TA : mention de violences sexuelles, mention de réactions nuisibles d’un·e partenaire lors d’un dévoilement, mention de culture du viol.

Le regain du mouvement #MoiAussi (ou #MeToo) en 2017 a favorisé les dénonciations des violences sexuelles. Briser le silence est une étape importante pour la guérison de ce genre de trauma. Au Québec, on parlerait de 1 femme sur 3 et de 1 homme sur 11 qui sont victimes de violences sexuelles depuis l’âge de 15 ans. Au Canada, un quart des personnes trans et non-binaires rapportent avoir vécu des agressions sexuelles. Malheureusement, les probabilités que des personnes de ton entourage qui te sont chères aient vécu des violences sexuelles sont plutôt élevées… voici donc quelques outils qui pourront te guider si jamais quelqu’un·e vient te confier son histoire.

Briser le silence, ce n’est pas facile…

Quand on parle de briser le silence, on ne fait pas nécessairement référence au fait d’aller porter plainte à la police. Ça consiste plutôt à parler du trauma sexuel vécu à quelqu’un⋅e. En parler peut être confrontant pour un⋅e survivant⋅e de violence sexuelle. Plusieurs raisons peuvent faire en sorte que les victimes garderont le silence pendant un certain temps. Parmi celles-ci figure la peur de ne pas être crues et d’être tournées au ridicule ainsi que l’appréhension des réactions de l’entourage.

Pourquoi une personne te choisit pour en parler

Si une personne te choisit pour se confier par rapport à un trauma sexuel qu’elle a vécu, c’est fort probablement signe que celle-ci te fait énormément confiance. Voici quelques statistiques pour t’éclairer.

Selon une enquête* menée par le Regroupement Québécois des Centres d’Aide et de Lutte contre les Agressions à Caractère Sexuel (RQCALACS) en 2019, les survivant⋅e·s auraient davantage tendance à se confier à un⋅e membre de la famille (60,2%), à un⋅e ami⋅e ou une autre personne de confiance (37,7%) ainsi qu’à un⋅e conjoint⋅e (18,6%).

Environ 63,6% des survivantes ayant dévoilé la ou les agression(s) subie(s) avaient vécu celles-ci moins d’un an avant d’en parler. Par contre, seulement un tiers d’entre elles ont trouvé aidante la réaction de la personne à qui elles en ont parlé une première fois. Ceci pourrait expliquer pourquoi 36,7% des participantes ont attendu plus de 11 ans avant d’aller chercher de l’aide auprès d’un CALACS. Le 1/4 a même attendu plus de 21 ans…

Bref, ce qu’on essaie de te dire en te présentant ces chiffres, c’est que la réaction qu’on a quand une personne nous partage tout trauma sexuel peut avoir un impact important sur sa volonté à chercher de l’aide professionnelle ou non (ou si elle attendra plus longtemps avant de le faire). C’est pourquoi il est primordial d’être digne de la confiance que la personne nous accorde et d’accueillir son témoignage avec respect.

*Les Centres d’Aide et de Lutte contre les Agressions à Caractère Sexuel (CALACS) viennent en aide aux femmes et aux adolescentes ayant vécu des violences sexuelles. Les statistiques suivantes ont donc été prélevées dans un échantillon composé majoritairement de femmes. Cependant, elles peuvent donner une idée du nombre de barrières à « briser le silence » auquel les victimes peuvent être confrontées.

Les réactions possibles

Ce n’est pas tout le monde qui est outillé pour recevoir un dévoilement de trauma sexuel, ce qui fait en sorte que toutes sortes de réactions peuvent émerger lorsqu’une personne nous parle de son vécu.

Il se peut qu’une histoire vienne te chercher. Par exemple, ça peut te rappeler quelque chose que tu as toi-même vécu, te faire penser à l’histoire d’une autre personne qui t’est chère ou bien te faire de la peine, puisque le témoignage vient de quelqu’un·e proche de toi. On n’est pas fait·e en béton, et c’est normal de ressentir des émotions lorsque tu reçois les confidences d’une personne.

