Malheureusement, les études sur la sexualité sont encore en grande majorité réalisées dans un contexte binaire, d’où l’utilisation des termes « homme » et « femme » dans cet article. On implore ton indulgence !
Dernière heure — on nous apprend qu’il y a de nouvelles informations dans une affaire non résolue datant d’il y a longtemps : la disparition de l’orgasme féminin dans les relations hétérosexuelles.
Rappelons que l’affaire, communément appelée L’écart orgasmique, avait retenu l’attention de la masse lorsqu’une étude publiée en 2017 dans les Archives of Sexual Behavior a révélé que 95 % des hommes cis ont un orgasme lors des rapports hétérosexuels, alors que ce n’est le cas que pour 65 % des femmes. Et si on parle d’une première expérience sexuelle, on tombe à 80 % pour les hommes contre 40 % pour les femmes. (Mettons que l’idée d’un one night est moins tentante quand on sait que tes chances d’atteindre l’orgasme sont plutôt minces…)
Pourtant, quand ces dernières y vont à la mitaine, elles n’ont besoin que de quatre minutes en moyenne pour atteindre l’orgasme — ce qui s’approche de la moyenne de leurs compatriotes ayant un pénis. Bref, en solo, les propriétaires de clitoris arrivent à jouir en moins de temps qu’il le faut pour faire cuire du spaghetti, mais quand un homme cis entre dans l’équation, rien. Où est donc passé l’orgasme féminin ?
Les enquêteur.se.s ont découvert que, malgré les nombreux suspects dans l’affaire et les preuves trop circonstancielles pour pouvoir les accabler, il serait possible de retrouver l’orgasme féminin grâce à l’aide du public.
Plus d’informations, après la pause.
Les suspects dans la disparition de l’orgasme féminin
Mais revenons sur les détails de cette affaire. Qui sont donc les principaux suspects ?
Freud
Ah, Freud. Le fondateur de la psychanalyse. Le OG influenceur du début des années 1900. L’inventeur du terme « orgasme vaginal ». L’homme qui a déclaré qu’une femme n’est pas mature si elle n’atteint pas l’orgasme par voie vaginale (on plaint sa pauvre femme Martha). Bref, l’ennemi juré du clitoris quand on sait sans équivoque que celui-ci est responsable de TOUS les orgasmes féminins.
Avant les propos de Freud, cet organe était plutôt bien connu. Après ? Il disparut des livres d’anatomie et devint reclus de la science et de la culture générale. C’est dire de l’influence de cet « érudit ». Bref, Freud est définitivement impliqué dans la disparition de l’orgasme féminin.
La société sex-negative
Autre suspect dans cette enquête : la société Nord-Américaine dans laquelle on vit.
La sexualité est un tabou, ça ne sert qu’à faire des bébés, on devrait en avoir honte, c’est sale, c’est privé, faut pas en parler, bla bla bla. Ça te dit quelque chose ? C’est parce qu’on vit dans une société sex-negative.
C’est au début des années 1920 que le terme est apparu pour la première fois, à peu près à la même époque où Freud nous lance ses âneries d’orgasme « mature ». On le doit à Wilhelm Reich qui est aussi l’inventeur du terme sex-positive, et dont tu as peut-être entendu parler ou vu passer sur Instagram (#sexpositive). Selon lui, la sexualité, c’est sain et ça gagne à être exploré. #WilhelmForPresident.
Malheureusement, Wilhelm n’est pas devenu président, et malgré quelques progrès, l’Amérique du Nord continue de baigner dans la sexualité négative. L’un des meilleurs exemples, c’est le fait que l’éducation sexuelle (qui est souvent inexistante encore de nos jours) repose uniquement sur la reproduction.
Est-ce que l’orgasme féminin est nécessaire, ou du moins, favorable à faire des bébés ? Peu d’études se penchent vraiment sur le sujet et les scientifiques se contredisent. Mais la croyance générale de notre époque, c’est que non. Ce qui fait qu’on ne nous apprend pratiquement rien par rapport au clitoris puisque celui-ci est « inutile ».
D’ailleurs, ce n’est qu’en 2017 qu’on le représente correctement pour la première fois (avec ses piliers et ses bulbes) dans un manuel scolaire français.
2017 !!!
Au Québec à pareille date ? « Le clitoris ne fait pas partie des concepts prescrits dans [les programmes d’études du système reproducteur au secondaire] » indiquait le responsable des relations de presse du ministère de l’Éducation. 🤦♀️
Avec une attitude comme ça, le pauvre clitoris peut bien se faire délaisser lors des rapports hétérosexuels.
