*Ce texte peut paraître de prime abord un tantinet hétéronormatif et mononormatif. C’est que, malheureusement, la grande majorité des recherches portent encore toujours sur des couples monogames homme/femme. Cependant, garde en tête que ce qui suit peut s’appliquer à toutes les configurations de couple et à tous les genres.
On a tendance à croire que le désir sexuel (ou libido) est quelque chose de spontané, qui tombe du ciel, quelque chose de presque magique. Soit on est chanceux.se comme Obélix et on est tombé.e dans une mystérieuse potion magique à l’enfance, soit on a hérité d’un désir sexuel très bas et on ne peut rien y faire.
Donc pour mieux comprendre ton propre désir sexuel, il faut arriver à mieux saisir c’est quoi. D’où sort-il ? À quoi il sert ? Qu’est-ce qui l’influence et pourquoi fluctue-t-il autant à travers le temps ?
Qu’est-ce que le désir sexuel ?
Peut-être es-tu plus familier.ère avec le terme « libido » ? Malgré que ce mot soit encore largement utilisé de nos jours, comme c’est un concept freudien et qu’on n’est pas tant fan de Freud et de ses théories qui frôlent parfois la misogynie, on va s’en tenir au terme « désir sexuel ». De toute façon, ce dernier est plus juste et précis, car le terme « libido » ne s’applique pas qu’au contexte sexuel dans les théories freudiennes.
Helen Singer Kaplan, pionnière en sexothérapie, définit le désir sexuel comme un intérêt d’avoir une activité sexuelle, une pulsion, une attirance, un appétit ou une envie sexuelle qui provoque une sensation de chaleur down there. Ce désir peut varier en fréquence et en intensité tout au long de la vie. Il peut être dirigé vers soi et/ou vers les autres.
Distinction entre excitation et désir sexuel
Alors que le désir sexuel correspond à l’envie d’avoir une relation sexuelle, l’excitation sexuelle est plutôt la capacité physiologique d’en avoir une. En d’autres mots, le désir c’est la sensation de chaleur ou les papillons dans le bas ventre accompagné de pensées, d’images, de sensations et de fantasmes, alors que l’excitation, c’est la réaction physique observable lorsque tu es stimulé.e (ex : pénis bandé ou vagin/vulve humidifié.e).
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les deux ne sont pas systématiquement reliés et l’un n’entraîne pas nécessairement l’autre ! Tu peux ressentir du désir sans excitation sexuelle ou, à l’inverse, être excité.e sexuellement (mouillé.e ou bandé.e) sans ressentir de désir.
Alors qu’est-ce qui influence le désir ?
Ton désir est un melting pot d’interactions entre des facteurs biologiques, psychologiques, culturels, politiques, relationnels, individuels, etc. (Toman et Diamond, 2001 ; Wood, Koch et Mansfield, 2006). Il peut être freiné par des irritants psychologiques ou moraux (turn off) ou, à l’inverse, être facilité par des turn on. Eh non, c’est pas en mangeant un kilo d’huîtres que tu vas influencer ton niveau de désir (« aphrodisiaque » 🙄 ) !
Facteurs individuels
Le désir sexuel varie d’une personne à l’autre et il varie chez une même personne à différents moments de la vie. Ton désir n’aura probablement pas la même intensité à l’adolescence, dans la vingtaine, à 55 ans ou à 83 ans.
Le rôle des hormones
C’est en partie grâce aux hormones, car elles régissent la part biologique de ton désir (psst… on verra que c’est aussi beaucoup entre les deux oreilles que ça se passe !). Comme on le sait, la testostérone influence grandement la sex drive, et ce, chez tout le monde, peu importe ton genre. Mais l’œstrogène aussi a son rôle à jouer dans le désir sexuel. Si tu es équipé.e d’un appareil génital féminin, il se peut que tu notes une variation de ton désir sexuel au cours de ton cycle menstruel ou lors d’une grossesse par exemple — des moments où le taux d’œstrogène varie. Quant à la progestérone, elle, c’est la party pooper d’la gang : elle a plutôt l’effet inverse, car elle inhibe le désir.
Autres facteurs pouvant affecter négativement le désir sexuel
T’sais quand on te disait que ça se passait beaucoup entre les deux oreilles…
- Dépression, anxiété, manque de sommeil, stress, douleurs chroniques
- Image de soi/image corporelle négative
- Antécédents d’abus sexuel ou émotionnel
- Éducation sexuelle ou des croyances religieuses répressives de la sexualité, etc.
- Dysfonctions sexuelles (ex. : dysfonction érectile, vaginisme, dyspareunie
- Difficultés orgasmiques (peut créer un stress et une appréhension de la relation sexuelle, ce qui n’est pas favorable au désir)
- Certains médicaments (antidépresseurs, pilule contraceptive, etc.)
