Ta douce moitié te raconte avec des étoiles dans les yeux la soirée qu’elle a passée avec son crush, et tu arrives à te réjouir de son bonheur ? On peut alors dire que tu éprouves de la compersion. 

Alors que la jalousie est un sentiment familier, voire banalisé en relations, la compersion, elle, demeure un concept plutôt méconnu. 

Bien entendu, même en polyamour ou en relation non-monogame, il est normal de ressentir de la jalousie. Personne n’en est à l’abri. Il est toutefois possible d’apprendre à composer avec la jalousie, pour l’éprouver de moins en moins fréquemment, avec de moins en moins d’acuité.  

La compersion est un muscle qui se travaille. Voici quelques pistes pour y parvenir.

La comper quoi ? 

La compersion, c’est le bonheur sincère qu’on ressent quand un être qu’on aime s’épanouit, particulièrement dans une relation intime avec un·e autre partenaire. C’est un peu comme l’inverse de la jalousie. 

En d’autres mots, c’est de se dire : j’aime tellement cette personne, et je la trouve belle lorsqu’elle est heureuse, même si son expérience positive ne m’implique pas ou ne me profite pas directement.

Ce n’est pas tout le monde qui arrive à atteindre cet état, qui exige de passer par un processus (parfois difficile) de déconstruction de nos réflexes monogames. 

La jalousie, une preuve d’amour ? 

Dans une société mononormative, c’est-à-dire qui présente la monogamie comme seul modèle valide et acceptable de vivre l’amour, la jalousie est souvent normalisée, parfois même valorisée et encouragée, au sein d’une relation. On apprend qu’éprouver des sentiments et/ou désirs pour d’autres personnes que notre partenaire principal·e c’est non seulement mal, mais ça crée inévitablement de la jalousie.

1 + 1 = 2, on apprend donc que la jalousie est une preuve d’amour. « S’il est jaloux, c’est parce qu’il tient à toi et il veut te garder pour lui ! » Pourtant, la jalousie n’est pas synonyme d’amour, mais plutôt d’insécurité.

Pour arriver à ressentir de la compersion, il a d’abord fallu que je redéfinisse la « preuve d’amour » que j’ai envie de recevoir et de donner. Ainsi, « ne pas aller voir ailleurs » et « être jalouse lorsque mon amoureux flirte avec autrui » ont laissé place à « aller voir ailleurs dans le respect de nos limites mutuelles » et « être en joie de son bonheur qui le rend entier ».  

Comme je le disais dans mon éloge à la non-monogamie, quelle plus belle preuve d’amour que de se laisser la liberté de flirter avec tous les humains sur Terre, mais de quand même choisir consciemment et volontairement de revenir l’un·e vers l’autre ? 

En bref, je crois que la fidélité « obligée », les « il faut » sans remise en question, ancrent la jalousie comme réflexe primaire dans une relation. Alors que se donner à l’autre, lorsque ça vient d’un espace volontaire, laisse plus d’espace pour cultiver la compersion.  

Comment contrôler le petit sentiment bizarre quand l’autre va voir ailleurs ? 

La question qui tue ! Ou qui permet de mieux vivre lorsqu’on y répond dans la bienveillance. 

Tu sais, le petit feeling dans le bas ventre quand tu apprends que ta douce moitié a partagé de l’intimité — que ce soit sexuelle ou romantique — avec une autre personne ? 

Bonne nouvelle, ça se travaille ! À chacun·e sa méthode pour adoucir ce « jelly moment » (comme mon partenaire aime bien l’appeler !), mais voici celle qui m’aide personnellement à cheminer. 

Identifie la source de ta jalousie 

Est-ce une peur que tan partenaire tombe en amour avec cette personne ? Est-ce que tu aurais aimé être là ? Est-ce un sentiment de compétition avec l’autre personne parce qu’elle est différente de toi et/ou elle a quelque chose que tu n’arrives pas à voir en toi-même ? Est-ce le timing qui n’est pas le bon parce que tu ne te sens pas à ton top ces temps-ci ?  

Dans tous les cas, tes sentiments sont valides. Le plus grand défi n’est pas d’arriver à écarter la jalousie ; c’est de parvenir à la nommer et à l’accueillir.  

Selon la sexologue Laurianne Desmarais, « la jalousie n’est pas une seule émotion, mais plutôt un sentiment composite, c’est-à-dire fait de plusieurs émotions mélangées ». La complexité qui en résulte peut rendre la jalousie difficile à identifier et à comprendre. C’est aussi très vulnérabilisant de mettre le doigt sur le ou les déclencheur(s), mais nécessaire pour mieux te comprendre.  

Psst ! Le journaling est un excellent moyen pour mettre de l’ordre dans ta tête et dans ton cœur. Ou simplement pour extérioriser ce qui t’habite pour éviter un trop-plein. 

Prends un moment pour méditer et laisser les émotions vivre leur cours 

Avant de revoir tan partenaire, il est important de prendre le temps de t’asseoir avec toi-même pour laisser les émotions couler et ainsi éviter de tout déverser sur l’autre.  

Souvent, on essaie de camoufler nos émotions négatives. Surtout en étant dans une relation polyamoureuse, je me suis souvent dit que j’étais plus forte que la jalousie. Mais c’est correct d’éprouver de la jalousie, et ça fait du bien de la vivre. 