Les relations phallocentrées
Se faire enseigner la sexualité uniquement dans l’angle de la reproduction, ça glorifie aussi les relations phallocentrées, aka, le pénis dans le vagin. Résultat : la pénétration est considérée comme étant le seul acte sexuel ayant de l’importance.
Pas trop de chialage du côté masculin : après tout, quand 95 % des hommes cis hétérosexuels sont satisfaits, pourquoi changer les choses ?
Sauf que la pénétration, c’est loin d’être le meilleur moyen pour provoquer l’orgasme féminin. Le pourcentage varie selon l’étude, mais l’une d’entre elles réalisée aux États-Unis en 2015 a démontré que seulement 18 % des femmes arrivent à atteindre l’orgasme grâce à celle-ci. Ça fait plusieurs insatisfaites.
Bref, promouvoir la pénétration, ça priorise principalement le plaisir masculin.
La priorisation du plaisir masculin
Grâce à Freud, à la sexualité négative, aux rapports phallocentrés, ainsi qu’à bien d’autres choses, l’orgasme masculin a pris toute la place dans le lit.
Pour reprendre les mots si bien dits de Léa Séguin, doctorante en sexologie : « D’emblée, on priorise le plaisir masculin. Il faut que l’homme ait joui pour que ça compte comme une relation sexuelle. Si la femme n’est pas venue et que l’homme oui, on l’accepte très facilement. »
Non seulement ça, mais on se permet d’ajouter que souvent, l’orgasme masculin marque aussi la fin des ébats, que la femme soit venue ou non, comme on nous l’enseigne si bien dans la porno. Comme dirait Pitbull, si bien inspiré de Jules César : I saw, I conquered, I came. Pis la fille, elle ? Too bad.
Pas étonnant, donc, que l’écart orgasmique se soit si bien installé au cœur des relations hétérosexuelles. Pourquoi se « casser la tête » à faire venir la femme quand on nous martèle du mythe que l’orgasme féminin est difficile à atteindre, que c’est la faute de la femme si elle n’y arrive pas, qu’il est inutile, bref insignifiant ?
Retrouver l’orgasme féminin
Mais revenons-en à l’enquête et aux derniers rebondissements. Les enquêteur.se.s sont unanimes. Pour retrouver l’orgasme féminin, on demande l’aide du grand public.
Pas question de mettre des affiches sur les poteaux de téléphone ou des photos sur le dos des cartons de lait. Ici, on fait référence à des gestes concrets que toi ou tan partenaire pouvez poser pour ramener l’orgasme au sein de votre lit, et ce, pour vous deux.
Bref en d’autres mots : comment refermer l’écart orgasmique.
Mieux connaître l’anatomie féminine
Pour refermer l’écart orgasmique, il faut se familiariser avec le corps féminin en général. En partant, si tu sais où se trouve le clitoris et que tu connais sa véritable anatomie, on a déjà un bon pas de fait. Mais outre le fait de pouvoir l’identifier, il faut aussi savoir l’apprivoiser. C’pas juste en la regardant qu’elle se dresse cette p’tite bête-là ! (Jeu de mots voulu — ben oui, ça bande un clito !)
Aucun doute : le clitoris a le rôle principal dans l’orgasme féminin, mais connais-tu les autres zones érogènes qui peuvent contribuer à l’obtenir ? Les lèvres de la vulve, l’entrée du vagin, les seins, le périnée, même l’intérieur des cuisses ne demandent qu’à recevoir aussi un peu d’amour. On te suggère donc de leur donner un peu d’attention avec ta langue, le bout de tes doigts ou peu importe comment, tant que toi et l’autre aimez ça.
Communiquer
Un des piliers d’une sexualité épanouie, c’est la communication. D’abord pour obtenir le consentement, mais ensuite simplement pour se dire qu’est-ce qui fait du bien et se guider mutuellement vers le plaisir. Dire à l’autre ce que t’aimes, c’est normal, même requis. Comment veux-tu qu’iel devine ce qui t’allume ? Oui, les gémissements et autres signes corporels sont de bons indicateurs, mais rien de mieux que des mots pour valider le tout.
D’ailleurs, fake it ‘til you make it, c’est loin d’être le cas pour les orgasmes féminins. C’est plutôt fake it ‘til you die parce que si personne ne remet en question les « prouesses » de tan partenaire, tu risques d’avoir du mauvais sexe à tout jamais. Non merci.
