T.A. : Mention de violence sexuelle et de culture du viol. Descriptions et exemples de mythes et de préjugés sur les violences sexuelles. Exemples de banalisation, de minimisation, de justification et d’invalidation de la violence sexuelle.  

« Elle a été se coucher sur le lit escamotable. Elle a été prendre sa douche. Déjà, en partant, prendre ta douche avant de te coucher… Si ça ne te tente pas, tu t’organises pour ne pas sentir bon… »

CFYX, Rimouski

« Mais qu’est-ce qu’elle faisait là ? Imagine le party lui, là. Il vient de se séparer d’avec sa femme puis sa plus belle collègue arrive dans son lit… »

Cogeco, Saguenay

Choquante façon de commencer ta lecture n’est-ce pas ? Ça l’est encore plus quand on sait que ces paroles ont été tenues en avril 2023 par des animateurs radio en lien avec la poursuite qu’a faite Catherine Fournier, mairesse de Longueuil, pour agression sexuelle. La culture du viol… encore in en 2023 ? Malheureusement, plusieurs faits y contribuent toujours.

De nombreux mythes à l’égard des violences sexuelles se propagent encore et sont à la base des commentaires comme ceux que tu viens de lire, en plus de contribuer à la revictimisation des personnes ayant vécu ces violences. On t’invite à en déconstruire quelques-uns.

Un mythe, ça mange quoi en hiver ?

Le Robert définit un mythe comme une « image simplifiée que les gens élaborent ou acceptent au sujet d’un individu, d’un groupe ou d’un fait ». Cet ensemble de croyances illusoires donne une force particulière à un phénomène et influence les comportements face à celui-ci. 

Les mythes ne sont donc pas des faits, mais parfois, leur répétition, dans nos différents milieux de vie, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, leur donne une popularité qui nous amène à les considérer comme tels. Pas besoin de chercher plus loin, si tu les as déjà entendus quelques fois et par Pierre, Jean, Jacques, c’est sûrement parce que c’est vrai. 

Détrompe-toi, ça peut être le fun de jaser de la pseudo-existence d’Hercule, d’Ulysse et de toute cette gang-là, mais pas mal moins cool pour ta chum de fille d’entendre par plusieurs bouches qu’elle a provoqué l’agression qui lui est arrivée en s’habillant avec une jupe courte. 

« Moi, ça ne m’arrivera pas, parce que… »

Pour qu’un mythe persiste, il faut qu’il y ait des gens qui y croient. Donc, qu’est-ce qui motive quelqu’un à écrire sous une nouvelle sur Facebook, qui fait état d’une agression sexuelle à la sortie d’un bar, que si la personne victime n’avait pas consommé d’alcool, ça ne lui serait jamais arrivé ? 

  1. Manque de connaissances ?
  2. Peur ?
  3. Besoin inconscient d’attribuer des caractéristiques ou des comportements aux victimes afin d’être ou de faire autrement ? 

Eh bien, toutes ces réponses ! Dans celles-ci auraient également pu s’ajouter le patriarcat, la misogynie internalisée, la socialisation genrée, la sexualité définie comme étant la même pour tout le monde et j’en passe… mais ces concepts méritent leurs articles à eux seuls. 

En plus d’être une conséquence directe du manque de connaissances justes à l’égard de la problématique des violences sexuelles, les mythes omniprésents qui y sont associés découlent aussi d’une peur consciente et inconsciente d’en être victime. Évidemment, t’es plus que normal·e si ça te fait peur.

Si + ça – ça ÷ si = ?

L’enjeu, c’est que les mythes populaires laissent sous-entendre que si la personne victime s’était comportée différemment avant la situation, s’était habillée autrement, avait réagi d’une autre façon pendant et après, ou avait fait ou ne pas fait telle ou telle chose, la violence sexuelle n’aurait pas eu lieu.

Quand on adhère à ces idées, on peut croire inconsciemment que si nous, on agit différemment, qu’on s’habille d’une autre façon, qu’on fait ou ne fait pas telle action, qu’on dit ou ne dit pas telle chose, qu’on en sera miraculeusement protégé·e.

Formule mathématique simple : plus de si, moins de ça, la peur diminue et le risque disparaît. Pourtant, une femme sur trois et un homme sur six subiraient une agression sexuelle au cours de leur vie. Est-ce que c’est parce qu’iels n’ont pas trouvé la bonne réponse ? Clairement pas si simple que ça finalement. 

« Ouin, mais t’as un peu couru après. » 

« T’avais juste à pas t’habiller de même .»

« T’avais juste à pas frencher avant. »

« T’avais juste à pas prendre d’alcool. »

Ben oui, un coup parti, t’avais juste à compter jusqu’à 4891, passer ta journée sur une jambe et fermer l’œil droit chaque 43 secondes. 