- Conditions médicales liées aux hormones (hyperprolactinémie, hypogonadisme, etc.)
- Consommation de drogues (incluant le cannabis) et d’alcool
Facteurs relationnels
Si toi et tan partenaire vivez une baisse de désir dans votre relation, sache que tu n’es pas seul.e ! Les difficultés liées au désir sont les plus communes… mais elles sont aussi les plus difficiles à traiter (Trudel, 2008). Par contre, inutile de blâmer tan partenaire si c’est ellui qui expérimente une baisse de désir, car c’est avant tout un problème de couple. Il est contre-productif de traiter un.e seul.e partenaire : bien souvent, la thérapie de couple s’impose si le problème persiste (Murray, Sutherland et Milhausen, 2012). Donc, TEAM WORK!
Qu’est-ce qui fait en sorte que le désir s’étiole en couple ?
Au début, quand on tombe amoureux.euse, on est emporté.e par un tourbillon d’émotions qui nous font flotter : c’est la passion ! Aujourd’hui, grâce à la science, on arrive à mieux comprendre ce spark qu’on croyait autrefois mystique.
Dès les premiers instants, le corps produit de la phényléthylamine — cette hormone associée à la passion à laquelle nous devenons en quelque sorte addict. C’est entre autres cette drogue naturelle qui nous fait perdre nos moyens quand on est en amour. Après 18 mois de relation, le corps en produit de moins en moins, et après 3-4 ans de relation, plus du tout 😢 !
Et qui dit passion, dit aussi désir ! Il est donc possible qu’il survienne plus spontanément quand on est passionné.e ! Mais est-ce que ça veut dire qu’on ne désire plus notre partenaire après 3-4 ans de relation ? Pas nécessairement ! Car après la chute de phényléthylamine, c’est l’ocytocine et la sérotonine, les drogues de l’attachement, qui prennent la relève. L’amour continue, mais il se transforme. Il faut alors travailler davantage sur son couple, le stimuler pour garder la flamme, et ce, surtout si on n’a pas établi de bonnes bases dès les débuts (communication, gestion des conflits, etc.).
Notre part de contrôle
À quel point on a de l’influence sur notre niveau de désir ? Quelle est notre part de contrôle ? Qu’est-ce qui le stimule ou, au contraire, l’inhibe ? Comment l’entretenir ?
Comme tu as peut-être pu le déduire, le désir est plus souvent lié à des facteurs psychosociaux (difficultés conjugales, vision de la sexualité, etc.) que biologiques (médicaments, maladies, dysfonctions ou troubles, etc.).
Voici quelques facteurs qui peuvent nuire au désir (Sims et Meana, 2010 ; Trudel, 2008 ; Wood, Koch et Mansfield, 2006) :
- Conflits conjugaux
- Ne pas se sentir respecté.e, compris.e, écouté.e
- Problème de communication (au niveau de la sexualité ou en général)
- Événements de vie difficiles (deuil, perte d’emploi, etc.)
- Consommation abusive de pornographie chez un.e ou les partenaires
- La familiarité (devenir plutôt « ami.e.s » qu’autre chose, se prendre pour acquis)
- Rôles désexualisés (être parent, proche aidant.e, etc.)
- Manque de spontanéité, de romance
- Pensées prenantes (mauvaises prédispositions au « laisser aller »)
- Exigences quotidiennes de la vie conjugale (la charge mentale en est un excellent exemple chez les femmes en couple hétéro particulièrement)
- Stimulation non adéquate (tan partenaire ne sait pas trop comment s’y prendre, par exemple)
- Écart de désir important
- Manque d’éducation sexuelle
- Pression ressentie quant aux attentes vis-à-vis de l’engagement sexuel
- Croyances rigides quant aux rôles de genre (couple hétéro particulièrement)
- Et plus encore
À l’opposé, voici les facteurs sur lesquels tu as de l’influence, si jamais tu veux travailler ton désir sexuel au sein de ton couple (Sims et Meana, 2010 ; Trudel, 2008) :
- Satisfaction conjugale et sexuelle
- Complicité avec l’autre
- Sentiments amoureux et engagement
- Nouveauté
- Habiletés de communication avec le/la partenaire
- Stratégies d’adaptation conjugale (lors de conflits, par exemple)
- Faire preuve d’imagination et de fantaisie
- Attitude positive face à votre sexualité
- Affirmation sexuelle (être capable de nommer ses besoins sexuels, par exemple)
- Permissivité sexuelle (attitude plus libérale face à la sexualité)
- Compatibilité sexuelle (partager des besoins et des attentes similaires vis-à-vis de la sexualité)
- Attirance envers san partenaire, correspondance à ses fantasmes
- Capacité à mettre des mots, décrire ses fantasmes (positivement corrélé à l’augmentation et la richesse des fantasmes)
- Stimulation adéquate (de la part de san partenaire)
- Masturbation (bien connaître son corps)
- Et plein d’autres choses encore
Désir spontané vs réactif
On entend couramment que les pannes de désir touchent plus fréquemment les femmes. Il est vrai que ces dernières sont plus nombreuses à consulter pour cette raison. Mais la sexologue canadienne Rosemary Basson nous a amenés à voir les choses différemment.
