T.A. : mention et exemples de violence conjugale, violence physique, violence psychologique, violence sexuelle et de cyberviolence.

Les relations amoureuses occupent une place de plus en plus importante dans la vie des jeunes à l’adolescence. Même s’il existe plusieurs histoires aux arômes d’amour et d’eau fraîche, il peut arriver que la violence s’infiltre dans certaines relations. En tant qu’adulte de confiance, cet article te fournira des pistes pour apprendre à la reconnaître, la prévenir et intervenir à ce sujet.

Violence et relations amoureuses des jeunes : de quoi parle-t-on exactement ?

L’expression « violence conjugale » a fort probablement tendance à te faire penser à de la violence dans une relation plus mature. Le mot « conjugale » étant dans la même famille que « conjoint », ça fait très adulte, comme terme. Et c’est rare qu’on fasse référence à des ados en utilisant le mot « conjoint ». On parle plus de chum ou de blonde.

Par contre, ça ne veut pas dire que les relations amoureuses ou intimes des ados sont des « amourettes » ou des relations sans fond. Il s’agit de relations aussi complètes que celles des adultes… ce qui veut dire que des dynamiques de violence peuvent tout autant s’y glisser.

Au Canada, l’enquête menée en 2017-2018 sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire (HBSC) (qui est la première étude nationale au Canada à se pencher sur la victimisation et la perpétration de la violence dans les fréquentations chez les adolescent·e·s) a fait ressortir qu’un·e jeune de 15 ans sur 3 aurait déclaré avoir été victime de violence dans ses fréquentations.

Plus précisément, 27,3% de ces jeunes auraient rapporté avoir vécu de la violence psychologique, 11,8% de la violence physique et 17,5% de la cyberviolence.

Les jeunes qui vivent des oppressions, comme les jeunes non binaires, seraient aussi plus à risque que les jeunes cisgenres de vivre de la violence dans leurs relations intimes, comme on peut l’observer dans le tableau ci-dessous.

Tableau de PREVNet illustrant la victimisation par genre, parmi les jeunes ayant des fréquentations.
Tableau provenant du site Violence dans les fréquentation chez les jeunes
Journal of Adolescent Health DOI: (10.1016/j.jadohealth.2021.01.032)
Copyright © 2021 Society for Adolescent Health and Medicine Terms

En ce qui concerne la province du Québec, l’Institut national de santé publique du Québec, rapporte que les jeunes Québécois·e·s, peu importe leur genre, sont à risque de subir de la violence dans leurs relations amoureuses. Par contre, les jeunes filles seraient victimes de plus d’épisodes de violence, de plusieurs formes de violence et seraient plus à risque de vivre de la violence sexuelle.

Les jeunes étant à leurs premiers ébats amoureux, il peut leur être difficile de distinguer ce qui est acceptable de ce qui est inacceptable dans une relation. Iels sont dans leurs tout premiers apprentissages amoureux et possèdent, pour la plupart, peu d’outils pour y faire face. 

La violence dans les relations intimes des jeunes n’est pas à prendre à la légère. Elle peut amener des répercussions physiques (conséquences somatiques, c’est-à-dire que le corps réagit à un événement psychologique difficile ; troubles alimentaires, problèmes de consommation, etc.) et psychologiques (perception de soi négative, symptômes de dépression, idéations suicidaires et autres).

Plusieurs formes de violence

En tant que parent ou adulte de confiance, le fait de connaître les différentes formes de manifestation de la violence peut aider à garder un œil sur les relations des ados de notre entourage.

*Les informations suivantes sont tirées du programme Étincelles ainsi que du travail de Hébert, M et coll., (2014), Chapitre 4 : La violence dans les relations amoureuses des jeunes, lui-même tiré du Rapport québécois sur la violence et la santé, Institut national de santé publique du Québec.

La violence physique

La violence physique est probablement la première forme de violence qui nous vient à l’esprit quand on pense à la violence conjugale. Elle fait beaucoup réagir, puisque dans plusieurs cas, elle peut être visible à l’œil nu.

Frapper une personne, lancer des objets ou faire des menaces de violence physique en sont des exemples.

Voici aussi quelques signes pouvant potentiellement indiquer la présence de violence physique : 

  • Lea jeune présente des blessures inexpliquées (brûlures, bleus, fractures)
  • Certains de ses objets de valeur, son téléphone par exemple, sont brisés tandis qu’iel y fait habituellement très attention
  • Ses explications concernant ses blessures sont incohérentes
  • Iel sursaute lors de mouvements soudains près de sa personne ou encore semble nouvellement réticent·e aux contacts physiques à son égard.