Alors, permets-toi de vivre les émotions plus inconfortables, pour mieux les laisser couler par la suite. 

Je termine ce moment méditatif en me concentrant sur la beauté de la non-monogamie, au lieu d’orienter mon énergie uniquement sur l’inconfort. Je dépose ici une liste non exhaustive de phrases que je me répète quand j’ai de la misère à dealer avec la jalousie (en espérant que ça résonne en toi) : 

  • L’amour ne se divise pas, il se multiplie (merci à ma maman qui me répétait cette phrase quand j’étais petite… elle prend maintenant tout son sens !) 
  • La lumière des autres n’éteint pas ma propre lumière. Voir leur lumière me permet même de briller encore plus fort. 
  • Je suis heureuse qu’il ait pu vivre une soirée qui lui a fait du bien. 
  • Chaque relation apporte quelque chose de différent. On a plusieurs ami·e·s pour combler différents besoins, pourquoi ne pas avoir plusieurs relations intimes.  
  • Cette connexion ne diminue en rien à l’amour qu’il éprouve envers moi. 

Relativise selon tes expériences personnelles 

Une chose qui m’aide beaucoup à adoucir la jalousie est de me souvenir d’une relation que j’ai vécue de mon côté et de me rappeler que ça n’a rien enlevé à mon amour envers mon partenaire.  

Ça m’apaise de prendre conscience que j’ai eu une super belle connexion qui m’a fait grandir, sourire et même jouir, mais qu’elle ne résulte en rien d’une insuffisance de mon partenaire. Cette expérience m’appartient, habite mon jardin intime, et existe en parallèle de ce que je vis avec mon partenaire principal. 

Que tu aies un·e partenaire principal·e ou non, souviens-toi que tes désirs sont multiples, tout comme le sont ceux de tan partenaire. Vous laisser expérimenter cette multiplicité témoigne de votre confiance mutuelle et ça, c’est magnifique. 

L’intention n’est bien sûr pas d’atteindre une égalité parfaite entre tes dates et celles de tan partenaire ; mais bien de te mettre dans ses souliers pour relativiser tes insécurités.   

Discute avec tan partenaire 

Une fois que tu comprends un peu mieux comment tu te sens, c’est le moment d’inclure tan partenaire dans le processus pour vous assurer que tout est clair et dit. Les non-dits finissent par s’accumuler et être comme un éléphant sur une toile d’araignée puis tout à coup… ba-da-boum ! 🐘

Une limite a-t-elle été dépassée ? As-tu seulement besoin de temps pour digérer cet épisode ? Aimerais-tu ajouter un paramètre pour éviter une future blessure ?

C’est le moment pour revisiter vos paramètres et vos limites, si nécessaire. La bienveillance et le respect sont les mots d’ordre, comme toujours.  

La jalousie reste un sentiment normal

Le but ultime n’est pas de ne plus jamais éprouver de jalousie. De toute façon, je crois que c’est impossible. L’important est de prendre la douleur, le ressenti et de les amener à une place constructive. Pourquoi je me sens comme ça ? À quelles parties de moi ça me renvoie ?

Comme mon ami Alexis me l’a si bien dit, « ce n’est pas parce qu’on a déconstruit nos référents monogames qu’on est des êtres désincarnés qui ne ressentent pas d’insécurité ».  La jalousie peut d’ailleurs être un phare sur notre intérieur, sur certaines parts d’ombre qui méritent d’être visitées. 

Sache que la jalousie et la compersion peuvent cohabiter et qu’il est normal de les éprouver de manière simultanée. Par exemple : « je suis heureuse que mon partenaire passe le week-end en camping avec son amireuse, je sais que la forêt et cette amireuse contribuent à son ressourcement », MAIS « je suis aussi jalouse parce que j’aurais aimé vivre ce moment avec eux ». 

Finalement, ne veut-on pas toustes que les personnes qu’on aime se sentent accomplies et soient entourées d’humains qui leur apportent du beau ? 

La compersion peut paraître une utopie sortie tout droit des années 70, mais je crois que s’investir dans le bonheur d’autrui est une petite rébellion contre l’individualisme et la possessivité qui habillent nos relations. Ça te dit d’essayer ?

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À propos de Gabrielle Arcaïni

Rédactrice pigiste | Pronoms : elle/la | Si je ne suis pas en train de faire du yoga ou de flatter mes chats, je parle de menstruations. Amoureuse des mots et féministe dans l’âme, j’ai toujours adoré écrire pour remettre en question les tabous sociaux. Mon baccalauréat en relations internationales et droit international m’a permis de prendre conscience que la politique est partout, entre autres dans la poésie et les articles (Catherine Dorion serait bien d’accord !). J’espère contribuer à normaliser les menstruations pour qu’enfin, on parle sans complexe et de manière inclusive de ce phénomène des plus naturels (mon rêve : le congé menstruel partout !).

Une réflexion sur “La compersion : l’opposé de la jalousie n’est pas une utopie

  1. Maxime Roy dit :

    Tellement bien expliqué! J’aime beaucoup tes “petites phrases” je les ai pris en note! Merci:)

  2. Helene Skantzikas dit :

    Juste pour dire qu’il semble y avoir un hic avec le site (que ce soit sur ordi ou smartphone). Impossible de voir le bas de l’article, ça semble se bloquer au milieu!

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