« J’aime mes menstruations ». As-tu déjà entendu une personne prononcer cette phrase ? Quand je demande à mes ami·e·s menstrué·e·s quel est leur rapport à leur sang menstruel, le discours tend plutôt à tourner autour de : « si je pouvais, je ne serais jamais dans ma semaine », ou bien « le moins j’y touche, le mieux c’est » ou encore « chut ! Parle pas trop fort ! ».
On a intériorisé l’idée selon laquelle on doit cacher notre sang (quelle honte si on laisse par mégarde une goutte dans la toilette ou sur le siège) et on doit encore moins parler de nos douleurs menstruelles (anyway, c’est dans notre tête !).
What if, au lieu de cacher notre sang, on apprenait à l’honorer ? Par honorer, je ne parle pas nécessairement de faire des rituels de sorcier·ère en se peinturant le visage avec (quoique je serais curieuse d’essayer !). Je parle plutôt d’apprendre à apprivoiser et à comprendre nos menstruations pour mieux les accepter. Et ça commence par en parler.
D’où proviennent les tabous menstruels ?
Les menstruations, c’est un peu comme Voldemort. Tout le monde sait qu’elles existent, mais on n’ose pas prononcer leur nom et encore moins les regarder ! On utilise d’ailleurs toutes sortes de code words pour les désigner : les Anglais ont débarqué, avoir ses ragnagna, être dans ses crottes, être indisposé·e, avoir le melon qui se fend — et mon préféré, le clown saigne du nez. En ne nommant pas une chose par son nom, on renforce l’idée selon laquelle la chose ne doit pas être nommée.
On a aussi déjà toustes vécu ce moment où on demande à notre collègue « t’aurais pas un tampon ? » en chuchotant de notre décibel le plus bas, comme si c’était un secret national. Et lorsqu’iel nous donne le fameux objet absorbant non identifié, on le cache immédiatement dans notre sac (digne d’une scène de deal de drogue !). Mais pourquoi s’efforcer à cacher un phénomène pourtant si naturel et vécu par près de la moitié de la population ?
Les tabous menstruels ne datent pas d’hier. Si on remonte à la Grèce antique, l’écrivain naturaliste Pline l’Ancien nous disait qu’il n’y avait rien de plus monstrueux que le sang menstruel. Durant cette période, la personne qui saignait devait s’isoler, et « il [était] interdit à l’homme de reposer avec elle dans le même lit ». Oufff, oui tu as bien lu !
Les discours médicaux et religieux ont contribué à perpétuer l’image du sang menstruel comme étant impur et souillé. Dans les années 1930, des scientifiques occidentaux ont formulé l’hypothèse selon laquelle nos menstruations contenaient des ménotoxines, une sorte de poison. Dire que nos grands-mères ont grandi dans ces fausses croyances ! Sans parler du fameux stéréotype de la personne menstruée hystérique. Bref, on a longtemps été considéré·e·s comme étant sales et cinglé·e·s… Mais rassurez-vous, seulement une semaine par mois !
On est donc conditionné·e·s depuis des siècles à percevoir les menstruations comme quelque chose de honteux qui doit être dissimulé. It’s time to take back our power!
*À noter : je parle ici du discours dominant en Occident, mais plusieurs communautés à travers le monde ont des traditions positives à l’égard des menstruations.
Faire un doigt d’honneur au patriarcat
Parler haut et fort de menstruations, c’est faire exactement ce que la société patriarcale nous a appris à ne pas faire.
Pendant longtemps, les personnes menstruées étaient exclues de la politique. On était supposément « unfit for hard work ». On se souvient aussi qu’en 2015, le magazine Time a déclaré qu’Hillary Clinton a l’âge « parfait » pour être présidente, car elle était une femme ménopausée qui était « biologiquement prête » à diriger. En d’autres mots, son cycle menstruel l’aurait rendue inapte à prendre de bonnes décisions !
Les tabous menstruels ont contribué à nous effacer de la sphère publique et on en ressent encore les secousses. Le patriarcat avait tout avantage à nous maintenir « victimes » de notre cycle au lieu qu’on vive en harmonie avec celui-ci. Honorer nos menstruations est un moyen de changer le paradigme et de faire tourner la roue dans l’autre sens. ✊
Célébrer cette promesse de vie
Le sang, le sang… C’est pas une raison pour avoir honte ! En fait, c’est même une raison pour être fier·ère. Qu’on veuille ou non des enfants, notre utérus a cette capacité à faire émerger la vie sur Terre, et c’est magnifique. Donner la vie ne serait tout simplement pas possible sans les menstruations, qui sont en fait le nid douillet que l’utérus a préparé (qu’on appelle l’endomètre) pour accueillir le futur bébé.
Fun fact: savais-tu que le sang menstruel pourrait sauver des vies ? Les menstruations contiennent (tiens-toi bien) des cellules souches ! Lorsqu’elles sont greffées à un individu, elles peuvent servir à traiter plusieurs maladies, dont le diabète et l’Alzheimer. La prochaine fois que mononc' Guy vous dira que le sang menstruel est sale, vous pouvez lui répondre que demain, c’est peut-être ce sang qui lui sauvera la vie ...! Quand même cool comme superpower, non ?
Atténuer nos douleurs menstruelles
On a tellement entendu souvent qu’il est normal que nos menstruations soient douloureuses qu’on l’a profondément intégré. Pourtant, ce n’est pas normal de souffrir pendant nos règles (difficile à croire, hein ?). Tu peux ressentir un certain inconfort, une gêne, des tiraillements. Après tout, ton utérus est en plein travail ! Mais jamais tu ne devrais souffrir au point de te rouler en boule par terre.
