respectées. Tu le mérites. Nous le méritons toustes.

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