TA : mention de violences sexuelles, mention de réactions nuisibles d’un·e partenaire lors d’un dévoilement, mention de culture du viol.
Toute expérience sexuelle traumatisante constitue un sujet qui peut s’avérer difficile à aborder, même si la personne à qui tu te confies t’est digne de confiance. On t’encourage à t’installer un filet de sécurité pour que le tout se déroule le plus délicatement possible. On va ici se concentrer sur la mise en place de ce « safer space ».
L’expression « safer space » ou « espace plus sécuritaire » désigne un cadre à mettre en place pour se protéger de tout élément qui pourrait être perturbateur ou blessant. On emploie ces mots au lieu « d’espace sécuritaire » et « safe space », car la personne n’étant pas seule dans l’espace, on ne peut pas garantir que celui-ci sera 100% sécuritaire pour elle (par exemple, l’interlocuteur·rice pourrait faire un commentaire déplacé ou avoir une réaction inattendue lors du dévoilement). Source : Zook, Makeda, Karen Chan, Frédérique Chabot et Brittany Neron. (2017). “How to guide for educators?” Beyond the Basics: A Resource for Educators on Sexuality and Sexual Health, Action Canada for Sexual Health and Rights: Ottawa, pp. 15-44
Quelles sont les raisons qui te poussent à en parler ?
D’abord et avant tout, on t’invite à réfléchir sur les raisons qui font en sorte que tu t’apprêtes à parler de ton vécu.
Est-ce que c’est parce que tu te sens obligé·e de le faire, car une personne t’a mis de la pression pour dévoiler ?
Est-ce que c’est parce que tu te sens prêt·e à aborder le sujet avec tan partenaire (ou une personne de confiance) ?
Sache que tu as le droit de choisir quand tu as envie d’en parler et à qui tu désires t’adresser (ça peut même être avec un·e intervenant·e qui n’est pas dans ton cercle social proche). Écoute la petite voix qui se trouve à l’intérieur de toi. Même si briser le silence et en discuter avec quelqu’un·e est souvent l’un des premiers pas vers la guérison, personne n’a le droit de te forcer à en parler si tu ne te sens pas prêt·e.
Sois averti·e
En abordant le sujet d’un trauma sexuel que tu as vécu, il se peut que des émotions, sentiments, souvenirs ou images refassent surface. On pourrait comparer ça à une personne qui se souvient et partage une histoire super gênante qui lui est arrivée dans le passé. En la racontant, il peut arriver qu’elle ressente du malaise, qu’elle revive les émotions qui avaient été ressenties à l’époque, et que même des images de l’événement repassent en boucle dans sa tête. Si jamais tu ressens le besoin d’avoir un soutien professionnel immédiat au cas où ce scénario surviendrait, on t’invite à te diriger vers le bas de l’article pour y consulter les ressources.
Comment faire pour aborder le sujet avec un·e partenaire ?
Il se peut que tu désires attendre le « bon » moment pour aborder le sujet avec l’autre personne. C’est normal si tu sens qu’il n’y en a pas, de bon moment. Notre conseil serait de créer ce moment par toi-même. C’est ce qui te permettra que le dévoilement se déroule de la manière la plus adaptée à tes besoins que possible.
Choisis ton moment
Essaie de choisir un temps où tu ne te sens pas rushé·e, c’est-à-dire pendant lequel tu disposes de quelques heures. Le but est simplement de respecter ton rythme et de pouvoir prendre soin de toi après t’être confié·e.
Choisis ton moyen de communication
Tu n’es pas obligé·e d’avoir une conversation en face à face pour parler de ton histoire à une autre personne. D’autres moyens existent pour communiquer. Si tu es une personne qui est moins à l’aise dans les conversations directes, voici quelques moyens, en rafale, qui pourraient t’inspirer à faire ton dévoilement autrement :
- Écrire une lettre
- Faire un enregistrement vocal et l’envoyer à l’autre ou lui faire écouter en ta présence
- Utiliser l’art, comme la peinture ou le dessin pour illustrer comment tu te sens ou encore en faisant écouter une chanson dont les paroles t’aident à mettre des mots sur tes sentiments à tan interlocuteur·rice
- Écouter un film ou un documentaire qui aborde les violences sexuelles avec l’autre personne et en discuter par la suite
- Aller prendre une marche ou faire une randonnée avec la personne à qui tu as envie de te confier
- En parler devant un café ou un repas au restaurant
- Présenter une lecture sur le sujet à l’autre personne
- Fais-le en présence d’un animal de compagnie pour une source de réconfort supplémentaire
Définis tes attentes
Ensuite, pour continuer dans la création de ton « safer space », il est possible d’aborder tes attentes avec l’autre personne avant de plonger dans le sujet. Clarifier tes attentes te permettra de te sentir plus en sécurité dans la discussion et de recadrer au besoin (par exemple, si tan partenaire se met à être très en colère de la situation ou à te poser des questions intrusives et qu’il avait été convenu que ton besoin est de l’écoute et du soutien, tu peux lui rappeler tes attentes afin que la discussion demeure la plus apaisante que possible).
Les réactions possibles
Ce n’est pas tout le monde qui est outillé pour recevoir un dévoilement d’agression à caractère sexuel. Dans le meilleur des univers, les réactions de toustes seraient validantes, remplies d’empathie et de bienveillance. Malheureusement, notre société véhicule une culture du viol qui peut teinter le discours et les croyances de plusieurs quant aux violences sexuelles. Même si une personne a de bonnes intentions, il peut arriver que ses réactions ne soient pas aidantes.
