Le plaisir sexuel dit masculin se résume-t-il réellement seulement au pénis ? Pourquoi semble-t-il se concentrer presque uniquement sur un seul organe ? Cacherait-il d’autres secrets ? 

Discuter du plaisir sexuel des personnes ayant un pénis au-delà des stéréotypes existants permet de s’ouvrir à un nombre infini de possibilités érotiques. On fait le point.

Ici, le terme « dit masculin » fait référence aux organes génitaux considérés comme tels par notre société, comme le pénis, les testicules ou la prostate dite masculine. On rappelle cependant que ces organes ou certains de ces organes peuvent être présents chez des personnes de toutes les identités de genre.

Au-delà du pénis : Les zones érogènes secondaires

L’ensemble de la peau a un potentiel érogène en raison de ses millions de récepteurs sensitifs. Il serait donc dommage de ne chercher du plaisir que dans les zones érogènes primaires, c’est-à-dire les organes génitaux !

Lorsque stimulées, plusieurs autres parties du corps peuvent générer des sensations érotiques et parfois même, mener à l’orgasme. C’est ce qu’on appelle les zones érogènes secondaires

Sur Internet, on trouve une panoplie de listes ou des tops « universels » des zones érogènes typiques sur les corps identifiés comme féminins à la naissance ou sur les corps identifiés comme masculins. Bien que certaines soient plus populaires et sensibles chez une grande partie de la population (on t’a d’ailleurs fait une petite liste juste ici), garde en tête que les zones érogènes secondaires varient d’un·e individu·e à l’autre et peuvent être extrêmement diverses.

Fixation pénis : Le phallus tout puissant

Alors, si un océan de possibilités est à portée de main, pourquoi le pénis semble-t-il être le seul joueur lorsqu’il est question de la sexualité des personnes en ayant un ? 

Anatomiquement parlant, il est vrai que stimuler le pénis peut être un moyen simple et efficace d’atteindre l’orgasme rapidement. Étant un organe très innervé, il détient un haut potentiel érogène. De façon générale, l’axe ventral du pénis (voir image) est plus sensible que la face dorsale du pénis. C’est d’ailleurs sur la face ventrale, tout en haut de la verge, qu’on retrouve la partie la plus sensible ; le frein — une zone de choix à stimuler pour favoriser le plaisir (avec modération, bien sûr, pour éviter de surstimuler !).

Schéma d'un pénis

Néanmoins, l’obsession des propriétaires de pénis pour leurs verges est loin de se résumer à une simple histoire d’efficacité ou de biologie (de toute façon, d’autres zones anatomiques peuvent procurer autant, sinon plus de plaisir, mais ça, on y reviendra plus tard). C’est aussi une question d’éducation et d’apprentissage.

Traditionnellement, la sexualité hétérosexuelle a été longtemps associée — et même résumée — à la reproduction. Et qui dit reproduction, dit pénétration pénis-vagin. 

Avec le temps, les scripts sociaux (productions cinématographiques, pornographie, etc.) n’ont que renforcé l’idée que le pénis était le Saint Graal de la sexualité hétérosexuelle. Des représentations populaires à l’écran, au réel culte voué aux phallus dans l’architecture, en passant par les leçons de Freud sur l’envie du pénis qui ont établi les bases de la psychologie moderne, le phallus a acquis un véritable symbolisme de puissance, de virilité, voire de pouvoir masculin

Pas étonnant que les hommes cis développent une certaine fierté, voire une obsession, pour leur engin et qu’ils le croient indispensable (autant pour leur plaisir que pour celui de leur partenaire).

De nombreux hommes cis hétérosexuels ont appris à mettre tous leurs œufs dans le même panier côté sexualité, en misant presque uniquement sur leur pénis. Et cela, au désagrément de leur propre plaisir et de celui de leur conjointe.

Ce qu’en dit la science

Maintenant qu’on en est à une autre étape, et qu’on parle enfin de la sexualité sous un angle plus hédoniste, il est plus que temps de se dire les vraies choses. Si on s’intéresse à la science du plaisir dit masculin, on constate que c’est loin d’être la seule source de plaisir : la pénétration n’est même pas obligatoire pour ressentir du plaisir, autant pour les propriétaires de vagin que de pénis. En fait, le premier organe du plaisir, des sensations et de la sexualité, c’est le cerveau. À partir de là, qu’on stimule le bout des orteils, la nuque ou le gland, c’est le cerveau qui fait l’entremise, qui interprète, qui reçoit l’influx nerveux.