Même si cette forme de violence est celle qui est la plus détectable visiblement, cela ne veut pas dire qu’il s’agit de la plus « grave ». Chaque forme de violence amène son lot de répercussions et les conséquences varient de personne en personne.

La violence psychologique

La violence psychologique, elle, est invisible pour les yeux, mais elle est la forme de violence la plus répandue dans les relations intimes des jeunes. De par sa définition, il s’agit de toute forme de « menace, de dénigrement, de tromperies et de contrôle ayant pour effet de compromettre le bien-être d’une personne »*. La violence verbale (insultes, menaces, humiliation) en fait notamment partie.

Critiquer tout ce qu’une personne fait, tenter de l’éloigner de ses proches, manipuler, faire du chantage ou raconter des mensonges sont des exemples de violence psychologique.

Jalousie ≠ amour

C’est normal de ressentir de la jalousie. Souvent, la jalousie cache un sentiment d’insécurité (par exemple, la peur de perdre l’autre personne). Par contre, il existe des façons saines de gérer un sentiment de jalousie, comme partager ses insécurités à san partenaire, lire à ce sujet, aller chercher de l’aide, communiquer clairement ses besoins, etc.

Le fait d’excuser des comportements de contrôle par la jalousie, sous prétexte qu’on « aime trop l’autre personne », par exemple, est inacceptable. Être jaloux·se n’est pas un témoignage d’amour et ça n’excuse pas des comportements inappropriés.

La violence sexuelle

La violence sexuelle dans un contexte de relation intime consiste en toute forme d’acte, geste ou parole, avec ou sans contact physique, envers un·e partenaire pour qu’iel adopte ou subisse des comportements sexuels non désirés.

Faire du chantage en lien avec la sexualité (par exemple, « si tu m’aimais réellement, tu voudrais me faire telle faveur »), partager du contenu intime (notamment des photos/vidéos) à autrui sans le consentement de la personne, poser des questions intimes dans le but conscient de rendre l’autre mal à l’aise et ne pas respecter le choix contraceptif d’une personne (par exemple, l’empêcher d’utiliser un moyen de contraception ou lui imposer un certain moyen) sont des exemples de violence sexuelle.

Si une personne te confie avoir été victime de violence sexuelle, je t’invite à consulter cet article, qui propose des façons de réagir adéquatement et doucement à un dévoilement d’agression.

La cyberviolence

La cyberviolence est une forme de violence qui touche notamment les jeunes. Avec l’omniprésence des réseaux sociaux, cette forme de violence peut se présenter à tout moment, dans tout contexte.

La cyberviolence consiste en le contrôle, le harcèlement, la traque ou l’abus d’un·e partenaire par l’utilisation de la technologie ou des médias sociaux.

Voici quelques exemples de comportements cyberviolents : envoyer à répétition des messages à un·e partenaire de façon à ce qu’iel ne se sente plus en sécurité, accéder aux réseaux sociaux de san partenaire sans son consentement, répandre des rumeurs en ligne sur une personne ou exiger la géolocalisation constante du/de la partenaire.

Le Secrétariat à la condition féminine a d’ailleurs diffusé la publicité suivante à ce sujet à l’hiver 2023 :

Comment prévenir la violence dans les relations intimes de nos jeunes ?

D’abord et avant tout, notons bien que personne n’est complètement à l’abri de vivre de la violence dans sa relation intime. La violence est une dynamique qui s’installe de façon subtile et graduelle, et n’importe qui peut en être victime.

Par contre, il est possible d’outiller nos jeunes à la détecter et à ne pas l’accepter, ce qui contribue à la prévention de celle-ci. Voici quelques éléments qui peuvent les aider à distinguer les relations saines des relations malsaines :

Offrir un environnement sécuritaire à la maison

Un environnement dans lequel lea jeune peut exprimer ses émotions, qu’elles soient agréables ou désagréables, lui permet de comprendre que celles-ci sont valides et qu’elles ne peuvent être diminuées par une autre personne.

À la maison, respecter chaque personne que l’on côtoie et avoir une tolérance zéro envers toute forme de violence montre à un·e jeune l’importance du respect, envers soi et les autres, pouvant l’influencer positivement dans ses relations par la suite. 