Elle pourrait, par exemple, minimiser les gestes de l’agresseur·se, te juger ou te blâmer, s’énerver ou encore te mettre de la pression quant à la suite des choses.
Un petit rappel que tu n’es pas responsable des sentiments ou des réactions de la personne qui recevra ton témoignage. Beaucoup de gens ayant survécu à un trauma sexuel ressentent de la culpabilité, ce qui les amène parfois à sentir que c’est leur faute si la personne à qui iels se confient réagit fortement.
Tu as le droit de dire à une personne que sa réaction ne te convient pas et de lui demander d’utiliser d’autres mots ou attitudes pour te recevoir. Ça peut être un défi de t’affirmer, mais garde en tête que l’important dans tout ça, c’est de prioriser ton bien-être. Ça prend déjà du courage pour parler de ses traumas ; tu mérites de le faire dans l’ambiance la plus sécurisante qui soit.
Quoi faire après s’être confié·e
Sache que tu peux être vraiment fier·ère de toi d’avoir brisé le silence. On a parlé de limites à installer avec l’interlocuteur·rice avant et pendant le dévoilement, mais tu peux en installer après aussi. On t’explique.
Ce n’est pas parce que tu as parlé de ton vécu que cela t’oblige à y revenir tout le temps après. Cet événement ne te définit pas ; il fait partie de ton histoire, mais ne compose pas ton identité. Tu as le droit de demander la discrétion de tan partenaire ou de réclamer que le sujet soit abordé seulement si c’est toi qui fais le premier pas. Tu as aussi le droit d’en parler, si c’est ce qui te fait du bien.
Fais attention à toi
On te recommande de prendre soin de toi après avoir parlé de ton vécu. Prends du temps pour te faire du bien. Que ce soit d’aller prendre une marche, de binge watch ta série préférée, de coller ton animal de compagnie, de cuisiner ton repas pref, d’écrire tes pensées, de voir tes proches, d’aller faire du sport pour te défouler ou d’aller boire un café dans un endroit qui t’apaise, tu peux t’accorder du temps doux.
Cherche du soutien
Si tu ressens le besoin de parler avec une personne formée professionnellement pour intervenir avec des survivant·e·s d’agression à caractère sexuel, n’hésite pas à contacter les ressources qui se trouvent en bas de l’article. Cela ne t’engage à absolument rien. Ça fait du bien, parfois, de vider son sac à une personne inconnue, qui en plus, est formée pour recevoir des témoignages de gens ayant un historique similaire.
Sois à l’écoute de tes propres besoins
Parenthèse importante : faire le dévoilement de ton histoire ne t’oblige PAS à porter plainte à la police. Si tu désires entamer un processus judiciaire parce que tu sens que celui-ci pourrait t’apporter une satisfaction à long terme, go for it. Par contre, si une personne te force à raconter ton histoire (et que tu es majeur·e, donc qu’il n’y a pas d’enjeux de protection de la jeunesse), tu n’es EN AUCUN CAS obligé·e de le faire.
Au Canada, on parle d’environ 5 à 6 % des cas d’agression à caractère sexuel qui sont rapportés à la police, chaque année. C’est donc une minorité de survivant·e·s qui choisissent le processus judiciaire pour reprendre leur pouvoir.
D’ailleurs, si tu te questionnes à savoir si tu souhaites dénoncer ou non ton agresseur·se, on t’invite à lire notre article de conseils sur le sujet, écrit en collaboration avec Juripop, pour t’aider à prendre une décision éclairée.
Si tu souhaites entamer un processus, mais que maintenant ne semble pas un bon moment pour toi, il n’y a pas de problème. Il n’y a pas de date d’expiration pour commencer un processus judiciaire. Tu peux y aller quand tu te sens prêt·e. Pour guérir, on t’encourage à écouter ton cœur et à entreprendre ce que tu sens qui est le mieux pour toi. ❤️🩹
Vas-y à ton rythme
On espère que tu te sens plus outillé·e pour parler de ton histoire à quelqu’un·e de confiance. Sache que cet article ne t’oblige pas à faire un dévoilement. On t’encourage quand même à briser le silence, car personne ne mérite de rester seul·e avec le poids d’une agression à caractère sexuel et les conséquences qu’un événement du genre peut amener.
Fais-toi confiance.
Après tout, c’est toi qui détiens le pouvoir sur ton propre processus de guérison.
Ressources d’aide
Si jamais tu ressens le besoin de parler, n’hésite pas à aller chercher de l’aide. Voici quelques ressources qui pourraient t’éclairer en cas de besoin ou de question : Info-aide violence sexuelle — Ligne téléphonique pour parler à une intervenante de manière anonyme et confidentielle pour les victimes de violence sexuelle et obtenir des ressources. CALACS — Centre d’aide offrant plusieurs ressources aux femmes survivantes d’agressions sexuelles. Centre Marie-Vincent — Fondation qui soutient les personnes mineures victimes de violence sexuelle. CRIPHASE — Centre d’aide pour les hommes victimes de violence sexuelle dans leur enfance. Juripop — Services juridiques accessibles pour les personnes victimes de violence conjugale et/ou sexuelle. SOS Violence conjugale — Organisme de soutien de personnes victimes de violence conjugale. Ligne téléphonique pour renseigner les personnes victimes de violences sexuelles (DPCP) — Tu pourras poser tes questions sur le processus judiciaire à un·e procureur·e du Directeur des poursuites criminelles et pénales spécialisé·e dans le traitement de dossiers de violences sexuelles.
Bonjour Marilou,
est-ce que cette voie de commentaires me permet de te poser une question ou est-ce que mon commentaire sera affiché sur le site?
Merci d’avance pour ta réponse
Sandra