Cet article est dédié à toutes les personnes queers ou en questionnement du Québec (ou ailleurs dans la francophonie) qui sont à la recherche de repères, de personnes à qui s’identifier. Que ce soit dans la culture québécoise mainstream ou dans les mouvements plus underground, ça fait du bien de découvrir des choses qui nous ressemblent.

Quand j’ai pris conscience que je n’étais pas strictement hétérosexuelle, j’ai eu envie de consommer du contenu culturel queer. Beaucoup de contenu queer. C’en était devenu une obsession (et ce l’ai toujours d’ailleurs). Je ressentais le besoin de m’identifier à quelque chose qui me ressemblait. De m’éloigner des modèles cishétéronormatifs que la société m’avait toujours présentés comme étant la norme. Cette norme à laquelle je devais forcément correspondre, « comme tout le monde ». Je crois que c’est une phase par laquelle presque toutes les personnes queers passent. De vouloir s’identifier, au fond, c’est humain. 

En faisant mes recherches, j’ai réalisé que ce n’était pas si simple de trouver du contenu par, ou pour les queers. Encore moins au Québec. Oui, dans les dernières années il y a eu des progrès. Je ne le nie pas. Mais ce n’est pas suffisant. Je t’explique pourquoi.

Le manque de représentations positives queers au Québec

Il y a de plus en plus d’artistes ou personnalités publiques qui font leur coming out. 

Mais en même temps, il y en a encore qui décident de ne pas le faire publiquement. Peut-être par peur d’être constamment rattaché.e à cette partie de leur identité ou par « crainte de devenir la chanteuse lesbienne du Québec » comme l’avait si bien dit Ariane Moffatt en 2012. T’sais, c’est poche de toujours devoir s’expliquer en long et en large sur une partie si intime de ton identité. Ou pire, de te faire insulter sur les réseaux sociaux suite à un coming out (comme Coeur de pirate en 2016). 

Même si le fait qu’une personnalité publique s’affiche ouvertement comme 2SLGBTQ+ fait du bien à des milliers de personnes de la diversité sexuelle et de genre, il faut respecter leur choix et leurs limites. Ce n’est pas tout le monde qui a cette « fibre militante » ou qui est prêt·e à affronter tout ça. On espère qu’un jour, dévoiler son orientation sexuelle ne sera pas plus un big deal que d’annoncer qu’on a mangé du spaghetti hier soir. D’ici là, respectons celleux qui veulent garder cette parcelle de leur intimité pour elleux et leurs proches.

Il y a de plus en plus de personnages 2SLGBTQ+ à la télé, dans les films, les séries, etc.

Perso, j’ai remarqué cette évolution lors des dernières années parce que je suis une grande consommatrice de séries québécoises depuis forever. Au début, ça m’a fait chaud au cœur de voir plus des personnages trans, intersexes, gais ou lesbiens. Cependant, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer que c’est surtout leurs souffrances, leurs problèmes ou leur désir de conformisme à la société cishétéronormative qui est mis de l’avant (par exemple, dans Fugueuse, M’entends-tu, Fragile, Mémoires Vives, Hubert et Fanny, Une autre histoire, etc.). De plus, ces personnages occupent toujours des rôles secondaires, d’appui à l’intrigue et sont parfois stéréotypés. Enfin, ils sont souvent joués par des acteur·rice·s ne faisant pas partie elleux-même de la communauté. Donc il est où le par et pour ? 

On a besoin de plus de personnes queers en avant-plan, comme personnage principal d’un film par exemple. T’sais le personnage cool et attachant auquel un peu tout le monde peut s’identifier. Qui a de nombreuses facettes outre son orientation sexuelle ou son identité de genre. Pas juste celui qui est victime d’insultes, de discriminations, qui meurt assassiné ou qui est là juste pour faire la lesbienne ou la personne trans de service. 

C’est par la culture et les représentations positives queers comme ça qu’on pourra enrayer l’homophobie pour de bon au Québec. Plus il y aura des coming outs queers chez nos vedettes et plus il y aura de représentations positives queers dans les productions culturelles mainstream du Québec, moins il y aura d’homophobie. Du moins, j’y crois fermement.

En attendant qu’il y ait plus de Sense8, de Orange is the new black ou d’Euphoria, on se rattache à ce qu’on a ici. Parce qu’au Québec, on crée quand même du contenu culturel assez unique et créatif. Je te propose donc ici quelques artistes queers locaux à découvrir (ou à redécouvrir) pour faire rayonner notre culture queer québécoise !

Quoi écouter

Quoi de mieux que de se faire une bonne petite playlist queer ? Évidemment, je t’encourage à acheter le contenu des artistes plutôt que de le télécharger gratuitement. Tout le monde sait qu’au Québec, les artistes ne sont pas particulièrement nanti·e·s !

KAYTRANADA 

Un heureux mélange d’électronique, de hip-hop, de R&B, de dance, de house et de funk, ça te dit ? Si oui, il faut que tu découvres KAYTRANADA (si tu ne le connais pas déjà), un artiste montréalais très talentueux qui a fait son coming out homosexuel en 2016. Il a même gagné deux Grammys en mars 2021 (​​trophée du meilleur enregistrement dance/électronique pour la chanson 10 % et meilleur album dance/électronique) !


