Tu te lances dans les démarches nécessaires pour te départir de tes tétons et te confectionner la poitrine de tes rêves qui te représente désormais mieux. Tu as passé un temps à réfléchir à certaines considérations préalables, et tu es maintenant en business. Alors, par où commencer ? Il est important de comprendre quelles options s’offrent à toi. Celles-ci pourront d’ailleurs t’inspirer à faire le saut — les faire sauter ! — si l’une d’elles te parle particulièrement. Ou bien, elles pourront t’aider à faire un choix en fonction de tes besoins ou par processus d’élimination. Aussi, il est possible que les exemples ne te plaisent vraiment pas et qu’au fond, tu préfères garder ton corps tel qu’il est. Nothing wrong with that.
S’informer et s’y préparer
Les chirurgies affirmatrices de genre/s font ces jours-ci l’objet de plus de presse qu’il y a, disons, seulement une dizaine d’années. Grâce aux médias sociaux et à une meilleure représentation des personnes trans et non binaires sur la scène médiatique (pense à Laverne Cox, Hunter Schafer, Elliot Page, Demi Lovato, Sara Ramirez, Sam Smith, Janelle Monáe, etc.), le public général se fait du moins un début d’idée de ce que représentent les transitions et évolutions trans1. Pourtant, beaucoup se trame derrière le rideau de « l’arrivée » qu’on voit rarement tiré. Non seulement ça, mais puisque ces chirurgies ne se performent en grand nombre que depuis assez récemment, les procédures ne sont pas forcément homogénéisées et même les « expert·e·s » ne s’accordent pas toujours !
Fais tes recherches
Tu t’apprêtes à prendre une décision qui t’affectera de manière pas mal permanente2 ; ce serait pas niaiseux d’en apprendre le plus possible pour savoir à quoi t’attendre ! Comme en politique, prendre une décision libre et éclairée, ça veut dire s’informer et ne pas se laisser simplement diriger par celleux qui disent savoir mieux que toi. N’oublie pas que les médecins ont appris leur métier à l’école, et que l’apprentissage scolaire n’est pas exempt de biais et de préjugés, sinon de savoirs arriérés. Fais ta recherche, compare ce que tu trouves, et trouve des témoignages dans ton entourage si tu le peux pour obtenir des recommandations sur la marche à suivre et les gens auxquels faire confiance.
La top surgery est possible sous plusieurs formes. Pour s’en faire une idée, bon nombre de ressources s’éparpillent sur la toile, comme des témoignages sur YouTube, les espaces désignés sur Reddit pour partager des photos pré-op et post-op, les sites et vidéos d’expert·e·s en chirurgies trans, des groupes Facebook de partage et de soutien comme « FTM EXCLUSIVEMENT Montréal,Québec et les environs » ou encore la mine désormais défunte de photos pré et post-op Transbucket.
Gare à toi si tu as du mal à digérer le gore — pense aux incisions, drains, et images d’hôpital, voire chirurgies filmées (!). Ces photos et témoignages peuvent être très éprouvants et occasionner diverses émotions, qu’il est important d’adresser en douceur avec le soutien et l’aide nécessaires (d’ailleurs on te propose des ressources à la fin de cet article). N’oublie pas qu’il n’y a pas de presse : tu peux prendre tout le temps et l’espace nécessaires pour explorer ces ressources souvent intenses et triggering, à petites doses pour te faciliter la tâche3.
Les grandes questions : to nipple or not to nipple ? Et les cicatrices, dans tout ça ?
Keyhole / périaréolaire
Si les seins sont d’une forme propice selon les chirurgien·ne·s consulté·e·s (pas très pendants, si ma compréhension est bonne) et assez petits, soit aux alentours d’une taille A, les chirurgies keyhole ou périaréolaire peuvent être une option. Une petite incision est faite en demi-lune ou bien tout autour du mamelon, on va chercher le tissu autour à partir de cette petite porte, et hop, le tout est vite refermé. Les mamelons sont conservés sans que la convalescence soit trop pénible et il y a moins de traumas causés à la peau qui n’a pas à être trop sectionnée. Tandis que la procédure keyhole tend à garder les mamelons intacts, la chirurgie « péri » diminue habituellement leur taille.
