Une grossesse qui arrive à l’improviste peut faire ressortir énormément d’émotions. Quand ça arrive, on est confronté·e à la décision de la poursuivre ou de se tourner plutôt vers une interruption de grossesse, ce qui s’avère être le choix de plusieurs personnes. D’ailleurs, selon l’Organisation mondiale de la santé, six grossesses non désirées sur 10 (61%) se sont terminées par un avortement provoqué 1

Il est primordial de comprendre que toutes les raisons qui amènent une personne à prendre la décision d’avoir recours à un avortement sont valides. C’est un cheminement réflexif personnel et unique à chacun·e.

Il est aussi important de reconnaître que vivre une IG peut faire naître toutes sortes d’émotions chez la/les personnes concernées. On te propose donc de t’y sensibiliser au cas où toi ou une personne de ton entourage seriez amené·e·s à les vivre. 

Les différentes émotions qui peuvent surgir de ce processus

Pour certaines personnes, un sentiment de culpabilité ou de honte peut se manifester à la suite d’une IG 6, souvent accentué par l’omniprésence des discours anti-choix dans notre société. Que ça soit nos voisins aux États-Unis qui empêchent l’accès à l’avortement dans certains États ou les personnes qui font du piquetage aux coins de certaines cliniques d’avortement ici, on est constamment submergé·e de ces messages qui ont un impact sur les émotions pouvant surgir à la suite d’un avortement. 

Doux rappel : ce corps n’appartient qu’à toi et tu es la meilleure personne pour choisir ce qui est le plus juste pour ta réalité. Ce n’est pas à la société de te dire ce qui est bon pour toi. 

À l’opposé, dans l’éventail d’émotions qu’une IG peut amener, les personnes y ayant eu recours disent éprouver un sentiment de légèreté et de soulagement 3. C’est comme si toute une montagne de stress venait de se dissiper qu’une tonne de questionnements et d’appréhensions s’étaient volatilisés.

Les sentiments peuvent aussi être mixtes, c’est-à-dire positifs et négatifs, comme ressentir de la tristesse, du regret ou encore une paix intérieure. Chaque personne le vivra à sa façon 3

Il arrive à l’occasion que l’IG fasse ressortir des symptômes dépressifs et/ou de l’anxiété 3, 4, 5. Selon de nombreuses études, le stress émotionnel, les symptômes dépressifs et l’anxiété diminuent progressivement à mesure que le temps passe. Parfois, le temps offre une perspective nouvelle. Une perspective où il y a davantage de place pour de la compassion envers soi, son vécu, sa décision et pour de la douceur envers ce processus.

Les changements possibles concernant notre perception corporelle

Après une interruption de grossesse, tu pourrais aussi vivre des changements au niveau de ta perception corporelle 1. Par exemple, il se pourrait que tu te perçoives d’une façon moins sexuelle ou que tu vives des sentiments négatifs envers ton corps 1

Devenir enceint·e est une situation pour laquelle tu n’as pas eu de contrôle, ce qui peut amener une vigilance envers ton propre corps ou le sentiment que celui-ci t’a trahi.

Il se peut que tu éprouves plus de difficultés à vivre de l’intimité sexuelle avec toi-même ou des partenaires. Ces perceptions envers ton corps peuvent avoir un impact sur ton estime personnelle, ton image corporelle et ta confiance sexuelle 3

Les impacts dans la sphère sexuelle

Outre les émotions vécues, l’avortement peut aussi avoir des impacts dans la sphère sexuelle. Il se peut que tu remarques avoir une baisse de désir ou une plus grande difficulté à atteindre l’orgasme 4, 5. C’est important d’essayer de ne pas avoir de jugement négatif envers toi-même lorsque ça arrive et d’éviter de te mettre une pression de performance. C’est correct et valide de prendre un temps pour s’acclimater aux changements apparus dans ta sphère sexuelle.

Il se pourrait que tu ressentes plus de sensibilité ou de douleur durant les relations sexuelles après avoir eu recours à un avortement. Il est important d’accueillir cette sensibilité, d’être à l’écoute de toi-même et surtout de ne pas hésiter à en parler avec tan partenaire, si tu le souhaites 4.

Et tan ou tes partenaires dans tout ça ? 