Loin de moi l’idée de proposer de laisser tomber le pénis ! Vive les pénis ! Mais les personnes en ayant un ont tout à gagner à explorer, découvrir et développer les nombreuses autres zones érogènes de leur corps. En plus de mettre de côté l’anxiété de performance sexuelle souvent due à l’insistance mise sur l’usage du pénis (et qui peut engendrer des dysfonctions sexuelles), cela permettra d’agrandir son répertoire érotique et de multiplier les sensations de plaisir.

Que ce soit seul·e ou accompagné·e, pourquoi ne pas tenter l’expérience d’aller en territoire inconnu en explorant le cou, les mamelons, l’intérieur des cuisses, le périnée, les testicules, les lobes d’oreille, les fesses ou…

Le secret bien gardé : La prostate et l’orgasme prostatique

Et oui, il est temps de briser le silence et d’en parler ! Comment écrire un article sur le plaisir dit masculin en passant à côté de ce petit bijou de la nature ; le point P ?

Malheureusement méconnue de la plupart des propriétaires de pénis en raison du tabou de sa porte d’accès, l’anus, cette zone a le potentiel de donner des orgasmes décrits par plusieurs comme beaucoup plus puissants que les orgasmes péniens. Il suffit d’interroger celleux qui ont vécu l’orgasme prostatique (voir ici, ici ou ici) ; c’est une expérience grandiose hors du commun qui amène généralement des sensations qui étaient jusque-là inconnues !

Zones érogènes préférées ≠ orientation sexuelle

Tristement, le plaisir anal des hommes reste encore bien souvent associé à l’homosexualité masculine. Pour de nombreux hommes cis hétérosexuels (et même parfois leur homologue féminin), avoir le désir d’explorer cette zone érogène signifierait qu’on a un penchant homosexuel ou bi. 

Quand on prend le temps d’y penser plus que deux secondes, on en vient à se poser la question « pourquoi une zone érogène ou une pratique sexuelle appréciée d’une personne pour les sensations qu’elles procurent aurait un quelconque lien avec les personnes envers qui elle est attirée ? ». Dis comme ça (d’un point de vue plus scientifique et rationnel), l’association semble absurde, non ? C’est parce qu’elle l’est.

Quels sont les avantages à explorer le plaisir prostatique ?

Si tu possèdes un pénis, sache qu’en plus de te permettre d’élargir tes horizons en sortant des rôles stéréotypés des relations hétéros et des scripts sexuels limitants qui en découlent, tu ouvres la voie à de nouvelles sensations et expériences.

Pour toi, concrètement, ça veut dire :

  • Expérimenter des orgasmes plus longs, intenses et diffus dans le corps
  • Explorer la possibilité d’éjaculer sans stimulation du pénis
  • Expérimenter la multiorgasmie : donc avoir plusieurs orgasmes d’affilés (sans éjaculer chaque fois).

Comment s’y prendre et par quoi commencer ?

Après avoir déconstruit les idées reçues et les mythes concernant le plaisir dit masculin, il est maintenant temps de se mettre à la pratique — si tu en as envie, évidemment.

Travailler le lâcher-prise

Pour atteindre le réel plaisir érotique, peu importe la zone érogène stimulée, il faut aussi se détacher de la performance, qui a également été apprise, inculquée et renforcée chez les personnes socialisées au masculin via les scripts sociosexuels (comme la pornographie par exemple). En effet, la sexualité ne devrait pas se résumer à être performant·e, à maintenir une érection ferme pendant une heure ou à donner des orgasmes à profusion à ses partenaires avec son pénis. 

Mettre la performance de côté permet non seulement d’être plus présent·e avec l’autre au lieu d’être dans sa tête, mais permet surtout de laisser plus de place aux sensations érotiques à travers tout le corps en savourant entièrement le moment présent.

Commencer en douceur : stimulation externe de la prostate

Il est vrai que d’être pénétré·e exige une certaine vulnérabilité. On parle tout de même d’un corps étranger qui rentre en nous.