Après avoir constaté que 33 % des femmes nord-américaines pensaient avoir un désir insuffisant, Basson a décidé d’étudier la façon dont les femmes hétérosexuelles en couple de longue date vivaient leur désir. Elle propose qu’il y a deux types de désir : le désir spontané et le désir réactif.
Comme son nom l’indique, le premier vient spontanément, telle une envie soudaine ; comme la faim par exemple. Il peut se présenter à un moment pas rapport, quand tu t’y attends le moins. C’est souvent celui-là qui te conduit spontanément vers une séance de masturbation.
Le deuxième survient plutôt en réponse à des stimuli que tu considères comme érotiques. Ça peut être tan partenaire qui te fait un bon massage, un beau set up sensuel aux chandelles accompagné de R&B qui te met dans le mood lors d’une journée où tu es relax et disposée… Comme si les conditions favorables à l’intimité (le respect, la considération, l’affection physique, la communication, la chaleur humaine, etc.) devaient être réunies pour ressentir du désir. Toujours selon Basson, les femmes ressentiraient davantage ce type de désir.
Comme on n’aime pas les stéréotypes de genre ici, on va te dire que plusieurs hommes (ou autres genres) peuvent très bien se reconnaître dans le deuxième type de désir, alors que plusieurs femmes (personnes non binaires, etc.) peuvent ressentir plus souvent un désir spontané. D’ailleurs, depuis, d’autres recherches sont venues à la conclusion que chez certaines femmes, l’intimité était un préalable au désir, alors que chez d’autres, c’était plutôt un gros turn off. Bref, mon point est que chacun diffère en ce qui a trait au type de désir ressenti et que tu n’as pas à te sentir anormal.e si tu ne ressens peu ou pas de désir sexuel spontané.
Si tu souhaites connaître le type de désir qui s’applique le plus souvent à ta situation, on t’invite à compléter le quiz du portrait sexuel. Tu y trouveras aussi des trucs et astuces pour naviguer une relation amoureuse où les partenaires expérimentent leur désir différemment.
Qu’est-ce qu’un désir sexuel normal ?
C’est une question que bien des gens se posent. Mais ma réponse va être plate : il n’y a pas vraiment de fourchette dans laquelle on retrouve des niveaux de désir sexuel « normaux ». C’est vraiment propre à chacun.e.
Alors que certain.e.s n’en ont jamais ressenti (certaines personnes asexuelles, par exemple), pour d’autres personnes, passer une journée sans ressentir de désir sexuel, c’est « pas normal ». Donc il faut se comparer à soi-même et non aux autres.
De toute façon, il y a même une composante héréditaire : on naît avec un certain seuil de désir, qui peut fluctuer grandement au cours d’une vie, et sur lequel on peut avoir une influence, mais il y a une certaine limite de ce qu’on peut modifier.
C’est un peu comme ton apparence corporelle : tu peux faire appel au botox, aux chirurgies, changer ta couleur de cheveux, etc., mais tu ne pourras jamais devenir une tout autre personne en passant de 4’11 à 6’2, par exemple.
Donc si tan partenaire — qui a un niveau de désir sexuel next level — te met de la pression alors que toi tu n’en as jamais vraiment eu, de désir, trouver un terrain d’entente sera plutôt difficile. Évidemment, si t’en as envie, tu peux expérimenter certaines choses, question de booster ton désir (on sait jamais où le pouvoir de la libération sexuelle peut nous mener !), mais tu ne peux pas « te forcer » à en ressentir non plus, malgré tes efforts et ta bonne volonté.
Si t’es vraiment excité.e à l’idée d’apprendre à stimuler ton désir sexuel, voici 2 livres qui ont été prouvés efficaces pour traiter les problématiques liées au désir (on appelle ça de la bibliothérapie, en passant) :
- Hall’s Reclaiming Your Sexual Self
- A Tired Woman’s Guide to Passionate Sex
J’expérimente une baisse de désir : que faire ?
Simple panne de désir temporaire ou problématique plus sérieuse? Réponds aux quelques questions suivantes pour obtenir une meilleure idée des démarches à entreprendre. Est-ce que ça nécessite quelques lectures ou plutôt une consultation avec un.e médecin et un.e sexologue ?
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