TW : mention d’inceste, de masturbation, de colonisation, de persécution homosexuelle, ainsi que description d’actes sexuels.

Pendant des siècles, la religion catholique avait la main haute sur la société. De connivence avec les autorités au pouvoir, elle dominait, contrôlait, encadrait et dictait la morale, la justice, l’éducation, la connaissance… et, par extension, forgeait les mentalités et croyances de la population occidentale.

Après toutes ces années de diktats des mœurs sexuelles par la religion, faut pas s’étonner qu’encore aujourd’hui, certains de ces discours subsistent dans notre société. C’est pour ça qu’on pense que c’est important de connaître notre histoire afin de comprendre dans quelles mesures ces discours ont de l’influence sur nos propres croyances à propos de la sexualité aujourd’hui.

Ce que l’on tentera de comprendre ici, c’est comment l’Église en tant qu’institution religieuse, a façonné les mœurs sexuelles et les croyances de la population. En d’autres mots, ce ne sont pas tes croyances (au niveau individuel, spirituel) ni tes pratiques religieuses (au niveau de la collectivité, sentiment d’appartenance) qui sont critiquées ici, mais bien l’Église en tant que figure d’autorité.

Comme je ne suis pas théologienne, je vais me concentrer sur le christianisme et les discours religieux dits judéo-chrétiens (le christianisme étant issu du judaïsme) puisque j’ai grandi au Québec. 

Il se peut que tu puisses faire des rapprochements entre les croyances religieuses issues du christianisme à celles du judaïsme et de l’islam. C’est normal, puisque ces trois religions monothéistes sont des religions dites abrahamiques (du prophète Abraham). Elles détiennent donc plusieurs bases communes.

Les fondements du christianisme et du catholicisme

Au cas où tu ne te souviendrais plus trop de tes cours d’histoire de secondaire quatre, voici une ligne du temps pour te rappeler les grandes époques de la civilisation occidentale. Elle te donnera une vision d’ensemble et pourra te situer dans le temps tout au long de la lecture de l’article. (T’sais, au cas où tu serais visuel.le comme moi là… 🙃 😉 )

Alors que Jésus naît en l’an 0, c’est seulement vers 380 que le christianisme devient la religion d’État de l’Empire romain. C’est aussi à partir de là qu’elle commence à exercer une influence très importante en Europe occidentale, établissant son pouvoir et autorité via des évêques. 

S’inspirant des premiers écrits sacrés du stoïcisme (philosophie de l’Antiquité) et du judaïsme (Ancien Testament) datant du 10e siècle avant Jésus Christ (ou avant l’ère commune pour les athées), le christianisme ira encore plus loin que ses origines dans la répression de la sexualité. En plus d’interdire ou de restreindre l’inceste, l’homosexualité, l’adultère ou toute sexualité qui n’a pas de fonction procréative, le christianisme ajoute que le désir, l’excitation et les fantasmes sexuels sont aussi péchés. 

En gros, dans la religion catholique (plus grande Église du christianisme), c’est pas mêlant : dès que tu penses au sexe, tu es dans le péché !

3 interprétations influençant toujours la sexualité actuelle 

Adam et Ève, puis le péché originel

La sexualité, c’est quelque chose de tabou, qu’on essaye de réprimer ou du moins, d’encadrer depuis toujours. Pourtant, elle est nécessaire au bien-être de la plupart d’entre nous. Alors pourquoi on l’associe à quelque chose de négatif, de honteux, qu’il faut cacher ou contrôler ? Peut-être faut-il remonter quelques siècles en arrière pour comprendre un peu d’où ça vient…

Le terme « péché originel » nous vient tout droit du 4e siècle. C’est Augustin d’Hippone qui l’invente suite à une relecture du fameux passage de la Genèse racontant l’histoire d’Adam et Ève. Je te fais un petit résumé pour te rafraîchir la mémoire. 

Ève croqua le fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, puis en donna à Adam. Furieux qu’iels aient désobéi, Dieu décide de les punir. Résultat ; leurs âmes sont entachées avec la concupiscence (aka, le désir sexuel). Ève et Adam succombent à la tentation, engendrant ainsi la corruption et la dégradation de leur descendance via le péché de la chair (la sexualité). Rien de moins.