T-Anchor
Pour une réduction mammaire non binaire dont le but est d’atteindre une sorte d’entre-deux qui ne ressemble ni à des seins ni à une poitrine complètement plate, certaines personnes optent pour la procédure T-anchor. Cela n’est pourtant pas très commun et pas forcément recommandé. Cette option est celle utilisée dans un contexte non trans pour la plupart des réductions mammaires choisies par les femmes cisgenres et autres personnes désirant s’alléger d’un poids encombrant.
Double incision et mamelons
L’opération de loin la plus pratiquée est la double incision. Cette version peut s’accomplir avec ou sans greffe de mamelons. Puisque la majorité du sein est simplement coupé et éliminé, peau et glandes d’un même coup, le mamelon doit nécessairement être soulevé entièrement du corps lui aussi. Il est alors possible de le découper — et le choix du remodelage de la taille de l’aréole et de l’épaisseur du mamelon revient alors aux patient·e·s et aux chirurgien·ne·s — pour ensuite le greffer, c’est-à-dire le replanter et le rattacher, à l’endroit souhaité sur la poitrine où les bords de la peau en haut et en bas ont été rejoints et cousus. Petit jeu de copy-paste qui s’avère douloureux lorsque les nerfs se reforment au rythme fastidieux d’un millimètre par jour.
Certaines personnes recouvrent de la sensation dans leurs nips au bout de quelques mois ou années, parfois seulement une sensibilité désagréable, alors que d’autres ne les ressentiront jamais. Les greffes étant des processus affectés par la santé générale du corps (consommation de tabac par exemple) et les hasards de la convalescence (infections, etc.), il arrive quelquefois de perdre entièrement un mamelon ou les deux ! Qui plus est, ce bricolage anodin représente souvent la portion la plus douloureuse du rétablissement.
Pas de mamelons, pas de problèmes
Pour ces raisons, bon nombre de personnes transmasculines et non binaires choisissent de ne pas s’embarrasser de la greffe de mamelons. Soit le torse reste clean au final, soit iels se font tatouer en 2D ou en 3D des designer nipples, y collent des mamelons en silicone, ou même s’amusent à porter des tatouages temporaires comme remplacements rigolos. Je sais pas toi, mais je rêve d’avoir des p’tites fleurs à la place des nips, ou peut-être des bonhommes sourires la langue sortie… Les possibilités de genre créatrices sont infinies !
À toi de dessiner !
En ce qui concerne les cicatrices de la procédure à double incision, il y a quand même du jeu possible. Les incisions peuvent suivre le dessous des muscles pectoraux afin de disparaître plus aisément parmi les poils de chest et les muscles des baraqué·e·s. Pour celleux qui veulent plutôt s’éloigner de la perception masculine du torse et particulièrement d’une courbe qui rappellerait de près ou de loin la présence des seins ôtés, les incisions peuvent aussi être faites droites ou même en diagonale, voire se rejoindre au milieu en une longue ligne. Il suffit de discuter avec lea chirurgien·ne, qui mesurera son confort avec diverses options d’incisions.
Attends, je dois me faire drainer quoi !?
Les drains de mastectomie sont comme des tuyaux d’arrosage inversés qui servent à évacuer le liquide qui s’accumule sous la peau de la poitrine après la chirurgie. Tu sais, ceux avec les p’tits trous tout au long qui irriguent bien les jardins ? Miam. Ils sont souvent d’une vingtaine de centimètres, placés en dessous des incisions à l’intérieur du corps et leurs tuyaux d’échappatoire sortent des côtés du torse où ils sont attachés par des points de suture. De petites poires y sont connectées pour recevoir l’écoulement grâce à une mécanique de pression. Il faut les vider régulièrement durant la convalescence. Les drains restent en place aussi longtemps qu’il y a une certaine quantité de liquide qui s’écoule encore chaque jour. Ça revient en moyenne à une semaine ou deux, mais ça peut durer plus longtemps aussi. Chaque corps est différent.