Pratiquer la communication 

Exprimer nos propres limites dans notre relation avec lea jeune et l’encourager à le faire peut l’aider à reproduire cette pratique à son tour dans ses propres relations. Lea féliciter lorsqu’iel exprime ses besoins et en être à l’écoute lui permet d’être outillé·e pour les fois où iel aura à le faire dans sa vie personnelle.

Développer des connaissances au sujet de la violence dans les relations amoureuses

Le fait de parler du sujet de la violence dans les relations intimes peut contribuer au retrait du tabou qui y est associé, ce qui fait en sorte que lea jeune se sentira peut-être plus à l’aise d’en parler s’iel vit une telle situation. S’intéresser à ce qu’iel considère sain versus ce qu’iel considère malsain dans une union amoureuse peut l’aider à développer son jugement quant aux situations violentes en relation intime.

Une manière simple et efficace de commencer une conversation à ce sujet peut être d’utiliser des comportements observés dans une série ou un film pour débuter une réflexion. Par exemple, on peut s’amuser ainsi à :

  • Trouver les red flags dans une relation amoureuse entre des personnages
  • Identifier les green flags dans une relation amoureuse entre des personnages
  • Nommer comment on se sentirait à la place d’un personnage si on se faisait traiter comme iel se fait traiter par san partenaire
  • Questionner lea jeune sur ce qu’iel aime et ce qu’iel n’aime pas d’une relation entre des personnages à l’écran
  • Demander à un·e ado s’iel a déjà vécu ou fait preuve de comportements observés à l’écran

Si cet exercice t’intéresse, je te suggère avec enthousiasme le livre suivant : « Mister Big ou la glorification des amours toxiques », par India Desjardins. Dans celui-ci, l’autrice se pose sur comment la fiction peut affecter notre perception du monde, notamment en ce qui concerne les relations amoureuses. Elle aborde en détail l’aspect de violence psychologique, qui est plus présent que ce qu’on pourrait penser dans nos séries et films de divertissement.

Pour en savoir plus ou pour avoir davantage de pistes de discussion, je t’invite à consulter les ressources qui se trouvent à la fin de l’article. ☺

Comment aider un·e jeune qui vit de la violence dans sa relation intime ?

Demeurer disponible et écouter 

Si un·e ado vient te voir et te confie des éléments inquiétants ou sensibles en lien avec sa relation, il est très important de lui accorder ton attention. Ça peut être gênant de partager des éléments de sa relation dont on n’est pas fier·ère. Le fait de lui offrir un espace où iel peut déverser ses inquiétudes, pensées et doutes, est précieux. 

Il se peut que tu sois occupé·e ou pressé·e lorsque lea jeune vient te voir. S’il est vraiment impossible pour toi de prendre du temps dans l’immédiat, il est possible de réserver un moment avec l’ado pour en parler, en exprimant que ce qu’iel amène est très important pour toi et que tu tiens à l’écouter.

Rester neutre et ne pas juger

Lorsqu’on reçoit les confidences d’une personne par rapport à des éléments insatisfaisants dans sa relation, plus particulièrement un·e jeune, il est primordial d’écouter son témoignage sans jugement, même si tu ressens des émotions désagréables en lien avec ce qui t’est confié — ce qui est totalement normal. 

Vivre de la violence dans sa relation intime peut amener de la honte et de la culpabilité. Un·e jeune qui se sent blâmé·e ou jugé·e par la personne à laquelle iel se confie aura tendance à se refermer et à ne plus révéler d’information sur la relation, ce qui peut lea mettre en danger.

Voici quelques phrases qui peuvent être dites pour faire preuve d’une écoute active :

  • « Ça me touche ce que tu me dis. Merci de me faire confiance. »
  • « Je m’inquiète pour toi, à entendre cela. Merci de me l’avoir partagé. Je reste disponible si tu as envie de m’en parler davantage. »
  • « Ça ne semble pas facile, ce que tu vis. De quoi aurais-tu besoin, en ce moment ? »
  • « Merci de m’en avoir parlé. Je ne te juge pas et je vais t’accompagner dans ces moments plus difficiles. »
  • « On va aller à ton rythme. Qu’est-ce que tu peux faire en ce moment pour prendre soin de toi ? »
  • « Je ne peux pas comprendre parce que je n’ai jamais vécu ça, mais je suis là pour te supporter. »
    • Ou, au contraire, si de la violence a déjà été vécue par la personne qui écoute, on peut dire :
  • « Je te comprends, j’ai déjà vécu des choses similaires dans une ancienne relation. Qu’attends-tu de moi ? »

