Sais-tu pourquoi Napoléon ne s’est jamais acheté de maison ?
Parce qu’il a déjà un bon appart (Bonaparte)

Maintenant que j’ai ton attention, on part. 

Tu connais probablement la journée mondiale pour la santé mentale ou encore Bell Cause pour la cause, toutes deux des journées annuelles pour démystifier les troubles de santé mentale et encourager la population à en parler sans tabou. Tu as sans doute aussi déjà entendu parler d’anxiété, de dépression, de schizophrénie ou encore de bipolarité. Bien qu’on en parle de plus en plus, je trouvais nécessaire d’en discuter avec toi, puisqu’un diagnostic de trouble de santé mentale peut avoir des impacts sur la sexualité. 

Une réalité qui touche beaucoup de monde

Mettons la table avec quelques statistiques du Gouvernement du Canada pour démontrer la pertinence du sujet : 

  • En 2022, près de 18% des personnes de 15 ans et plus répondaient aux critères d’un trouble de l’humeur ou d’anxiété, c’est donc 5 millions de Canadien·ne·s ;
  • En 2022, 15,7% des jeunes femmes de 15 et 24 ans souffraient de troubles anxieux ou de l’humeur ;
  • 100% des personnes buvant de l’eau vont mourir un jour ; 
  • La moyenne du nombre de mains par personne dans le monde est de moins de 2. 

Les deux dernières statistiques ne sont pas pertinentes au sujet, mais sont tout aussi *mind blowing*. En fait, une personne sur 10 vivait avec un trouble de santé mentale en 2020-21, c’est donc une problématique que plusieurs milliers de personnes rencontrent. Aujourd’hui, on t’invite à te sensibiliser aux impacts que le diagnostic en tant que tel ainsi que la médication qui y est reliée peuvent avoir sur la sexualité. Parce qu’on n’en parle souvent peu et qu’on a envie que tu sois plus outillé·e pour les naviguer si jamais il t’arrive de les vivre (ou d’avoir un·e partenaire qui les vit).

TW : Le sujet abordé dans l’article aujourd’hui peut être difficile pour toi. Plusieurs ressources existantes peuvent t’aider, notamment des lignes d’écoute qui sont disponibles 24h/24h comme Tel Jeune ou encore Tel Aide. N’hésite surtout pas. Sinon, j’ai entrecoupé l’article de devinettes pour changer le mood trop sérieux.

Les troubles, la médication, la sexualité… alouette

D’abord, un petit rappel au cas où tu ne serais pas familier·ère avec le sujet : un trouble de santé mentale est une affectation de la pensée, de l’humeur et/ou du comportement d’une personne perturbant son fonctionnement quotidien et pouvant entraîner beaucoup de détresse. Une personne souffrant d’un trouble anxieux ou encore de l’humeur, incluant la dépression ou encore la bipolarité, verra une ou plusieurs sphères de sa vie affectée par son trouble.

Une de ces sphères, comme tu t’en doutes sûrement, peut être les relations intimes, sexuelles ou encore amoureuses, même si un trouble de santé mentale n’équivaut pas automatiquement à des difficultés relationnelles ou sexuelles. D’ailleurs, on rappelle qu’une difficulté sexuelle en est une seulement si elle amène un sentiment de détresse à la personne qui la vit. En gros, si tu trouves que tu éprouves moins de désir sexuel durant ta dépression, mais que c’est le dernier de tes soucis, c’est tout à fait correct !

Il est aussi essentiel de mentionner que si certaines difficultés ou limites se font sentir, il y a une kyrielle de facteurs pouvant en être la cause, comme les symptômes du trouble en tant que tel, les effets de la médication (on y revient dans quelques instants) ou encore d’autres facteurs externes, comme l’usage de substances, de l’anxiété de performance, des traumas ou encore la peur du rejet. La fin de la série Gilmore Girls est aussi un facteur non négligeable pouvant être la cause d’un trouble de l’humeur, entre autres. Au final, c’est important de regarder la situation dans son ensemble. Ça peut amener des éléments de réponses ou de nouvelles pistes de réponses à nos questionnements.

Les troubles anxieux

Un trouble anxieux décrit une personne vivant avec de l’anxiété si excessive et souffrante qu’elle affecte son comportement, ses pensées, ses émotions et son fonctionnement au quotidien. Les personnes atteintes peuvent ressentir de l’anxiété la plupart du temps ou présenter des épisodes d’angoisse courts et intenses. Les troubles anxieux regroupent, entre autres, les attaques de panique, le trouble panique, le trouble d’anxiété généralisée, la phobie sociale, l’agoraphobie et j’en passe. L’anxiété peut souvent se faire ressentir par des soucis excessifs, une difficulté à contrôler les préoccupations, une sensation d’être à bout, de la tension musculaire et une perturbation du sommeil.