En résumé, selon l’interprétation de Saint-Augustin, le péché de la chair fait en sorte que ta simple existence (issue d’une relation sexuelle entre tes parents) fait de toi un être « souillé » par les plaisirs de la chair. Tu serais donc par défaut un.e pêcheur.resse. Pour te rapprocher de Dieu, l’idéal serait la continence voire l’abstinence sexuelle. Tu devrais commencer à y songer 😉 (C’t’une blague en passant 😂 )

De plus, les Pères de l’Église (un espèce de boys’ club d’évêques dont faisait partie Augustin) attribuent à Ève la responsabilité de la faute originelle. Ève devient alors la tentatrice qui pousse l’homme à la concupiscence. Elle doit donc se couvrir pour éviter de « tenter » l’homme et d’ainsi, troubler l’ordre social. Cette interprétation a une incidence très importante sur le développement du christianisme en Occident, puisque c’est surtout les Pères de l’Église qui posèrent les bases du catholicisme avec leur interprétation des écrits sacrés. Pas le droit de porter de bretelles spaghetti en classe : ça « distrait » les garçons… sounds familiar 

Péché de luxure

Au 13e siècle, on voit apparaître la hiérarchie des péchés sexuels : les fameux péchés de luxure (un des 7 péchés capitaux). La sexualité procréative dans le cadre d’un mariage, c’est vue comme un péché, mais c’est « pas si pire », car en plus d’engendrer un enfant, il est réalisé dans un cadre reconnu par l’Église ; le mariage. Tous autres actes sexuels n’ayant pas de visée procréative sont perçus comme une faiblesse de volonté ; comme une faute grave qui nécessite une confession pour se « purifier » après avoir péché. 

Voici, donc, les péchés de luxure, classés du moins pire au pire :

  1. La sexualité à visée procréative dans le cadre du mariage : Comme on vient de le voir, c’est un péché, mais c’est le péché le moins grave.
  2. La fornication : Avoir des relations sexuelles en dehors du cadre du mariage.
  3. L’adultère : C’est quand une personne mariée couche avec quelqu’un d’autre que son époux.se.
  4. L’inceste : C’est un péché, mais ce n’est pas le pire des péchés, car un enfant peut en résulter. 😑 
  5. Débauche : La débauche ne fait pas référence à un acte sexuel en particulier, mais plutôt à une attitude face à la sexualité. Elle prend le sens d’une sexualité excessive, sans restriction, hors de contrôle.
  6. Le rapt : C’est le fait de kidnapper une fille ou une femme, puis d’avoir une relation sexuelle avec elle sans avoir obtenu le consentement de son père. C’est donc le non-consentement du père qui est la clé ici, car c’est lui qui sera considéré comme victime du crime et non la fille ou la femme. 
  7. Les vices « contre nature » : Ce sont les pires péchés de luxure puisqu’ils n’ont aucune fonction de procréation. Ce que ça inclut : la contraception, la masturbation, le sexe oral, le sexe anal, l’homosexualité et la bestialité.

Même si on doute que les prêtres ou papes de notre époque ne pensent pas exactement comme ça aujourd’hui, certain.e.s se rappelleront quand même du discours du pape Benoît XVl en 2009 lorsqu’il affirmait que le port du condom n’était pas un bon moyen de lutter contre l’épidémie de VIH/sida en Afrique…

Sodome et Gomorrhe, puis le crime sodomite

Plusieurs pays condamnent encore la sodomie aujourd’hui. Même au Canada, c’est seulement en 2016 😨 qu’on a abrogé la dernière loi qui criminalisait la pénétration anale (elle était illégale entre ados de 16-17 ans). C’est pourtant une pratique sexuelle qui, comme toutes les autres, peut être très safe et agréable lorsqu’elle est réalisée dans les règles de l’art et avec consentement. Alors pourquoi toutes ces restrictions envers cette pratique en particulier ? 

Le mythe de Sodome et Gomorrhe, tu connais ? C’est un passage de la Genèse qui raconte l’histoire de deux villes qui ont été anéanties par la colère de Dieu en raison d’actes sexuels de débauche et de dépravation qui y avaient lieu, entre autres. Si la signification de ces actes de dépravation ne fait pas consensus, plusieurs l’ont associée à l’homosexualité, en raison d’un passage où des hommes de la ville de Sodome ont tenté de « connaître » (sexuellement) deux anges ayant pris la forme d’hommes.

C’est donc de là que tire son origine le terme « sodomie », quoique le terme prend différentes définitions tout au long du Moyen Âge. Passant de relations sexuelles entre femmes, entre hommes, à de la bestialité ou encore à un frottement du pénis avec la main, entre les jambes de garçons ou autour de l’anus, la sodomie avait le dos large en titi.