Cette grossesse non désirée implique directement une ou plusieurs autres personnes. Que ce soit un·e partenaire d’un soir ou encore tan amoureux·se de longue date, tu as peut-être une idée très claire à savoir de quelle façon tu aborderas la situation avec cette personne, mais tout peut aussi te sembler flou.

Pour toutes sortes de raisons, tu pourrais ne pas vouloir parler de ta grossesse à tan partenaire sexuel·le et garder pour toi aussi ton choix d’avoir recours à une IG. Chaque cheminement a sa place. Rappelle-toi que tu n’es pas seul·e et que tu peux trouver du soutien ailleurs, comme auprès d’ami·e·s, de membres de ta famille ou d’organismes (on t’en propose quelques-uns plus bas) si tu en éprouves le besoin.

Si tu décides d’informer tan partenaire de ton choix d’interrompre la grossesse, sache que tu pourrais potentiellement faire face à l’apparition ou à l’exacerbation de certains enjeux relationnels, ou encore à des problèmes de communication 3.

Dans le cas où tan partenaire sexuel·le aurait souhaité poursuivre la grossesse, il se pourrait qu’iel éprouve de la frustration ou de la déception quant à la décision de l’interrompre et qu’iel soit face à un deuil : celui de ne pas devenir parent, finalement.

Parfois, ce clash entre vous deux/les personnes impliquées peut mettre l’emphase sur la discordance de vos valeurs, ou vous faire réaliser que vous n’êtes peut-être pas rendu à la même place. 

Ce moment où on réalise ne pas vouloir la même chose pour le futur de chacun·e peut nous amener à mettre en doute la relation. C’est pourquoi il se peut que tu sentes une certaine distance entre vous. Parfois, c’est un besoin de solitude qui est présent pour se permettre de vivre les émotions et les questionnements qui surgissent. 

Aussi, cette intimité qui était présente entre vous peut avoir changé. Ce retour à la sexualité après l’IG n’est plus uniquement relié à la dimension de plaisir. Les potentielles conséquences d’avoir une forme de sexualité pénétrative se révèlent avec plus de concret, ce qui peut amener de l’anxiété.

Vivre avec toutes ces nouvelles émotions qui peuvent être envahissantes, c’est déjà une chose. Être en mesure de les verbaliser et de les communiquer à tan ou tes partenaires sexuel·le·s peut alors être perçu comme irréalisable. Par exemple, dire à tan partenaire que tu vis du regret par rapport à la décision alors qu’iel souhaitait poursuivre la grossesse peut être très difficile et complexe. Juste le fait de voir tan partenaire peut te ramener dans ce vécu qu’on voudrait fuir au lieu d’y être confronté·e. 

Puis, parmi tous ces différents parcours, il reste qu’il peut également y avoir de la place pour vivre le moment ensemble, se soutenir et être présent·e l’un·e pour l’autre, malgré les différentes visions ou sentiments qui prennent place. Il se peut que tan partenaire ait besoin d’un temps avant d’être disponible. Des fois, l’écoute et l’accueil peuvent être retrouvés auprès d’autres personnes de ton entourage ou de ressources.

Que faire si ton IG t’affecte négativement ?

Si c’est ton cas, le plus important est d’être en mesure de t’offrir de la bienveillance et un espace pour accueillir toutes ces émotions et ces impacts qui peuvent être déstabilisants. Rappelle-toi que ce moment difficile et ces émotions négatives sont transitoires. Sois doux·ce, patient·e et fais preuve de compassion envers toi-même. Souvent, le temps arrange les choses. Cependant, si ton sentiment de culpabilité persiste, que des symptômes dépressifs commencent à s’installer ou que tes difficultés relationnelles s’amplifient, n’hésite pas à aller chercher de l’aide professionnelle lorsque le besoin est présent.

Et si ce n’est pas ton cas ?

Puis, il est également possible que tu ne ressentes pas ces émotions ou que tu n’expérimentes pas les impacts corporels ou relationnels mentionnés plus haut et c’est tout à fait correct. Tant mieux si tu es totalement à l’aise avec ta décision 2. Au final, cet éventail de possibilités n’est que ça : des possibilités. Chaque personne vit son IG à sa manière et toutes les expériences sont valides.