Pourquoi ne pas plutôt t’essayer au dirty talk ? Tu veux qu’une zone en particulier reçoive plus d’attention ? Un petit « je meurs d’envie que tu me touches ici » ou « ouuuuh, oui, continue, c’est tellement bon », ça peut faire des merveilles.
Déconstruire l’idée des préliminaires
Comme le dit si bien Martin Page, auteur du livre Au-delà de la pénétration (qu’on te recommande, d’ailleurs) : « Si la sexualité était une question de plaisir, les femmes seraient moins pénétrées et les hommes le seraient davantage. »
On sait que la pénétration n’est pas la pratique idéale pour combler les deux partis impliqués. Le compromis actuel ? Les préliminaires. Allez, j’te fais plaisir un peu, après on y va avec le plat principal (la pénétration) et hop l’explosion, puis c’est fini.
Non. Enough is enough. Les couples non hétérosexuels l’ont si bien compris depuis longtemps : les « préliminaires » c’est un concept désuet. Toutes les pratiques sexuelles sont égales les unes aux autres. Un cunnilingus, c’est pas un avant-goût. C’est une relation sexuelle complète en soi. SAY IT LOUDER FOR THE PEOPLE IN THE BACK.
Faque découvre ! Explore ! Essaye ! Lâchez-vous lousse, comme on dit, et prenez le temps ensemble de définir les actes qui vous satisfont le plus, sans s’en remettre instinctivement à la pénétration. T’as le droit d’aimer ça, c’est bien correct. Mais tu pourrais aussi aimer autre chose tout autant, voire même mieux !
Prendre les choses en main (littéralement)
Finalement, il ne faut pas hésiter à mettre la main à la pâte. Après tout, on n’est jamais mieux servi.e que par soi-même. Et on est la personne la mieux placée pour savoir exactement quels gestes, quel rythme, quelle pression ou quel jouet peuvent nous amener au septième ciel.
Ce n’est pas une question que tan partenaire n’est « pas assez bon.ne » pour te faire venir. Franchement. On peut-tu s’entendre que l’égo n’a pas sa place dans le lit ! Le sexe, c’est synonyme de plaisir (#sexpositive, tu te souviens ?), pas de performance. Le but, c’est de se faire du bien ensemble. Personne n’a à prouver quoi que ce soit.
On t’encourage donc à glisser ta main ou ton jouet vers les endroits qui te font frémir et à te donner du plaisir à toi-même. Tu peux aussi prendre la main de tan partenaire (avec son consentement, évidemment) et le/la guider vers ce qui te fait du bien.
On te suggère aussi d’explorer la masturbation mutuelle. Ça peut être une expérience sexuelle très enrichissante pour le couple, voire même éducative ! D’une pierre, deux orgasmes comme on dit.
Pour clore l’enquête
Se défaire des structures sociales établies depuis des décennies, c’est pas de la tarte. Et l’enquête ne sera certainement pas close de si tôt. Mais voilà : il n’en tient qu’à nous, la population générale, de retrouver l’orgasme féminin. Et en s’instruisant les un.e.s les autres, que ce soit au lit ou en s’échangeant nos meilleurs trucs lors d’un 5 à 7, on arrivera à refermer l’écart orgasmique, un orgasme à la fois.
Cela dit, avoir un orgasme, c’est pas nécessairement le but ultime de jouer aux fesses (le sexe tantrique, connais-tu ça ?). Si tes rapports actuels te satisfont même sans orgasmes, tant mieux pour toi ! Sauf qu’on s’entend que c’est toujours agréable d’y arriver. C’est comme manger du gâteau : c’est bon tout seul, mais c’t’encore mieux quand y’a du glaçage. 😉
Et si tu fais partie de celleux qui préfèrent le sexe avec orgasme, partage cet article avec ton entourage et/ou tan partenaire. Bref, aide-nous à rallier les troupes pour clore ce dossier une fois pour toutes.
OK chéri! Ce bien tu les as tous touchés
“La société américaine dans laquelle nous vivons” = vie sociale, relations de travail, carriérisme et, surtout, ignorance du physique et du psychisme des femmes (car seuls les hommes comptent). Je vois aussi des religions à un moment donné (“La sexualité est tabou, c’est juste avoir des enfants, on devrait en avoir honte, c’est sale, c’est privé, n’en parle pas”); ou bien certaines religions dogmatiques et maladroites… Merci d’exister. Merci d’avoir écrit.