Si tu ne te sens pas disposé·e à recevoir un témoignage au moment où ça arrive, on t’invite à référer la personne aux ressources inscrites dans le bas de l’article. Tu as le droit de ne pas te sentir à l’aise dans ce genre de situation. L’important est de ne pas laisser la personne seule dans la situation et de la diriger vers un endroit sécuritaire, que ce une autre personne de confiance, un·e professionnel·le ou un organisme.

Pour te préparer aux réactions potentielles que tu pourrais avoir (ou bien si tu les as eues par le passé et que tu as envie de les comprendre), nous allons en énumérer quelques-unes. Tu peux enregistrer cette publication en guise de guide concernant les réactions qui pourraient être aidantes, te permettant ainsi de mieux accompagner une personne dans son partage.

L’origine des réactions

On n’est pas ici pour diaboliser qui que ce soit. Chaque personne vient avec son propre bagage, ce qui peut faire en sorte que nos croyances vont varier.

Le fait de comprendre d’où viennent nos propres biais peut nous aider à les désamorcer.

Mais d’où viennent ces réactions ? Pourquoi a-t-on parfois des idées préconçues ? 

La socialisation

En gros, la socialisation signifie le processus d’apprentissage avec lequel on intériorise les normes et les valeurs de la société dans laquelle on évolue.

En abordant la socialisation, on doit inévitablement parler de culture du viol. En effet, on vit dans une société qui co-habite avec cette belle culture (veuillez noter le sarcasme dans mes propos).

Le fait de grandir dans une société patriarcale, dans laquelle la violence sexuelle est normalisée, peut faire en sorte qu’on développe une certaine tolérance à cette violence, voire une banalisation (parfois inconsciente) de celle-ci. Si on a intériorisé (ce qui est souvent inévitable) des éléments de cette culture du viol, cela peut faire en sorte qu’on réagisse de manière maladroite lorsqu’une personne nous confie son histoire.

Il y a des éléments qui font en sorte que la culture du viol demeure parmi nous. C’est une coloc pas mal tenace. On les aborde dans l’article sur les 5 faits qui contribuent à la culture du viol.

L’éducation

Ensuite, crois-le ou non, l’éducation reçue par tes parents contribue au fait d’adhérer ou non aux croyances et préjugés en lien avec les violences sexuelles (par exemple, croire que beaucoup de gens fakent d’avoir vécu de la violence sexuelle, ou encore penser que les comportements de la victime peuvent être la cause de l’agression — genre porter une jupe courte, être saoul·e/intoxiqué·e à une substance X, ou marcher seul·e le soir).

Une étude menée auprès d’étudiant·e·s universitaires au Québec, en 2019, a démontré que les personnes ayant été élevées dans un système familial autoritaire auraient davantage tendance à avoir ces types de préjugés. De plus, le fait d’avoir été élevé·e auprès de parents qui adhèrent aux rôles de genre traditionnels (par exemple, l’idée très (trop) binaire que les femmes sont « irrationnelles » et « automatiquement maternelles » et que les hommes doivent être toughs et « en contrôle de leurs émotions en tout temps ») contribuerait aussi au fait d’entretenir des idées stéréotypées sur la violence sexuelle.

Invitation à une réflexion…

Comme tu as peut-être pu le constater, ce n’est pas nécessairement de ta faute si tu as certains préjugés. Veut veut pas, on est modelé à l’environnement qui nous entoure, qui influence nos pensées et nos actions, d’où l’importance de prendre conscience de nos idées préconçues et de les déconstruire. 

Comment faire ? Lire (comme tu fais en ce moment), écouter des vidéos ou des balados (podcasts) sur le sujet (voir à la fin de l’article)… n’importe quelle action pouvant te faire découvrir de nouveaux points de vue. Pas besoin d’y adhérer automatiquement, mais au moins, ça te permet de pousser ta propre réflexion.