En insinuant que la victime a provoqué son agression sexuelle en raison de son habillement, de son attitude ou de ses actions, on la responsabilise. On minimise le caractère traumatique de l’agression sexuelle et on justifie l’acte qui a été commis. 

Perpétuer ce genre de mythe et de propos, ça fait en sorte d’isoler les victimes, d’accentuer leur crainte de ne pas être cru·e·s et ainsi, de réduire les probabilités qu’elles décident de dénoncer (des probabilités qui sont souvent déjà minces, surtout quand on se situe à l’intersection de plusieurs types d’oppressions). Tout ça en justifiant le pourquoi l’agresseur·se a agressé… Étrange. 

Dis-moi comment t’étais habillé·e et je vais te dire pourquoi ça t’est arrivé. 

Une étude réalisée en 2019 par Amnesty International auprès de 2300 belges a recensé que 43% des répondant·e·s estiment qu’il existe des circonstances atténuantes au viol et que 16% croient que la victime est responsable de son viol si elle était habillée de façon sexy ou soi-disant provocante. Encore choqué·e ? Je te comprends. 

Pour répondre à l’énorme responsabilité qu’on donne à de simples vêtements, prends une minute pour regarder l’exposition Que portais-tu ce jour-là ? qui a vu le jour en 2013 à l’Université d’Arkansas. Lis aussi le poème What was I wearing de Mary Simmerling qui l’a inspirée. Est-ce que le fait de concevoir une exposition complète pour montrer les vêtements portés par des victimes d’agression sexuelle lors de l’évènement est un signe qui démontre que la responsabilité n’est vraiment pas mise à la bonne place ? Oui. 

Tu peux avoir les jambes à l’air, crouser, consentir à certains contacts sexuels, prendre des drinks avec tes ami·e·s, vouloir être sexy, fréquenter différentes personnes, avoir du fun, aimer le sexe, etc. : rien de tout ça ne vient justifier une agression sexuelle. Ce qui provoque une agression, c’est le choix fait par l’agresseur·se au moment de la commettre. Point final. 

« Ouin, mais comprends qu’iel pouvait pas se retenir, c’est comme une pulsion. »

38% des hommes et 43% des femmes qui ont répondu à l’étude présentée plus haut croient que les pulsions sexuelles sont incontrôlables et que les besoins liés au sexe, spécifiquement ceux des hommes, sont irrépressibles. En d’autres termes, ce n’est pas la faute de l’agresseur·se, c’est la faute de sa pulsion. 

Faisons le parallèle avec un autre type de besoin. Est-ce que tu serais à l’aise avec l’idée qu’une personne mange le banc de ton auto, parce qu’elle est incapable d’attendre d’être au resto et de contrôler sa pulsion de manger ? Sûrement un petit malaise, hein ? Tu te demanderais peut-être pourquoi elle n’a pas juste contrôlé son envie quelques minutes de plus afin de trouver une façon acceptable d’y répondre. Ben le sexe, c’est la même affaire. 

L’agression sexuelle, c’est un acte de violence et une prise de pouvoir sur la victime et non le résultat d’une impulsivité sexuelle. D’ailleurs, selon l’Institut national de santé publique du Québec, la motivation qui est majoritairement sous-jacente aux violences sexuelles faites aux femmes est un désir de contrôle et de domination. En d’autres mots, la sexualité, c’est le moyen utilisé, pas le but. 

« Ouin, mais tant que tu restes loin des étrangers, tu ne seras pas agressé·e. »

L’agresseur·se typique selon l’imaginaire : un homme inconnu étrange vêtu d’un long imperméable dans une ruelle sombre. Celui qui se retrouve souvent en gang avec l’autre qui se promène dans une grosse caravane blanche un peu rouillée. Des scénarios hollywoodiens pour taire la réalité que le « typique » n’existe pas et que ce n’est écrit dans le front de personne. 

En entretenant le mythe que l’agresseur·se est souvent inconnu·e de sa victime, on minimise l’omniprésence des agressions sexuelles dans l’entourage. On banalise aussi l’existence du viol conjugal et des impacts qui en découlent. Pourtant, on devrait avoir évolué depuis 1810 lorsque la sexualité était perçue comme un « devoir conjugal » au sein d’un couple.

La vraie réalité, c’est que plus de 80% des personnes vont connaître leur agresseur·se. En 2019, au Québec, 18,5% des victimes avaient été agressées par un partenaire intime. On est loin de l’étranger… 

Un portrait peut-être trop familier 

Une agression n’en est pas moins une parce que la victime a un certain lien relationnel avec l’agresseur·se — c’est l’absence de consentement qui la détermine.