Si tu n’es pas tout à fait prêt·e à y aller de façon plus directe (c’est-à-dire, avec un doigt ou un jouet sexuel), tu peux toujours commencer par une stimulation externe de ta prostate pour te familiariser avec la zone. 

Déjà, la prostate, c’est où ? La prochaine fois que tu auras une relation sexuelle (ou séance de masturbation), porte attention à tes sensations internes. Impliquée dans la production et l’expulsion du sperme, la prostate se contracte pour faire jaillir le sperme en jet. En partie responsable des sensations de plaisir, tu peux sentir ses petites contractions lors de l’éjaculation

Après l’avoir repéré, tu es prêt·e à passer à la stimulation externe. Pour ce faire, tu peux t’équiper d’un jouet sexuel vibrant et assez ferme ou tout simplement, de la paume de ta main. Ensuite, applique une pression ferme et constante sur ton périnée (espace entre les testicules et l’anus). Si tu es chanceux·se (car ce n’est pas le cas de toustes), tu pourras sentir ta prostate (petite boule de la taille d’une noix de Grenoble). À ce moment-là, tu peux faire de légers mouvements de va-et-vient pour augmenter les sensations. Idéalement, le tout fonctionnera mieux si tu es déjà excité·e, car la prostate gonfle sous l’excitation sexuelle.

Schéma des organes génitaux dits masculins

Même s’il est possible de ressentir des sensations agréables via cette technique, ce n’est pas le moyen le plus efficace pour atteindre un orgasme prostatique, car la stimulation est plutôt indirecte. Mais comme on l’a vu plus tôt, le périnée est en lui-même une zone érogène, alors tu as tout à gagner ! 

L’anulingus

Si tu as un·e partenaire ouvert·e d’esprit et avec qui tu te sens en confiance, pourquoi ne pas lui demander de te gâter avec une pratique géniale pour donner envie d’aller plus loin ; l’anulingus !

En effet, après avoir mis nos croyances de côté, l’anulingus est une excellente porte d’entrée en ce qui concerne les plaisirs du sexe anal.

Une fois la stimulation externe terminée, si tu te sens prêt·e à explorer davantage la stimulation de la prostate, n’hésite pas à lire cet article d’introduction au plaisir anal ou à consulter les ressources qui s’y trouvent à la fin.

À toi de jouer

L’exploration du plaisir érotique dit masculin va au-delà de la simple focalisation sur le pénis, révélant une multitude de zones érogènes dignes d’attention. Rappelle-toi que le pénis, bien qu’important, ne devrait pas monopoliser le répertoire érotique de la personne qui le possède.

En déconstruisant les idées préconçues, en se libérant des pressions sociales et en explorant toutes les zones érogènes, on ouvre la porte à une expérience sexuelle véritablement épanouissante. Laisse-toi tenter !

Quelques outils pour élargir les horizons de ton plaisir

  • Explore le tantra → Utile pour améliorer sa connexion corps-esprit
  • Essaie le edging ou stop and go → Pour apprendre à maîtriser ton plaisir et ton orgasme
  • Tente le Sensate focus → Pour apprendre peu à peu à te défocaliser des sensations génitales et à réapprivoiser la sexualité via les zones érogènes secondaires
  • Consulte ce blogue dédié au plaisir prostatique → Découverte, infos, conseils sexo et témoignages
  • Écoute ce balado qui aborde la découverte du plaisir anal → Parfait pour démanteler les idées persistantes.
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À propos de Anne-Claudel Parr

Sexologue, Rédactrice | Pronoms: elle/la | Passionnée de plage, de voyage et de salsa, j’ai étudié en science politique, en psychologie, fait un certificat en psychoéducation et en espagnol avant d’atterrir en sexologie et de trouver ma voie (ben oui, c’est long se trouver parfois) ! Féministe intersectionnelle de cœur et de raison et membre de la communauté LGBTQIAP2S+, je pose un regard assez scientifique et théorique sur la sexualité, mais en essayant d’être moins plate que ton prof de socio au cégep. J’espère pouvoir élargir ta conception de la sexualité, dire ce qui n’est pas dit et jaser de l’éléphant rose. Ensemble, on va faire la deuxième Révolution sexuelle ! Embarques-tu ?

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