Safia Nolin

Se situant à l’intersection de tout plein d’axes d’oppression, pas étonnant que notre société cishétéronormative, lesbophobe, capacitiste, islamophobe, grossophobe, et de victim blaming (sorry not sorry) l’ait pris comme punching bag national. Mais malgré cette haine gratuite, elle brille, car c’est une artiste talentueuse et touchante qui fait de la musique sublime. C’est pour ça que je t’encourage à acheter ses albums, mais aussi à la suivre sur Insta afin de lui envoyer le gros love qu’elle mérite.


Coeur de pirate

Bien connue en France et au Québec, Coeur de pirate a fait son coming out queer, puis pansexuel en 2016, quelques jours après la tuerie d’Orlando dans un bar 2SLGBTQ+, où une cinquantaine d’individus queers ont perdu la vie. Elle dit qu’elle a fait son coming out pour sa fille, afin de lui enseigner que l’amour n’a pas de frontières (genre, religion, etc.).

Ariane Moffatt

Maman de trois enfants et récemment mariée à son amoureuse, Florence Marcil-Denault, Ariane a fait son coming out lesbien en 2012 seulement (alors que son premier album est sorti en 2002). À l’époque, elle mentionnait craindre qu’on la considère comme « l’artiste lesbienne du Québec » et qu’on ramène tout à sa sexualité. Elle est maintenant out and proud alors qu’elle s’affiche publiquement dans les évènements accompagnée de sa femme, qu’elle publie des photos de sa famille homoparentale et répond aux commentaires homophobes sur ses réseaux. En 2015, elle apparaît dans la série lesbienne Féminin/féminin et en 2019, elle fait un spectacle pour la Pride. Je ne sais pas pour toi, mais moi, je suis fan de sa musique qui évolue originalement avec le temps et je suis fière de son parcours !

Roxane Bruneau

Militante 2SLGBTQ+ depuis le début de sa carrière, je t’invite à découvrir Roxane Bruneau et son vidéo-clip À ma manière qui met en vedette plusieurs personnalités québécoises LGBTQ, dont ​​Mathieu Dufour, Gabrielle Marion et Karl Hardy.


Pierre Lapointe

Pour moi, Pierre Lapointe est un classique indémodable. Il aborde les relations amoureuses d’une manière qui transcende les différences d’orientations sexuelles. Il le dit lui-même : « l’amour gai ou hétéro, c’est la même chose […], à la base, on est tous pareils ». Bref, tout le monde peut relate, car les sentiments humains demeurent les mêmes, peu importe ton orientation sexuelle.

Voici un extrait de sa chanson Nos joies répétitives qui le démontre bien :

On embrasse tour à tour des garçons et des filles

Car, pour nous, tout ce qui compte c’est de voir des yeux qui brillent

Mais on rêve secrètement de rencontrer notre amour

Celui qui durera jusqu’à la fin du dernier jour

S’affichant ouvertement comme homosexuel, il est aussi très impliqué pour la cause 2SLGBTQ+.


Hubert Lenoir

Ayant fait parler de lui en masse en 2018 après avoir « deepthroat » l’un des quatre trophées Félix gagnés à l’ADISQ et après avoir montré l’une de ses fesses tatouées d’une fleur de lys éjaculant à La Voix, Hubert Lenoir est excentrique et n’a pas peur de s’afficher tel qu’il est. 

Embrassant fièrement sa part de féminité, Hubert affiche une expression de genre fluide qui en fait réagir plus d’un·e. J’sais pas pour toi, mais moi je trouve que c’est rafraîchissant de voir un artiste briser les codes de genre d’une manière aussi décomplexée ! Sois qui tu es, un point c’est tout. Pourquoi se limiter ?


Calamine

Calamine se taille une place dans le rap game québécois à grand coup de verses féministes, queers et anti-capitalistes. Pour être honnête, je ne la connaissais pas avant d’être tombée dessus par hasard en faisant mes recherches et en la croisant à un spectacle du Festival de la Fierté Montréal deux jours plus tard. Je suis tout de suite complètement tombée sous le charme. 

Les beats sont catchy, son flow est excellent, les paroles clashent vraiment avec celles empreintes de masculinité toxique qu’on entend régulièrement dans le rap classique. Bref, ça fait du bien d’entendre un rap dans lequel on se reconnaît !


Quoi regarder

Écouter (ou réécouter) les films de Dolan

Récipiendaire de plusieurs prix de haut prestige, Dolan a réalisé son premier film à l’âge de 20 ans. Comportant souvent des personnages et des thèmes LGBTQ+, ces films sont de vrais chefs-d’œuvre. Donc c’est le temps de te faire un p’tit marathon cinématographique pour voir ou revoir tous ses films.

  • J’ai tué ma mère
  • Les Amours imaginaires
  • Laurence Anyways
  • Tom à la ferme
  • Mommy
  • Juste la fin du monde
  • Ma vie avec John F. Donovan
  • Matthias et Maxime

Binge watch la série Féminin/féminin de Chloé Robichaud

Réalisée par la cinéaste Chloé Robichaud, la série Féminin/féminin met en scène l’univers lesbien montréalais en suivant la vie de six personnages queers féminins (toutes des actrices québécoises que tu connais sûrement déjà). 