Nos douleurs sont souvent balayées d’un revers de la main, pas prises au sérieux et diminuées. Autant par notre entourage que par le corps médical. Pas étonnant qu’il existe autant peu d’études — et donc aucun traitement — sur l’endométriose et le syndrome des ovaires polykystiques (SPOK).
Pourtant, notre cycle menstruel est un merveilleux indicateur de santé, un reflet de ce qui se passe à l’intérieur de nous. Les douleurs menstruelles sont souvent signe qu’il y a un dérèglement quelque part (une contraception non adaptée, des règles trop abondantes, etc.). Si tu ressens des douleurs pendant tes menstruations, n’hésite pas à consulter un·e gynécologue, un·e médecin ou une sage-femme. Ta douleur n’est pas dans ta tête, et tu n’as pas à la cacher et l’endurer.
En parler plus ouvertement entre nous, c’est aussi un moyen de s’échanger de précieux conseils sur l’alimentation, les postures de yoga à privilégier, les infusions de plantes alliées, et tout ce qui nous fait nous sentir bien pendant notre cycle ! #NormalisonsParlerDeMenstruationsAuSouperDeFamilleUnDimancheSoir (est-ce que ça peut devenir un vrai hashtag, please ?)
Se sentir empowered et bien dans notre corps
Pour ma part, le simple fait d’arrêter la pilule contraceptive et de vivre mon cycle de manière naturelle a vraiment été un game changer. En reconnectant à mon cycle, j’ai appris à mieux me connaître et ça m’a aidée à me sentir en plein pouvoir de mon corps. Hééé que j’aurais aimé que mon médecin me parle d’autres alternatives de contraception sans hormones, au lieu de me prescrire la pilule comme si c’était une évidence…
SAVOIR = POUVOIR, et il est plus que temps que le flux d’informations accessibles et fiables sur le cycle menstruel soit plus abondant (tu catches le jeu de mots ?).
Une question de justice sociale
Combien de fois as-tu inventé une raison pour caller malade à ta job pour éviter de dire à ton employeur que tu étais menstrué·e ? Ou tu as peut-être déjà eu une note de marde dans un examen scolaire parce que ton utérus te donnait du fil à retordre (ou plutôt du sang à expulser) ? T’es clairement pas tout·e seul·e !
Si nos menstruations nous désavantagent au travail et à l’école, c’est parce que le système est fait pour et par des personnes non menstruées. Peut-être que si on nous apprenait à mieux connaître notre cycle au lieu de nous montrer à ravaler nos douleurs sans chialer, on comprendrait qu’on est des êtres cycliques et que c’est donc impossible que notre productivité soit linéaire.
Je rêve d’un monde où le droit au congé menstruel est la norme. Il est prouvé que prendre une journée de repos pour vivre nos règles dans plus de douceur nous rendrait plus productif·ve·s le reste du mois. À méditer…
Un peu d’espoir pour la justice menstruelle.
Plus de 100 municipalités — dont plusieurs arrondissements de Montréal — subventionnent maintenant les produits menstruels durables. Yaaayy on va arrêter de se ruiner pour éponger notre sang chaque mois ! Autre avancée : de plus en plus d’États légifèrent en faveur du congé menstruel, tels que le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, la Zambie, l’Italie et plus récemment, l’Espagne. À quand le Québec ?
On commence à se faire entendre ! Nos voix unies résonnent plus fort.
Pour conclure : comment honorer nos menstruations ?
C’est difficile d’aimer quelque chose qui nous fait mal et qu’on a longtemps appris à détester. Chacun·e à son rythme. C’est aussi parfaitement correct de ne pas être in love avec son cycle. Mais j’vous jure qu’au moins apprendre à l’accepter, c’est déjà immense et tellement bénéfique à plusieurs niveaux. Voici quelques pistes :
Appeler un chat, un chat
Nommer les choses par leur nom, ça nous permet de mieux les accepter et donc de mieux les vivre. Alors, nommons : menstruations, vulve, vagin, utérus.
Parler ouvertement de menstruations
À la lumière de cet article, je crois que ce point parle de lui-même ! Plus on va normaliser jaser de menstruations dans tous les milieux, mieux nos utérus vont se porter.
Prendre soin de soi pendant nos menstruations
Comme l’herboriste-thérapeute Sarah-Maria Leblanc le dit si bien, s’arrêter quelques heures pour saigner en paix dans notre société hyperproductive constitue « un acte d’autosoin féministe presque subversif ! ». Pourtant, prendre un moment pour accueillir nos menstruations chaque mois est non seulement essentiel pour notre bien-être (le repos est le meilleur ami de notre cycle), mais aussi super symbolique pour changer notre rapport à cette période. Ça peut être aussi simple que prendre un bon bain chaud, se faire un automassage du bas ventre aux huiles essentielles, écrire dans un journal, boire une tisane de framboisiers, ou quelconque rituel qui résonne en toi.
Opter pour des produits menstruels sains pour nos corps
Les tampons et serviettes jetables contiennent des produits toxiques pour nos corps (bleach, pesticides, etc.). Choisir consciemment des protections saines comme la coupe ou les culottes menstruelles est indéniablement un geste de self-love (en plus d’être plus écologique). Aussi, lors du nettoyage, on entre en contact avec notre sang, ce qui peut être une belle première étape pour apprendre à mieux l’accepter.
J’espère que cet article t’aura permis d’entrevoir une relation plus rose (ou devrais-je dire rouge) avec tes menstruations. ❤️