S’informer

Il peut être ardu d’aborder un sujet aussi sensible comme la violence dans les relations intimes. Le fait d’aller chercher de l’information à ce sujet (comme tu le fais en lisant cet article) peut aider à se sentir plus à l’aise d’aborder le sujet avec un·e jeune. À la fin de l’article se trouvent des ressources en lien avec la violence dans les relations intimes. N’hésite pas à faire un petit tour, ou même à les partager à l’ado en question. 

En parler avec l’ado

Aborder le sujet avec lea jeune peut sembler confrontant en premier lieu (pour toi et pour l’ado), mais cela permet de lui partager le fait qu’iel n’est pas seul·e et qu’il lui est possible d’aborder la situation avec toi, même si le sujet est tabou.  

Voici quelques phrases pouvant amener le sujet doucement :

  • « J’ai remarqué que tan partenaire vérifiait souvent ton téléphone. Comment te sens-tu par rapport à cela ? »
  • « Comment perçois-tu le respect dans les relations amoureuses ? Te sens-tu respecté·e dans ta relation actuelle ? »
  • « Je trouve que tu sembles plus renfermé·e dernièrement. Est-ce que tout va bien ? Comment puis-je t’aider ? »
  • « J’ai l’impression que tu vois moins tes ami·e·s dernièrement. Comment ça se fait ? »

Miser sur la sécurité

Sans isoler la personne ou la surprotéger, il peut être pertinent d’élaborer un plan de sécurité avec elle. Le fait d’aborder la situation et d’en parler peut amener lea jeune à te confier qu’iel ne se sent peut-être pas en sécurité dans sa relation.

Par exemple, une liste peut être dressée dans le téléphone (ou sur un bout de papier que l’ado conserve personnellement) contenant :

  • Les noms et coordonnées des personnes de confiance à joindre en cas d’urgence
  • Des ressources d’aide (voir à la fin de l’article) que l’ado peut contacter, par téléphone ou clavardage
  • Trois endroits physiques où lea jeune se sent bien et en sécurité

Prendre soin de soi

Eh oui… s’accorder du temps de qualité fait partie des stratégies à employer pour soutenir une personne dans un moment difficile !

Prendre le temps de décrocher et de faire des actions qui nous font du bien (que ce soit d’aller manger dans un bon resto, d’aller dans la nature ou de ne rien faire du tout et de passer la journée en pyjama devant Netflix) nous permet d’être plus disposé·e·s à aider une personne de l’entourage.

Non seulement ça permet d’être plus disponible pour l’autre, mais ça contribue à montrer un modèle de self-care à l’ado qui te côtoie. Ça peut l’encourager à prendre soin d’ellui dans des temps plus ardus. Rappelons-nous qu’il est normal d’avoir besoin d’aide en tant qu’adulte ou personne en position de soutien. Ce n’est pas parce qu’on prend le rôle d’aider une personne qu’on doit devenir automatiquement invincible. Au contraire, il est bénéfique d’aller chercher de l’aide ou de prendre du temps de son côté dans un tel contexte. ❤️

Ressources

Ressources concernant la cyberviolence :

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À propos de Marilou Lampron

Rédactrice pigiste | Pronoms : elle/la | Amoureuse des chats et des couchers de soleil (j’ai beaucoup trop de photos de cotton candy skies dans mon cell), j’ai fait un certificat en psychoéducation avant de compléter mon baccalauréat en sexologie. Je suis intervenante psychosociale auprès des familles à la Fondation Marie-Vincent, qui partage mon rêve de vivre dans un monde exempt de violence sexuelle. Je cherche à approcher le sujet de la sexualité avec douceur et féminisme, en ayant pour but que chaque personne se sente incluse (et un brin divertie) lors de sa lecture.

Une réflexion sur “Violence dans les relations intimes à l’adolescence : comment soutenir un·e jeune de mon entourage

  1. Janick Seyer Bessette dit :

    Je trouve l’article hyperpertinent pour mes élèves mais bien que je suis assez ouverte sexuellement je sentirais un malaise de le faire lire à partir de ce site. Il y aurait moyen d’avoir l’article sans passer par le site???

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