Psssst…au cas où tu voudrais potiner là-dessus, Chloé Robichaud est aussi la conjointe de Katherine Levac et la co-créatrice de la plateforme web et magazine queer lesbien Lez Spread the Word.

Perso, c’est une de mes séries québécoises préférées et chaque fois que j’en parle à quelqu’un·e, personne ne sait de quoi je parle. Pourtant, elle a reçu des critiques positives même en France, aux États-Unis et en Australie. Bon, force est de constater que plusieurs québécois·e·s de moins de 30 ans ne sont pas très friand·e·s de ce qui se fait ici niveau télé. Et je ne peux pas non plus me plaindre que les queers d’ici se tournent vers le cinéma américain pour avoir leur dose de queerness, parce qu’on va s’le dire, les séries qui mettent en vedette des personnes 2SLGBTQ+ au Québec, c’est presque inexistant.

C’est pourquoi cette série est aussi rafraîchissante. En plus, tu peux la regarder gratuitement sur tou.tv. La série se binge watch super bien puisqu’elle compte seulement deux saisons de huit épisodes chacune et les épisodes durent 15 minutes en moyenne.


C.R.A.Z.Y.

Sorti en 2005, le film de Jean-Marc Vallée (aussi réalisateur du Dallas Buyers Club) est considéré comme « l’un des meilleurs films canadiens jamais réalisés » (Encyclopédie canadienne). Perso, moi, il m’a vraiment marqué. Autant pour l’ambiance que pour la trame musicale et le scénario. On aborde des sujets délicats comme les relations père-fils et l’homosexualité dans un Québec des années 1970, encore très conservateur et religieux. Bref, c’est un film culte, à voir et à revoir.


Quoi lire

Michel Tremblay

Dramaturge, scénariste et romancier, Michel Tremblay est à l’origine de plusieurs classiques québécois qui ne se démodent pas (ex : pièce de théâtre Les belles-soeurs, traduite dans une vingtaine de langues). Ayant fait son coming out dans les années 1970, il écrivait déjà sur l’homosexualité dans les années 1950 (!!!). Bref, on t’invite à lire les romans ou aller voir les pièces de théâtre de cet artiste talentueux qui a marqué la culture québécoise de plein de manières.

Gabrielle Boulianne-Tremblay

Actrice, poète et écrivaine, Gabrielle Boulianne-Tremblay a lancé son premier roman en février 2021. La fille d’elle-même est un récit d’autofiction dont l’écriture a débuté il y a 15 ans. À travers sa plume presque poétique, Gabrielle témoigne de son parcours transidentitaire, mais aussi de la violence dont sont victimes les personnes trans. Premier roman d’autofiction francophone écrit par une femme trans à être publié au Québec, c’est un livre incontournable.

Fais un tour à l’Euguélionne

Je pourrais continuer encore longtemps avec la liste de littérature queer, puisqu’il y a pas mal d’auteur·rice·s 2SLGBTQ+ au Québec ! À la place, je terminerais ici en te partageant ma librairie préférée : L’Euguélionne. 

Située dans le Village, juste en face du métro Beaudry à Montréal, elle se spécialise dans la littérature féministe et queer. Donc si tu es en manque d’inspiration pour tes prochaines lectures, fais un tour là-bas et c’est sûr qu’on saura te conseiller.

Anne-Claudel Parr

À propos de Anne-Claudel Parr

Sexologue, Rédactrice | Pronoms: elle/la | Passionnée de plage, de voyage et de salsa, j’ai étudié en science politique, en psychologie, fait un certificat en psychoéducation et en espagnol avant d’atterrir en sexologie et de trouver ma voie (ben oui, c’est long se trouver parfois) ! Féministe intersectionnelle de cœur et de raison et membre de la communauté LGBTQIAP2S+, je pose un regard assez scientifique et théorique sur la sexualité, mais en essayant d’être moins plate que ton prof de socio au cégep. J’espère pouvoir élargir ta conception de la sexualité, dire ce qui n’est pas dit et jaser de l’éléphant rose. Ensemble, on va faire la deuxième Révolution sexuelle ! Embarques-tu ?

Une réflexion sur “Culture queer au Québec : 14 artistes et productions à suivre

  1. Avatar Joce-Lynne Proulx dit :

    Homoromance Éditions, de Montréal, a publié en 2016 et 2022 deux de mes ouvrages ayant comme toile de fond l’homosexualité féminine. Le premier tome décrit l’introspection de cette femme de quarante ans, mariée à un homme, qui découvre chez elle une autre orientation sexuelle. Le deuxième tome fait état de l’actualisation du choix de cette femme de sa vie de lesbienne. Une amie cinéaste me suggère de trouver un ou une scénariste qui saurait utiliser mes livres pour en faire les épisodes d’une série. Comment m’y prendre pour trouver un ou une scénariste? Où aller? Vous avez des suggestions à me faire? Merci de m’avoir lue.

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