En arrêtant de véhiculer ce mythe, on valide la dure réalité que c’est possible d’être agressé·e par une personne qu’on aime, mais aussi que les agresseur·se·s ne se trouvent pas dans des cases prédéfinies (qu’iels ont tel genre, tel look, telle classe sociale, tel problème de santé mentale, etc.) et peuvent faire partie de notre famille, nos ami·e·s, nos collègues.  

Faisons plutôt véhiculer le concept de la culture du consentement qui mise sur l’accord clair à chaque étape de la relation et surtout, sur le plaisir psychique de toutes les personnes y participant. Consentir, ça rime avec plaisir et ce n’est pas pour rien !

« Ouin, mais si tu ne voulais pas, tu n’aurais pas eu d’orgasme »

Lier réaction physiologique et consentement, c’est oublier que le corps fonctionne comme une machine. Ça représente aussi un mythe destructeur qui accentue la culpabilité et la honte que peuvent ressentir les victimes. Je te conseille de prendre deux minutes bien investies pour te renseigner sur l’orgaste et le plaisir honteux juste ici. Même pas besoin de me dire merci.

« Voyons, si y’a bandé, c’est sûr qu’il voulait »

Plus de 90% des hommes qui ont été victimes d’agression sexuelle ne déclareraient pas la situation à la police. Surprenant ? Pas vraiment. Un petit coup d’œil à divers commentaires pris au hasard sous des publications Facebook peut t’aider à comprendre cette statistique.

« Un vrai homme aurait pu se défendre. »

« Quel homme n’aime pas coucher avec une belle femme, y’é chanceux. »

« C’est sûr que dans le fond il voulait. »

Les hommes peuvent être victimes d’agression sexuelle. Dans les faits, ils le sont. Tu te rappelles ma stat du début : un homme sur six. Ben oui. Et si tu crois que non, c’est probablement en raison de tous les stéréotypes sexuels qui nous remplissent la tête d’idées croches dès l’enfance que les « vrais de vrais hommes » doivent être grands, forts, courageux, insensibles et surtout… pas victimes. Belle fausse idée qui accentue l’isolement, ridiculise le vécu et creuse la honte. Tout ça en plus de donner l’impression à l’homme victime qu’il n’est pas le vrai mâle alpha qu’il est supposément censé être… Ouch.

Ouin, mais voici ce que t’as réellement besoin d’entendre : 

  • Je te crois. 
  • Ce n’est pas ta faute et tu n’as rien fait de mal pour que cela arrive. 
  • Tu ne pouvais pas prévoir. 
  • Tes émotions sont valides. 
  • Je suis là pour toi.

On dit bye à la minimisation, à la justification, à la ridiculisation et à l’invalidation du vécu des personnes victimes. On dit plutôt salut au fait d’être juste là, dans l’écoute, dans l’accueil et dans l’empathie, parce que ça, ce sont leurs vrais besoins.

Ressources d’aide 

T’as envie de parler ? Ta lecture t’a chamboulé·e ? N’hésite pas à aller chercher de l’aide, les ressources sont là pour ça. 

  • Info-aide violence sexuelle — Ligne téléphonique pour parler à une intervenante de manière anonyme et confidentielle pour les victimes de violence sexuelle et obtenir des ressources.
  • RQCALACS — Rassemblement des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel de Québec.
  • Centre Marie-Vincent — Fondation qui soutient les personnes mineures victimes de violence sexuelle.
  • CRIPHASE — Centre d’aide pour les hommes victimes de violence sexuelle.
  • SHASE — Centre d’aide pour les hommes victimes de violence sexuelle. 
  • Juripop — Services juridiques accessibles pour les personnes victimes de violence conjugale et/ou sexuelle.

Tu veux en apprendre plus sur les mythes et préjugés et sur la problématique des agressions sexuelles ? Informe-toi juste ici.

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À propos de Joany Gauvin Lavoie

Rédactrice pigiste | Pronoms : elle/la | J’écris comme j’aime vivre : en respectant un cadre, mais en l’agrémentant par ma touche de folie, d’humour, de rêves, d’opinions et de sensibilité. Psychoéducatrice de cœur et de formation, j’en fais un quotidien d’accompagner les personnes victimes de violence sexuelle vers la reprise de leur pouvoir. J’ai souvent eu la chance d’expérimenter l’idée qu’une phrase lue au bon moment peut puncher ta conscience et modifier ta perception des choses. C’est exactement ce que je souhaite en te sensibilisant sur la sexualité positive. Mon but : te faire lâcher un oh spontané et ressenti durant ta lecture. T’es prêt·e ?

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