Évidemment, chaque expérience est unique, mais en ce qui concerne la sexualité, une personne souffrant d’un trouble anxieux peut avoir des soucis excessifs par rapport à son image corporelle (ce qui peut jouer sur la satisfaction sexuelle), une crainte de faire une attaque de panique durant l’excitation sexuelle ou encore avoir une appréhension excessive liée à la performance et à l’intimité. Quand le p’tit hamster tourne en rond dans le cerveau, ça laisse peu de place au laisser-aller, et donc, au plaisir.

Et les médicaments, eux

Pour pallier les difficultés d’un trouble anxieux, les benzodiazépines sont une classe de médicaments qui peuvent réduire l’anxiété, faciliter le sommeil et relaxer les muscles. Bien que ces médicaments n’aient pas d’effets directs sur la sexualité, comme une diminution du désir ou des difficultés érectiles, des effets secondaires peuvent survenir, comme de la somnolence, la sédation, des étourdissements et la perte d’équilibre, ce qui peut nuire indirectement à une vie sexuelle épanouie.

Les troubles de l’humeur

Ces troubles impliquent un déséquilibre de l’humeur, soit par de longues périodes de tristesse excessive, ou des périodes de gaieté et d’exaltation intense appelées « phases maniaques ». Bien que tout le monde ressente ce type d’humeur, le trouble décrit des humeurs intenses qui durent dans le temps et qui sont accompagnées d’autres symptômes qui vont nuire au fonctionnement quotidien. Ces troubles incluent notamment les troubles dépressifs (la dépression, la dysthymie) et les troubles bipolaires.

Dans certains cas, les personnes souffrant d’un trouble de l’humeur peuvent utiliser la sexualité pour réguler leur humeur, c’est-à-dire que certaines personnes peuvent avoir des relations sexuelles pour être de bonne humeur ou encore comme moyen de se relaxer. On peut donc constater une augmentation du désir ou encore de la masturbation. 

Cependant, la majorité du temps, on peut observer une diminution du désir et de l’excitation et des troubles de l’orgasme. Inversement, il est possible que des troubles sexuels soient eux-mêmes à l’origine de symptômes anxieux ou d’une légère dépression, il est donc important d’identifier la cause pour opter pour une solution adaptée ! 

Les effets secondaires des antidépresseurs

Pour pallier aux difficultés causées par les troubles de l’humeur, les professionnel·le·s suggèrent la prise d’antidépresseurs. Certains antidépresseurs peuvent provoquer une augmentation du désir chez les patient·e·s. Par contre, d’autres prescriptions peuvent engendrer une baisse de désir ou encore des troubles sexuels comme l’éjaculation retardée, des troubles de l’érection, l’absence d’orgasme ou la difficulté à l’atteindre. Tu peux d’ailleurs lire le témoignage de notre collaboratrice Marie-Christine à ce sujet. 

Certains effets secondaires pour les médicaments peuvent même aller jusqu’à un engourdissement des organes génitaux, des douleurs au moment de l’orgasme ou encore du priapisme, qui est une érection du pénis anormalement prolongée pouvant être douloureuse. Dans les effets non spécifiques, la prise d’antidépresseurs peut aussi causer un gain de poids, des nausées et des étourdissements, ce qui peut nuire indirectement au désir et aux relations sexuelles. Puisque les effets secondaires peuvent grandement varier d’un type d’antidépresseurs à un autre, il est important de bien choisir celui qui nous convient le mieux.

Quel est le nom de la mamie dont tout le monde a peur ?
Mamie traillette…

Les troubles psychotiques

Les troubles psychotiques affectent le fonctionnement du cerveau en modifiant les pensées, les croyances et/ou les perceptions, notamment par des hallucinations, des idées délirantes ou des discours désorganisés. Selon la gravité des troubles, la distinction entre la réalité et l’imaginaire peut être difficile. L’épisode « psychotique » fait référence à la période durant laquelle la personne présente les symptômes, c’est-à-dire qu’elle perd plus ou moins le contact avec la réalité puisque ses pensées, ses émotions, ses sentiments et ses comportements peuvent être affectés. Les troubles psychotiques comprennent, entre autres, la schizophrénie, le trouble schizoaffectif, le trouble psychotique, le trouble délirant et j’en passe.