À la suite de ta lecture, on t’invite à te questionner sur tes propres idées intériorisées. Pour faire l’exercice, tu peux aussi essayer de te mettre dans la peau d’une personne qui s’apprête à raconter son histoire à quelqu’un·e en consultant l’article « Comment parler de ses traumas sexuels à un·e partenaire ». 

Quelques phrases clés en main 

Le cheminement pour guérir d’une agression à caractère sexuel peut donner l’impression à une personne qu’elle se trouve devant une grande montagne à escalader. Le fait d’avoir une personne-ressource, qui l’accueille et l’accompagne au quotidien, peut être bénéfique tout au long de ce parcours.

Voici quelques exemples de phrases qui pourraient être apaisantes si une personne venait se confier à toi :

  • « Je te crois. »
  • « Rien de tout cela n’est de ta faute. »
  • « Qu’est-ce qui te ferait du bien, présentement ? »
  • « Est-ce que je peux te faire un câlin ? »
  • « Merci de m’en parler. Je suis touché·e par la confiance que tu m’accordes. »
  • « C’est normal que ce soit difficile, en ce moment. »
  • « Ça prend beaucoup de courage pour briser le silence comme tu l’as fait. Je suis fier·ère de toi. »
  • « Est-ce qu’il y a quelque chose que je peux faire qui te ferait plaisir ? »
  • « Ce qui s’est passé ne diminue en rien ta valeur. »
  • « Je vais toujours être là pour toi. »
  • « Tu peux m’en parler quand tu veux. C’est important pour moi que tu aies un espace sécuritaire où te déposer. »
  • « Je connais quelques ressources d’aide. Est-ce que je peux te les partager ? »

Ressources d’aide

Si tu désires partager des ressources d’aide à une personne de ton entourage, ou si tu ressens le besoin de parler, voici quelques ressources qui pourraient t’éclairer en cas de besoin ou de question :

Info-aide violence sexuelle — Ligne téléphonique pour parler à une intervenante de manière anonyme et confidentielle pour les victimes de violence sexuelle et obtenir des ressources.

CALACS — Centre d’aide offrant plusieurs ressources aux femmes survivantes d’agressions sexuelles.

Centre Marie-Vincent — Fondation qui soutient les personnes mineures victimes de violence sexuelle.

CRIPHASE — Centre d’aide pour les hommes victimes de violence sexuelle dans leur enfance.

Juripop — Services juridiques accessibles pour les personnes victimes de violence conjugale et/ou sexuelle.

SOS Violence conjugale — Organisme de soutien de personnes victimes de violence conjugale.

Ligne téléphonique pour renseigner les personnes victimes de violences sexuelles (DPCP) — Tu pourras poser tes questions sur le processus judiciaire à un·e procureur·e du Directeur des poursuites criminelles et pénales spécialisé·e dans le traitement de dossiers de violences sexuelles.

Ressources pouvant t’aider à pousser ta réflexion

Balados

 « CONTACTS : une étape à la fois » — Centre de justice de proximité du Bas-Saint-Laurent

Site web

Petit quiz sur les mythes et préjugés du CIPVAS

Livres

Seul contre elle — Jessica Di Salvio

En finir avec la culture du viol — Noémie Renard

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À propos de Marilou Lampron

Rédactrice pigiste | Pronoms : elle/la | Amoureuse des chats et des couchers de soleil (j’ai beaucoup trop de photos de cotton candy skies dans mon cell), j’ai fait un certificat en psychoéducation avant de compléter mon baccalauréat en sexologie. Je suis intervenante psychosociale auprès des familles à la Fondation Marie-Vincent, qui partage mon rêve de vivre dans un monde exempt de violence sexuelle. Je cherche à approcher le sujet de la sexualité avec douceur et féminisme, en ayant pour but que chaque personne se sente incluse (et un brin divertie) lors de sa lecture.

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