Tu n’es pas seul·e — Les différentes ressources disponibles

Il existe de belles ressources pour te soutenir et t’accompagner à travers ton expérience d’IG. Voici trois ressources communautaires pro-choix reconnues au Québec qui seront en mesure de t’accompagner dans ta prise de décision (sans manipulation ou jugement) ou à la suite d’une IG : 

  • Grossesse-Secours situé à Montréal : 514-271-0554
  • SOS Grossesse en Estrie : 819-822-1181
  • SOS Grossesse à Québec : 1-877-662-9666

Tu peux aussi aller chercher de l’aide d’un·e sexologue ou d’un·e psychologue. Tu peux d’ailleurs consulter les sites suivants pour trouver un·e professionnel·le :

Quoi faire si tu connais quelqu’un qui vit de l’ambivalence envers une grossesse ou quelqu’un qui a vécu un avortement ? 

Voici quelques pistes afin d’accueillir le vécu de la personne dans une approche de non-jugement et de compassion :

  • Essaye de te mettre à la place de l’autre avec empathie.
  • Offre ton écoute. 
  • Évite de faire des suggestions en fonction de la décision que tu prendrais à sa place. Rappelle-toi que chaque situation, personne ou expérience peut être très différente.
  • Rappelle-lui qu’elle est une bonne personne, et ce, peu importe la décision qu’elle prendra ou celle qu’elle a prise.
  • Renseigne-la concernant les ressources disponibles.

Sources :

  1. Amuchástegui, A. (2013). Body and embodiment in the experience of abortion for Mexican women: the sexual body, the fertile body, and the body of abortion. Gender, Sexuality, and Feminism1(1).
  2. Bearak, J., Popinchalk, A., Ganatra, B., Moller, A. B., Tunçalp, Ö., Beavin, C. … & Alkema, L. (2020). Unintended pregnancy and abortion by income, region, and the legal status of abortion: estimates from a comprehensive model for 1990–2019. The Lancet Global Health, 8(9), e1152-e1161.
  3. Bianchi-Demicheli, F. (2007). Conséquences psychiatriques et psychologiques de l’interruption de grossesse. Revue médicale suisse3 (98), 401-407.
  4. Boesen, H. C., RØrbye, C., NØrgaard, M., & Nilas, L. (2004). Sexual behavior during the first eight weeks after legal termination of pregnancy. Acta obstetricia et gynecologica Scandinavica83 (12), 1189-1192.
  5. Limoncin, E., D’Alfonso, A., Corallino, C., Cofini, V., Di Febbo, G., Ciocca, G., … & Carta, G. (2017). The effect of voluntary termination of pregnancy on female sexual and emotional well-being in different age groups. Journal of Psychosomatic Obstetrics & Gynecology38(4), 310-316.
  6. Kumar, A., Hessini, L., & Mitchell, E. M. (2009). Conceptualising abortion stigma. Culture, health & sexuality11(6), 625-639.
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À propos de Ariane Lacoursière

Bachelière en sexologie & étudiante en pratique sage-femme, rédactrice | Pronoms : elle/la | Grande passionnée de plein air, là où je réussis à me sentir en connexion avec mon être et libre d’alimenter ma flamme spirituelle, j’ai choisi de poursuivre mes études en pratique sage-femme après avoir complété mon bac en sexologie. Par souci d’accompagner les autres dans la transition de devenir parent, je trouve ma place en participant aux luttes féministes entourant les multiples enjeux périnataux contemporains. Que ce soit ceux reliés à la réappropriation de son corps, de son pouvoir d’agir ou encore de ses droits fondamentaux, je souhaite être au rendez-vous, et ce, en faisant rayonner ma queerness! Mon intention première est de prendre soin des autres, et que tu sentes cette vague de bienveillance qui t’est destinée en lisant mes articles.

Une réflexion sur “Ton corps, ton choix : l’éventail d’émotions pouvant être vécues après un avortement

  1. jl.stirling dit :

    Excellent article! J’en aurais pris plus. J’ai l’impression que c’est un sujet très taboo et il manque de livre grand public à ce sujet. J’ai vécu deux avortements. Le deuxième avortement était particulièrement difficile et j’aurais voulu tomber sur cet article pour me sentir moins seule.

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