Quelqu’un qui souffre d’un trouble psychotique peut devoir vivre avec des hallucinations, une agitation ou une pensée désorganisée, un manque d’énergie, une apathie, une perte d’intérêt ou encore être porté·e à s’isoler. Ce sont tous des symptômes qui, indirectement, peuvent affecter considérablement les relations intimes, amicales et amoureuses. Les antipsychotiques, la classe de médicaments qui sont souvent prescrits pour ces différents troubles, peuvent amener plusieurs effets secondaires, comme la baisse du désir sexuel, des difficultés érectiles, une diminution importante de la lubrification naturelle, une éjaculation retardée et une anorgasmie.

Qu’est-ce que Platon fait quand ça le démange ?
Il Socrate…

On fait quoi si certains de ces impacts nous concernent ?

Si tu vis toi-même avec un trouble de santé mentale, tu es peut-être familier·ère avec certains des impacts qu’on te mentionnait plus tôt. Rappelle-toi que chaque situation soit différente et n’oublie pas d’être doux·ce et indulgent·e envers toi-même avant tout. Tu peux aussi prendre un rendez-vous avec un·e sexologue pour parler de ce que tu vis et trouver des solutions à ta situation ou encore en parler à un·e médecin pour discuter des options qui s’offrent à toi, comme peut-être un autre médicament ou une différente dose.

Trop d’informations… ou pas assez ? 

Aussi, comme la communication est la solution à beaucoup de choses et qu’avoir du soutien peut souvent faire toute la différence (ça vaut pour tout dans la vie), si tu es en relation avec un·e partenaire, tu pourrais vouloir lui parler de ton diagnostic et de ses impacts. Mais il se pourrait aussi que tu aies en tête plusieurs obstacles te décourageant de le faire, comme : 

  • La peur du rejet, ou encore le changement dans la façon dont l’autre personne te voit ;
  • Les préjugés ou encore les fausses informations et croyances que tan partenaire peut avoir ; 
  • La peur de la stigmatisation ou d’avoir une étiquette sur le front mettant de l’avant ton trouble avant toute autre information sur toi. 

Avant tout, sache que c’est normal de craindre de dévoiler ce genre d’information à quiconque. Aussi, avoir un diagnostic et vivre avec, ça peut être un long processus d’acceptation. On doit souvent traverser plusieurs étapes avant de penser à en parler. Quelques éléments pourraient t’amener à penser que c’est le moment d’en discuter avec tan partenaire : 

  • Quand tu te sens en sécurité et en confiance avec la personne ; 
  • Quand les symptômes du trouble influencent ton comportement ; 
  • Quand certains éléments concrets peuvent t’aider (comme te faire caresser les cheveux ou plutôt te laisser un temps seul·e avant de discuter)  ; 
  • Quand la relation devient sérieuse. 

Cela étant dit, l’élément le plus important est d’écouter ton instinct ! Toi seul·e sais quand le moment est le bon pour dévoiler un pan de ta vie à tan partenaire. N’hésite cependant pas à te répéter que ton diagnostic ne constitue pas l’entièreté de ton identité et que, bien qu’il fasse partie de toi, tu peux te définir par autre chose que ce dernier. 

Au final, l’individualité est importante à prendre en compte lorsqu’on parle d’un trouble de santé mentale, c’est-à-dire que chaque personne est différente et un même trouble peut s’illustrer de manières différentes chez chacune d’entre elles. Les effets de la médication suivent le même principe. Si tu vis présentement avec un trouble de santé mentale ou si c’est plutôt le cas de tan partenaire, le mot d’ordre est la patience et l’ouverture d’esprit. Plus on discute de ce sujet, plus on pourra démystifier certaines informations qui l’entourent.

Sur ce, je retourne à ma 9e écoute de Gilmore Girls, parce que les vrais savent : qui dit automne et sweater weather, dit relation fusionnelle avec Lorelai et Rory. Ciao !

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À propos de Sophie Bouchard

Travailleuse sociale en formation et rédactrice pigiste | Pronoms : elle/la | 2 vérités, 1 mensonge : fan de blagues trop poussées, snake lover et sportive quelques heures par semaine. J’étudie à la maîtrise en travail social après un bac en psychologie, je suis travailleuse de rue et enseignante de psycho au Cégep (et oui, un peu essoufflée !) Je découvre depuis quelques années le féminisme intersectionnel dans mon domaine et la beauté d’une sexualité sans tabous. Comme dirait ma mère : quand il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir ! J’aimerais discuter avec toi, au fil des articles, de sujets sociaux quelque peu oubliés, mais ô combien importants. Enchantée !