Inquisition en France

En 1231, l’Église met donc en place une chasse appelée l’Inquisition, en France. Le but ? Ramener sur le droit chemin les individus qui questionnent son autorité ou qui ne suivent pas les principes religieux à la lettre, comme ceux croyant en d’autres formes de christianisme, ceux accusés d’adorer le diable, les sorcières, et, bien sûr, ceux pratiquant la sodomie. Si les persécutions étaient plutôt soft au début, les choses se gâtent au 15e siècle. Les amitiés entre hommes deviennent de plus en plus suspectes et les condamnations aux bûchers qui étaient jusqu’alors un dernier recours, deviennent de plus en plus systématiques. 

L’Inquisition se propage un peu partout en Europe, et ce, jusqu’au 18e siècle, bien après la colonisation de plusieurs territoires, répandant avec elle l’homophobie à travers le monde. On peut d’ailleurs retracer quelques condamnations pour crime sodomite au 17e siècle en Nouvelle-France (c’est ici, ça).

Relecture des livres sacrés : vers une religion plus inclusive ?


Après avoir lu tout ça, il se peut que tu sois choqué.e si tu as un sentiment d’appartenance envers la religion catholique ou toutes autres religions monothéistes. C’est correct d’avoir besoin d’une religion. Que ce soit pour obtenir des réponses face aux questions existentielles de la vie ou pour croire en quelque chose de plus fort que nous lors d’une épreuve. La spiritualité, c’est quelque chose d’ultra-personnel. Ce n’est pas ça qui est critiqué ici, mais plutôt l’Église en tant que pouvoir absolu qui dicte la morale selon sa propre interprétation des livres sacrés. 

Comme tu as pu le remarquer, les relectures des textes sacrés ont presque toujours été faites par des hommes théologiens ou membres du clergé, les femmes ayant été écartées du clergé dès la naissance du christianisme. Leurs interprétations offraient peu de représentations positives et agentives de la femme ou encore des personnes homosexuelles. Malheureusement, comme ces hommes étaient en position d’autorité, ce sont leurs interprétations des textes sacrés — parfois misogynes et homophobes — qui ont façonné les discours religieux de l’époque et ainsi, forgé les croyances religieuses d’un milliard de croyant.e.s catholiques dans le monde.

La religion et les croyances religieuses associées sont en constante évolution. Tu as donc un pouvoir sur l’interprétation que tu fais d’un discours religieux ou de la lecture d’un livre sacré ; ton interprétation pouvant être très différente de celle d’une autre personne. C’est pourquoi il y a des groupes religieux pros 2SLGBTQ+ aujourd’hui. Leurs interprétations des livres sacrés sont simplement différentes (anyway, c’est rédigé dans une langue dont personne ne peut comprendre toutes les nuances et avec un mindset d’une époque que personne ici n’a vécu). Il n’est donc pas trop tard pour faire une relecture plus inclusive et actuelle des livres sacrés. Après tout, la religion ne devrait-elle pas mener à la paix plutôt qu’à la haine et à la persécution des autres ?

Tu peux être qui tu veux et croire en ce que tu veux dans la vie, tant que ça ne te serve pas d’excuse pour juger la sexualité des autres… ou même la tienne.

Voici quelques ressources de mouvements religieux qui ont une attitude positive et agentive envers la diversité sexuelle et de genre :

Une relecture de la bible plus inclusive des LGBT+ (en anglais)
Paroisse Saint Pierre Apôtre
L’Église Unie St. James
S’affirmer ensemble : organisme axé sur la justice envers les personnes de l’Église Unie du Canada
Temple Emanuel-El Beth Sholom: En plus d’être rabbin, Lisa Grushcow est une femme et elle est lesbienne !
La mosquée El-Tawhid Juma Circle à Montréal est pro LGBT et elle prône l’égalité entre les genres
Anne-Claudel Parr

About Anne-Claudel Parr

Sexologue, Rédactrice | Pronoms: elle/la | Passionnée de plage, de voyage et de salsa, j’ai étudié en science politique, en psychologie, fait un certificat en psychoéducation et en espagnol avant d’atterrir en sexologie et de trouver ma voie (ben oui, c’est long se trouver parfois) ! Féministe intersectionnelle de cœur et de raison et membre de la communauté LGBTQIAP2S+, je pose un regard assez scientifique et théorique sur la sexualité, mais en essayant d’être moins plate que ton prof de socio au cégep. J’espère pouvoir élargir ta conception de la sexualité, dire ce qui n’est pas dit et jaser de l’éléphant rose. Ensemble, on va faire la deuxième Révolution sexuelle ! Embarques-tu ?

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