Cet appareil assez malcommode n’est pas une nécessité absolue ; c’est à l’équipe chirurgicale de décider s’il est indiqué de les placer en fonction du corps et de leur expérience professionnelle. Sans les drains, il y a simplement plus d’enflure et de bleus, mais un risque plus élevé aussi de devoir retourner à la clinique se faire manuellement drainer le liquide avec une belle grosse aiguille en plein dans les plaies récentes : ayoye !
Pour ce qui est de mon propre corps, j’ai vite noté que les endroits où avaient été placés mes drains sont ceux où j’ai le moins de sensation/le plus de douleur. Ceci semble être une expérience fréquente parmi mes amix.
Si ces considérations t’affectent, assure-toi d’en discuter avec tes chirurgien·ne·s ! Vous pourrez décider ensemble du plan qui vous convient le mieux.
Un bon bout de chemin de fait
Si tu contemples et/ou te prépares à une opération de poitrine trans ou non binaire, tu auras déjà bien cheminé lorsque tu auras accompli toute cette recherche pertinente à une décision éclairée. Si tu lis plutôt cet article car tu es allié·e ou curieuxe, on espère que tu seras toi aussi un peu mieux éclairé·e sur le sujet et apte à pointer tes proches ou tes connaissances — trans ou non ! — vers des réflexions utiles et importantes.
Toujours est-il que la maîtrise et la précision de chirurgies de la sorte avance vite en cette époque où elles sont de plus en plus accessibles à un nombre croissant de personnes qui se comprennent comme trans, non binaire et de genre/s non conforme/s. L’expérience de quelqu’un·e qui s’est fait faire une double mastectomie il y a par exemple six ans est déjà différente de celle de quelqu’un·e qui subira une procédure semblable aujourd’hui. Néanmoins, son témoignage ne perd rien de sa sagacité en termes de l’expérience de vie d’une personne marginalisée qui est sûrement parente de la tienne. Note que le savoir circule en plein d’endroits qui ne te viennent pas immédiatement à l’esprit. Tu auras peut-être entendu que les trans elders peuvent être bien jeunes ; où peux-tu les trouver dans ta communauté pour leur prêter ton attention et en apprendre plus ?
Ressources
Complexe chirurgical GrS Montréal
Interligne (Service d’aide et de renseignements 24h)
Alterhéros (communauté engagée dans la lutte aux préjugés et la démystification de la diversité sexuelle et la pluralité des genres)
Cactus Montréal/Action Santé Travesti(e)s & Transsexuel(le)s du Québec (ASTT(E)Q)
Aide aux Trans du Québec (ATQ)
Projet 10 (Centre LGBTQ)
Centre de lutte contre l’oppression des genres (Center for Gender Advocacy de l’Université Concordia)
World Professional Association of Transgender Health
Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre
1 Attention, c’est loin d’être tout le monde qui utilise le terme « transition » pour nommer ses changements corporels ou expressifs. Bon nombre de personnes non binaires trouvent que ce mot reflète trop la binarité du passage d’un genre à un autre — passage tenant sa légitimité de quoi, les « autorités » médico-légales ?! —, alors que le/s genre/s est/sont souvent fluide/s et rarement figé/s une bonne fois pour toutes. Quel mot utiliserais-tu, toi ? Gender journey ? Explorations de genre/s ?
2 Pour celleux qui hésitent : la permanence ne l’est pas strictement ! Qu’est-ce qui t’empêcherait en effet de te faire opérer de nouveau si jamais tu voulais de nouveau des seins dans le futur ?
3 C’est en effet du travail émotionnel difficile ! On se pose soi-même comme vulnérable devant des images et des histoires que personne ne nous a appris à gérer, surtout quand ça frappe close to home. Ton expérience est valide.