Une réflexion sur “Santé mentale et sexuelle : une relation compliquée, mais inestimable

  1. pierre dit :

    Bonjour,
    Je suis un homme de plus de 50ans, à l’âge de 28 ans on a découvert que je souffrais de troubles bipolaire de type2. À partir de ce moment toute ma vie a changé, j’ai du apprendre à vivre à les traitements et les variations plus ou moins sévères de mes humeurs. La bipolarité a mis un grand coup de frein dans ma vie sociale de tous les jours, cette pathologie psychique a fait le vide au tour de moi, je n’ai plus d’ami, il ne me reste plus que mes proches et certains collègues de travail comme liens sociaux. Ma libido a été mise en sommeil avec la prise d’antidépresseur et de lithium.Et aussi difficile d’avouer à une partenaire que l’on est bipolaire, quand je le fais elle se sauve donc je subis une double peine ma pathologie et la solitude affective. Ma “sexualité” se résume à une “sexualité” de solitaire qui ne vit que de fantasmes dont celui d’une vie d’un homme “normal”, je fais appel régulièrement à la masturbation faute de mieux afin d’évacuer une certaine frustration liée à ma condition. Peu de femmes en dehors de mon entourage proche ne peuvent s’imaginer la souffrance que l’on subit au quotidien et de l’isolement affectif et sentimentale dont on est la proie cela est très difficile à vivre et à supporter.
    En lisant votre article, je me suis rendu compte à quel point la France était en retard pour le traitement des pathologies psychologiques ou psychiatriques pour la prise en compte réel de ces dernières. J’ai été sous lithium durant 19 ans puis les effets secondaires sont apparus au point de l’abandonner de façon définitive. En 2023, je suis sous régulateur d’humeur et anxiolytiques (si besion) ce qui entraine le soir une certaine somnolence qui peut apparaître aussi bien en journée ce qui ne favorise pas les liens (nombre de sorties le soir limité), limite les déplacement en voiture (troubles de la vision nocturne et de moins bons reflexes à la conduite). Pour tant je suis dans l’obligation de continuer à avancer et à travailler si non je me retrouve sans domicile, sans traitement et seul (la “mort sociale” en résumé).
    Tout ce que je décris la, c’est du vécu, un témoignage sur la vie quotidienne d’une personne bipolaire!
    Je ne sais pas si j’aurai des retours (commentaires) concernant mon témoignage, je remercie toutes celles et tout ceux qui auront pris le soin et le temps de lire ce message et qui peut être voudront échanger ou apprendre à me connaître car cette pathologie ne fait pas de moi un ” monstre” juste un homme hors “norme” encore faut il définir ce qu’est la “normalité” humaine de nos jours?
    Au plaisir de vous lire?
    Codialement

    1. Anne-Claudel Parr dit :

      Bonjour Pierre,

      Merci sincèrement pour le partage courageux de votre vécu avec la bipolarité. Votre témoignage met en lumière la force nécessaire pour affronter les défis de la bipolarité, y compris ceux liés aux relations sociales, à la stigmatisation des troubles mentaux, à la gestion des traitements, et à la vie intime.

      Exprimer ces émotions et partager ce fardeau avec des partenaires peut être complexe, et les réactions peuvent grandement varier. La bipolarité étant une expérience unique pour chaque individu, il est parfois difficile pour autrui, quel que soit son genre, de saisir pleinement les défis auxquels vous êtes confronté.

      Sachez que vous n’êtes certainement pas seul dans votre parcours et que votre témoignage peut contribuer à briser le silence et à sensibiliser les autres tout en offrant une meilleure compréhension de la bipolarité.

      Votre bipolarité ne fait certainement pas de vous un « monstre », et votre question sur la « normalité » souligne une réflexion essentielle sur la diversité humaine.

      N’oubliez pas qu’en France comme au Québec, de nombreux organismes dédiés aux personnes vivant avec un ou des troubles de santé mentale (ou encore, rencontrant quelconques problématiques au niveau relationnel ou sexuel) offrent des groupes de soutien. Cela pourrait être une piste intéressante à explorer afin de ventiler avec d’autres personnes ayant un vécu similaire et ainsi, contribuer à briser l’isolement (et qui sait, peut-être rencontrer quelqu’un!).

      Bien à vous,

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